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21 février 2019

Règlement 2019/6 médicament véto (1). Qu'est-ce qui change pour la prescription ? Réponse à l'article 105

par Eric Vandaële

Temps de lecture  8 min

Selon l'article 105 du règlement 2019/63 « médicament vétérinaire », l'ordonnance devrait mentionner les substances actives des médicaments prescrits. Source de l'illustration : drogues dépendance.
Selon l'article 105 du règlement 2019/63 « médicament vétérinaire », l'ordonnance devrait mentionner les substances actives des médicaments prescrits. Source de l'illustration : drogues dépendance.
 

Après des années de gestation, le règlement 2019/6 « médicament vétérinaire » est paru au Journal officiel de l'Union européenne du 7 janvier 2019 (voir LeFil du 8 janvier). Il ne s'appliquera que dans trois ans, le 28 janvier 2022. Trois ans, c'est très long et… cela sera toujours trop court avant la date-butoir pour s'habituer à ces nouvelles règles.

Elles s'appliqueront en France sans transposition en droit national. Mais notre code de la santé publique et, dans une moindre mesure, notre code rural devront évidemment être modifiés durant ce délai pour qu'ils ne soient pas contraires au droit européen, pour supprimer toutes les dispositions en doublon et aussi pour faire un choix entre les différentes options de droit national que ce texte européen permet.

Ce règlement de 125 pages suscite donc beaucoup de questions sur la prescription, la délivrance, les ventes en lignes, les antibiotiques etc. Pour se préparer à l'échéance de 2022, notre Fil quotidien vous propose donc d'y répondre « au jour le jour » à travers une série de Fils présentés en questions-réponses.

Un des articles phares de ce règlement est l'article 105 qui encadre la nouvelle ordonnance reconnue « dans toute l'Union européenne ». Pleins feux sur l'article 105 pour le premier Fil de cette série.

La prescription est-elle un acte réservé aux vétérinaires ? Oui sauf…

Les vétérinaires sont explicitement désignés comme les seuls prescripteurs (art 4, point 33).

Mais, par dérogation, certains États membres peuvent permettre que des prescripteurs non vétérinaires déjà existants puissent poursuivre leurs activités en conformité avec leur droit national s'il est déjà applicable avant la publication de ce règlement (article 105, §4). Cette dérogation ne pourra donc pas être étendue à des pays comme la France où les vétérinaires sont les seuls prescripteurs, ni à d'autres catégories de professionnels. Les prescripteurs non-vétérinaires doivent respecter les mêmes règles européennes que les vétérinaires pour la rédaction de leurs ordonnances. Mais les ordonnances ne seront pas valables ni en France ni dans l'UE, mais seulement dans l'État membre qui a déjà autorisé de tels prescripteurs non vétérinaires. À long terme, la prescription par un non-vétérinaire, déjà anecdotique dans l'UE, est sans doute amenée à s'éteindre progressivement.

En outre, la prescription des antimicrobiens (antibiotiques, anticoccidiens, antifongiques…) sera interdite aux prescripteurs non vétérinaires.

La prescription « hors examen clinique » restera-t-elle possible ? Oui

« Une ordonnance n'est délivrée qu'après un examen clinique ou toute autre évaluation appropriée de l'état de santé de l'animal ou du groupe d'animaux par un vétérinaire » selon l'article 105 (§3).

La prescription hors examen clinique “à la française” semble compatible avec cette rédaction. Le règlement ne restreint d'ailleurs pas cette possibilité aux seules productions animales comme c'est le cas en France.

Aujourd'hui, le dispositif français du « suivi sanitaire permanent » comprend quatre éléments :

  1. Un BSE ou bilan sanitaire annuel de l'élevage réalisé par le vétérinaire,
  2. Un protocole de soins qui découle du BSE et qui peut-être mis à jour à tout moment,
  3. Au moins une visite vétérinaire de suivi entre deux bilans
  4. Et la réalisation de soins réguliers par le vétérinaire, pouvant être attestés par la signature du vétérinaire dans le registre d'élevage.

Le règlement n'impose pas de règles européennes aussi précises que celles en vigueur en France. Il évoque seulement une « évaluation appropriée de l'état de santé des animaux par un vétérinaire ». Cette rédaction ne permet donc pas que cette évaluation « hors examen clinique » puisse être réalisée par le détenteur des animaux ou par un technicien. En d'autres termes, le diagnostic (« l'évaluation de l'état de santé ») qui conduit à la prescription ne peut ici être fait que par un vétérinaire. Le règlement n'exige pas explicitement que le vétérinaire prescripteur soit obligatoirement celui qui a réalisé cette « évaluation appropriée de l'état de santé des animaux ». La aussi, cette rédaction est tout à fait compatible avec la communauté d'exercice vétérinaire à la française, où un vétérinaire peut rédiger une ordonnance si c'est son associé ou un autre confrère de la même structure d'exercice qui a réalisé le BSE et le protocole de soins.

Attention à la terminologie. Dans ce règlement, l'ordonnance est dite « délivrée » quand le document est remis aux détenteurs des animaux. Cela ne signifie donc pas que les médicaments prescrits sont aussi délivrés simultanément avec l'ordonnance.

