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30 avril 2019

Règlement médicament (7). La nouvelle cascade devient un lac avec une importation dès le premier niveau

par Eric Vandaële

Temps de lecture  6 min

La nouvelle cascade européenne
Au 28 janvier 2022, la nouvelle cascade permettra d'emblée soit d'utiliser « hors AMM » un médicament vétérinaire autorisé en France, soit d'importer un médicament vétérinaire autorisé dans un autre pays d'Europe même pour un usage « hors AMM » en France.
La nouvelle cascade européenne
Au 28 janvier 2022, la nouvelle cascade permettra d'emblée soit d'utiliser « hors AMM » un médicament vétérinaire autorisé en France, soit d'importer un médicament vétérinaire autorisé dans un autre pays d'Europe même pour un usage « hors AMM » en France.
 

Et si, le 28 janvier 2022, la fameuse cascade dite du « hors AMM » devenait un lac avec l'application du nouveau règlement médicament vétérinaire 2019/6 publié le 7 janvier dernier (voir LeFil du 8 janvier 2019).

Apparemment, la ou plutôt les nouvelles cascades — car il y en a trois différentes selon les espèces cibles — comprennent toujours quatre ou cinq niveaux. Mais, le premier niveau de cette cascade, est si large qu'il peut s'apparenter à un lac. C'était l'un des objectifs initiaux de cette réforme que de faciliter le recours à la cascade. Il est apparemment atteint, même si la prise en compte des espèces aquatiques, des abeilles et du miel en a fortement allongé la rédaction.

Ce septième Fil de notre série sur ce nouveau règlement « médicament vétérinaire » décortique la nouvelle cascade après ceux consacrés à la prescription (voir les Fils du 21 février etl du 25 février), à la distribution en gros (LeFil du 12 mars), aux importations parallèles (LeFil du 26 mars), aux ayants droit (LeFil du 9 avril) et aux ventes en ligne (LeFil du 23 avril 2019).

L'AMM est-elle contraignante ? Oui mais…

« Les médicaments vétérinaires sont utilisés conformément aux termes de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) », selon l'article 106 (§1) du nouveau règlement. Pour la première fois dans un texte européen, cette phrase contraint les utilisateurs à ne pas dévier du résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) qui fait partie des « termes de l'AMM ». Le dispositif de la cascade s'inscrit donc comme une dérogation à cet usage conforme au RCP.

Paradoxalement, le nouvel étiquetage des médicaments sur ordonnance ne comportera plus les indications pour inciter les utilisateurs finaux à se référer à l'ordonnance du vétérinaire plutôt qu'à l'étiquetage de l'emballage extérieur (art. 11).

Quand recourir à la cascade ? « À titre exceptionnel »

Sans changement, le vétérinaire peut, sans y être contraint, « traiter des animaux » dans le cadre de la cascade « lorsqu'il n'existe pas de médicament vétérinaire autorisé dans l'État membre [où il exerce] pour une indication concernant une espèce animale ». Il est aussi désormais précisé qu'une rupture ou l'absence de disponibilité d'un médicament autorisé mais pas commercialisé, ouvre le droit à la cascade.

Selon ce texte, le vétérinaire ne devrait recourir à la cascade qu'« à titre exceptionnel, notamment afin d'éviter des souffrances inacceptables » [art. 112 à 114].

La responsabilité du vétérinaire est-elle engagée ? Oui même sur son emploi

Même en se conformant à l'AMM ou au RCP, la responsabilité personnelle du vétérinaire prescripteur est toujours engagée sur son diagnostic et sur son ordonnance. Mais, dans des indications bien évaluées dans le cadre du dossier d'AMM, la probabilité pour qu'un vétérinaire commette une faute à l'origine d'un dommage — la mort de l'animal — est plus faible. Et la responsabilité du prescripteur n'est pas engagée sur l'usage qu'en fait au final le détenteur de l'animal qui utiliserait le médicament n'importe comment sans se conformer à son ordonnance.

Dans le cadre de la cascade, même l'usage « hors RCP » du médicament est « sous la responsabilité [civile] personnelle directe du vétérinaire ». Cela signifie que le vétérinaire soit administre lui-même le médicament utilisé « hors RCP », soit autorise un tiers, le détenteur de l'animal, à l'administrer mais sous la responsabilité du praticien [art. 112 à 114].

En d'autres termes, si la responsabilité du vétérinaire est toujours engagée sur la prescription d'un médicament prescrit « dans ou hors RCP », elle est, dans le cadre de la cascade, étendue à l'administration même si c'est le propriétaire de l'animal qui emploie mal le produit sans se conformer à la prescription.

Le règlement n'autorise d'ailleurs pas le vétérinaire à « prescrire des médicaments » dans le cadre de la cascade, mais à « traiter des animaux sous sa responsabilité personnelle directe ». Prescrire ou traiter, ce ne sont pas les mêmes actes qui sont visés. Les ordonnances des médicaments utilisés dans le cadre de la cascade devront d'ailleurs le mentionner explicitement cet usage « hors AMM ».

Quels sont les différents niveaux de la cascade ? Ils sont au nombre de quatre

La nouvelle cascade applicable à compter du 28 janvier 2022

 

Dans le cadre de cascade dite du « hors AMM », le vétérinaire peut « traiter les animaux [exclus de la consommation humaine] » avec :

  1. D'abord, un médicament avec une AMM vétérinaire dans l'UE (France incluse) « dans ou hors RCP ». En d'autres termes, le vétérinaire a d'emblée accès à tous les médicaments vétérinaires autorisés en Europe et non pas seulement à ceux disponibles en France. La cascade devient un lac. Pour la faciliter, une base de données de tous les médicaments autorisés dans l'UE sera accessible avec les RCP de chacun d'entre eux. Dans le cadre de la cascade, il ne devrait pas être exigé que la notice du médicament importé soit traduite. Aujourd'hui, l'importation thérapeutique depuis un État membre de l'UE est au troisième niveau de la cascade et nécessite une autorisation de l'Anses. À compter du 28 janvier 2022, ces importations à but thérapeutiques seront envisageables dès le premier niveau.
  2. À défaut de médicament avec AMM vétérinaire en Europe, le recours à un médicament avec AMM à usage humain est permis.
  3. Puis, à défaut de médicaments avec AMM, la préparation extemporanée magistrale (« sans AMM ») est fabriquée selon la prescription du vétérinaire.
  4. Enfin, en tout dernier recours, il pourrait aussi être envisagé l'importation d'un médicament autorisé dans un pays tiers dans l'espèce et l'indication visées (à l'exception d'un vaccin). Il deviendrait légalement possible d'importer des médicaments autorisés aux USA, au Canada, en Australie… ou, à l'avenir, au Royaume-Uni, s'ils n'ont pas d'équivalents dans l'Union Européenne.

Cette cascade s'applique aux animaux de compagnie et aux équidés exclus de la consommation humaine [art. 112].

Quid de la cascade en productions animales ? Des temps d'attentes plus réalistes

Le nouveau règlement distingue les productions animales terrestres [art. 113] des espèces animales aquatiques [art. 114]. Dans les deux cas, le règlement rappelle l'obligation que la substance active dispose d'une limite maximale de résidus, mais pas nécessairement dans la denrée de l'espèce animale visée.

Dans les productions animales terrestres, la cascade est quasi-identique à celle pour les animaux de compagnie à une nuance près. Il convient d'abord de privilégier un médicament avec une AMM vétérinaire dans l'UE (en Frane ou dans un autre État membre) déjà approuvé dans une production animale terrestre, la même espèce que celle visée ou une autre, dans la même indication ou une autre. Comme pour les animaux de compagnie, le recours est d'emblée possible vers l'ensemble des médicaments autorisés dans l'UE.

À défaut, le vétérinaire peut recourir à un médicament vétérinaire destiné aux animaux de compagnie et autorisé dans l'UE. Dans ce cas, il convient de vérifier que les substances actives ont des LMR, c'est-à-dire sont inscrites au tableau 1 des substances autorisées en productions animale en annexe du règlement LMR 470/2009.

À défaut, le vétérinaire peut aussi recourir à un médicament humain avec AMM, puis à une préparation extemporanée (« sans AMM ») ou un autovaccin. Comme pour les animaux de compagnie, l'importation depuis un pays tiers d'un médicament autorisé dans l'espèce et l'indication visées est envisageable, sauf pour des vaccins.

En cas de changement d'indication, mais sans changement d'espèce, le temps d'attente prévu n'est pas allongé [art. 115]. Sinon, les temps d'attente minimaux à appliquer sont les suivants :

  • Seulement « 1 jour » dans le lait ou la viande si le temps d'attente viandes ou lait est de « zéro jour » dans les autres espèces,
  • 1,5 fois le temps d'attente le plus long dans une autre espèce, si un temps d'attente est prévu pour la denrée visée (viandes, lait ou œufs) dans une autre espèce (par exemple en cas de changement d'espèce cible d'un médicament déjà indiqué dans d'autres productions animales) avec un arrondi un nombre de jours entiers le plus proche,
  • 7 jours dans le lait si les médicaments ne sont pas indiqués chez les femelles laitières,
  • 10 jours dans les œufs si les médicaments ne sont pas indiqués chez les pondeuses,
  • 28 jours dans la viande si les médicaments ne sont pas indiqués dans les productions animales,
  • « au cas par cas » dans le miel.

Pour les productions aquacoles, la cascade est provisoirement assez proche de celles des productions terrestres [art. 114]. Mais, une liste de substances actives utilisables dans le cadre de la cascade devrait être établie avant le 28 janvier 2027 afin de tenir compte aussi des risques pour l'environnement. Les temps d'attentes de la cascade « aquacole » sont de 1,5 fois le temps d'attente le plus long d'un médicament indiqué pour une autre espèce aquacole exprimé °C.jour, ou fixés, selon les cas, entre 25 °C.jour à 500 °C.jour pour les médicaments non destinés aux espèces aquacoles.

Les substances essentielles aux équidés sont-elles conservées ? Oui avec 6 mois de temps d'attente

Le dispositif des substances sans LMR mais dites essentielles aux équidés est conservé. Un règlement européen (n° 122/2013) a déjà publié une liste actualisée de 88 substances sans LMR, mais essentielles aux équidés non exclus de la consommation humaine (voir ce lien). L'usage de ces 88 médicaments sans LMR est autorisé chez ces équidés, même ceux destinés à la consommation humaine, à deux conditions :

  1. Que le cheval soit identifié et le que le traitement soit inscrit dans son passeport,
  2. Qu'un temps d'attente de six mois soit respecté avant l'abattage de l'équidé pour la consommation humaine.

Le nouveau règlement prévoit d'évaluer et éventuellement de revoir ce dispositif au plus tard pour le 29 janvier 2027. Avant cette date, la Commission présentera un rapport et d'éventuelles mesures sur les traitements des équidés et leurs exclusions de la chaîne alimentaire. Ce rapport devra aussi inclure la problématique des traitements des chevaux importés depuis des pays tiers [art. 158].