Une prescription d'un vétérinaire français est-elle reconnue en Espagne ? Oui

« Les ordonnances délivrées [au sens de rédigées] par un vétérinaire sont reconnues dans toute l'Union » (article 105, §7). Une ordonnance signée par un vétérinaire français est donc reconnue comme valable en Pologne, en Espagne ou dans un autre pays de l'UE. « Le médicament prescrit est délivré conformément au droit national » (article 105, §9). Ainsi, pour les vacanciers européens qui voyagent avec leur chien, une ordonnance peut être prescrite avant leur départ vers un autre pays de l'UE et les médicaments vendus dans le pays de destination. Et réciproquement, si un animal est malade pendant ses vacances en Italie, la prescription rédigée par un confrère basé en Italie est valable pour une délivrance en France à son retour de vacances.

Quelles seront les mentions nouvelles à préciser sur une ordonnance ? les principes actifs, la cascade…

Les informations sont globalement assez peu modifiées que l'ordonnance soit remise sous un format papier ou électronique. Deux ou trois ajouts sont significatifs comme la mention des substances actives ou d'une prescription « hors AMM » dans le cadre de la cascade (article 105, §5). « L'ordonnance comporte au moins les éléments suivants : »

  • Le nom et les coordonnées du prescripteur (vétérinaire), son numéro d'inscription à l'ordre, et sa signature manuscrite ou électronique,
  • Le nom et les coordonnées du propriétaire ou du détenteur des animaux,
  • L'identification de l'animal ou des groupes d'animaux à traiter,
  • La date de l'ordonnance (dite « date de délivrance de l'ordonnance »),
  • « Le nom du médicament prescrit, y compris ses substances actives », sa forme pharmaceutique, son dosage,
  • La quantité prescrite ou le nombre de boîtes en précisant la contenance des boîtes,
  • La posologie,
  • En productions animales, le temps d'attente (même s'il est nul),
  • « Toutes les mises en garde nécessaires pour assurer le bon usage, y compris, le cas échéant, sur l'usage prudent des antimicrobiens »,
  • Le cas échéant, une mention signalant une prescription dans le cadre de la cascade (hors des indications approuvées dans le résumé officiel des caractéristiques du produit ou RCP),
  • Le cas échéant, une mention signalant une prescription d'un antimicrobien (antibiotique, anticoccidien, antiviral, antifongique…) en prévention ou en métaphylaxie.

La Commission européenne pourra prendre des textes d'exécution pour préciser le format des ordonnances (article 105, §8).

La même ordonnance pourra-t-elle servir pour plusieurs délivrances ? Sans doute pas

« Les quantités prescrites [éventuellement en nombre de boîtes] sont limitées aux quantités requises par le traitement » (art. 105 §6) sans autre précision. Implicitement, le renouvellement serait donc toujours interdit dès lors que toutes les quantités prescrites, la totalité des boîtes prescrites sur l'ordonnance, ont été délivrées au détenteur des animaux en une ou plusieurs fois. Toutefois, les règles de délivrance étant celles du droit national, il conviendra à chaque État membre de le préciser sans doute un peu plus explicitement dans sa propre législation.

Pour les antibiotiques, l'ordonnance n'est valable que cinq jours, quelle que soit la durée du traitement prescrit. Ce qui signifie les antibiotiques prescrits par une ordonnance datant de plus de cinq jours ne pourront plus être délivrés.

Quid de l'ordonnance pour les médicaments administrés par le vétérinaire ?

Le règlement n'oblige pas à la rédaction d'une ordonnance pour les médicaments soumis à prescription administrés par le vétérinaire lui-même sauf… si le droit national l'exige. Ce qui est aujourd'hui le cas en France.

En revanche, le règlement demande au vétérinaire de « tenir un registre des administrations qu'il réalise par lui-même conformément au droit national ». Pour le moment, même si le droit français oblige à la rédaction d'une ordonnance remise au détenteur des animaux, le vétérinaire n'est pas tenu d'enregistrer ses propres usages, ni même d'ailleurs de conserver une copie de son ordonnance.

Faudra-t-il tenir un registre des ordonnances ? Pas obligatoirement

Les États membres peuvent, à titre volontaire, prendre des mesures dans leur droit national pour exiger des vétérinaires à tenir un registre de toutes les ordonnances (article 105 §11). Cela n'est toutefois pas une obligation européenne, mais, le cas échéant, nationale. À ce jour, ce registre des prescriptions n'est pas obligatoire en France, sauf à de rares exceptions. Mais l'enregistrement des délivrances au détail des médicaments est obligatoire. Et il aboutit le plus souvent à conserver une sorte de registre des prescriptions correspondantes. Le règlement conserve évidemment l'obligation de conserver un registre des ventes au détail.

La tenue d'un second registre des ordonnances ferait sans doute doublon avec celui des délivrances. La tenue par le vétérinaire d'un registre de ses propres ordonnances serait donc surtout utile dans les rares États qui appliquent le découplage.