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26 mars 2019

Règlement médicament (4). Le commerce parallèle des grossistes est clarifié, mais pas les achats des éleveurs

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Les écarts de prix conduisent à observer un commerce parallèle. Cela pose aussi parfois problèmes de ruptures dans les pays où le prix des médicaments est attractif. Source : pharmanalyses.fr
Les écarts de prix conduisent à observer un commerce parallèle. Cela pose aussi parfois problèmes de ruptures dans les pays où le prix des médicaments est attractif. Source : pharmanalyses.fr
 

Comment un grossiste, un vétérinaire ou un éleveur peut-il ou pourra-t-il à l'avenir acheter un médicament espagnol moins cher que le même médicament en France ? Curieusement, le nouveau règlement 2019/6 sur le médicament vétérinaire répond à cette question avec précision seulement pour les grossistes. Il ignore les importations parallèles qui pourraient être réalisées par des éleveurs ou des ayants droit. Mais ce silence ne vaut pas interdiction.

La Cour de justice de l'Union européenne avait d'ailleurs estimé le 27 octobre 2016 qu'une procédure devait être accessible aux éleveurs pour l'importation de médicaments en petites quantités pour les seuls besoins des animaux d'un élevage (voir LeFil du 2 novembre 2016). Ce règlement ne propose pas cette procédure allégée accessible aux éleveurs, mais ne l'interdit pas non plus.

Dans ce domaine, c'est donc encore le droit national qui devrait s'appliquer. Même si en France, les tribunaux ont (trop) souvent tendance à juger que le droit national est contraire à la liberté de circulation des marchandises prévue dans le traité européen (voir LeFil du 12 juin 2018). Ce règlement ne clôt donc malheureusement pas ce débat. Ces importations parallèles, rebaptisées « commerce parallèle », sont le thème de ce quatrième Fil de notre série de questions-réponses sur ce règlement européen applicable à compter du 28 janvier 2022 (voir LeFil du 8 janvier 2019). Les trois premiers Fils de cette série étaient consacrés à la prescription (voir les Fils du 21 février et du 25 février) et à la distribution en gros aux ayants droit (voir LeFil du 12 mars 2019).

Quels médicaments vétérinaires peuvent être importés librement en France depuis un autre pays de l'Union européenne ?

Les médicaments fabriqués par les industriels commercialisés en France doivent avoir une AMM valable en France. Le nouveau règlement européen ne modifiera pas cette exigence au 28 janvier 2022 comme cela avait été initialement envisagé aux prémices de ce texte en 2008…

En France, une AMM valable dans l'hexagone vaut autorisation d'importation sans autre formalité.

Si l'AMM européenne est centralisée, une autorisation d'importation parallèle est-elle nécessaire ? Non mais…

Lorsque l'AMM est dite centralisée, elle n'est pas octroyée par l'Agence française du médicament vétérinaire, mais par la Commission européenne après une évaluation favorable de l'Agence européenne du médicament. Par définition, ces médicaments en AMM centralisée peuvent donc librement être commercialisés dans tous les pays de l'Union européenne, aussi bien par les grossistes que par les ayants droit.

Mais avec une réserve importante. Les médicaments commercialisés en France doivent être étiquetés en français, en appliquant le cas échéant les spécificités françaises sur les substances vénéneuses par exemple. C'est pourquoi, lorsqu'ils ne sont pas d'emblée étiquetés en français, la « distribution parallèle » de ces médicaments est soumise à une simple procédure de notification auprès de l'Agence européenne du médicament pour s'assurer d'un réétiquetage correct. Il n'est pas alors pas nécessaire d'obtenir l'autorisation de l'Agence française du médicament vétérinaire pour ces médicaments en AMM centralisée.

Pour le moment, seules des entreprises néerlandaises ont notifié des distributions parallèles de ce type avec la France comme État membre de destination pour uniquement trois médicaments en AMM centralisée.

  • Le grossiste néerlandais Wirtz Farma, spécialisé dans les ventes en ligne, peut distribuer aux ayants droit français des spot-on antiparasitaires Profender° (Bayer, émodepside) et Stronghold° (Zoetis, sélamectine) achetés dans d'autres pays d'Europe.
  • De même, deux laboratoires néerlandais, Dopharma et Kernfarm, peuvent distribuer en France la solution injectable à 100 mg/ml de tulathromycine Draxxin° achetés soit en Lituanie ou en Roumanie pour Dopharma, soit en Autriche, à Chypre, en Autriche ou au Danemark pour Kernfarm.

À l'inverse, le marché français semble davantage compétitif pour l'approvisionnement d'autres pays européens, surtout ceux de l'Europe du Nord. De nombreux distributeurs parallèles allemands (Bioptivet, CC Pharma), néerlandais (R&W Generics, Kernfarm, Wirtz Farma), suédois (Cross Pharma, Medartuum), danois (ChemVet Pharma, Orifarm, 2care4, Paranova) mais aussi espagnols (BCN Farma, Elam Pharma, Sistemas Writer 400) et italiens (UAB Vetfarmas) ont notifié des distributions parallèles avec la France comme État d'origine de médicaments vétérinaires destinés à d'autres pays de l'Union européenne. Les médicaments « français » concernés par ces exportations parallèles vers d'autres pays sont les suivants :

  • Chez les animaux de compagnie, Bravecto°, Nexgard°, Profender°, Advocate°, Stronghold°, Metacam°, Onsior°, Previcox°, Trocoxil°, Apoquel°, Convenia°, Dexdomitor°, SevoFlo°, Cortavance°, Easotic°, Surpelorin°, Palladia°, Nobivac° L4 ;
  • Pour les équidés : Equilis° Prequenza° ;
  • En productions animales, Draxxin°, Zuprevo°, Naxcel°, Circovac°, Circoflex°, Porcilis° AR-T ou PCV…

Toutes ces distributions parallèles de médicaments en AMM centralisée ne sont pas concernées par l'application au 28 janvier 2022 du nouveau règlement médicament vétérinaire 2019/6 [art 102 § 8].

Quels sont les médicaments concernés par le nouveau règlement pour ce commerce parallèle ? Plus de 85 % des médicaments autorisés en France

Environ 3000 médicaments sont autorisés en France. Presque 400 d'entre eux, les médicaments innovants les plus récents, bénéficient d'une AMM centralisée valable dans tous les pays de l'Union européenne. Cela les exclut du dispositif d'encadrement du commerce parallèle par le règlement européen [art 102 § 8].

En revanche, tous les autres, plus de 85 % des AMM valables en France ont été octroyées par l'Agence française du médicament vétérinaire. Ces AMM ne sont valables qu'en France. Même si, pour presque la moitié de ces AMM, elles découlent de procédures européennes d'enregistrement qui conduisent à l'octroi d'AMM nationales identiques dans plusieurs États membres.

Seuls les médicaments en AMM nationales sont concernés par l'encadrement des importations parallèles prévues à l'article 102 du nouveau règlement.

Quelles sont les exigences pour le grossiste qui fait du commerce parallèle ?

Le distributeur en gros qui se livrerait en France à une importation parallèle d'un médicament vétérinaire s'assure que le médicament importé de l'État membre source est identique et a la même origine que celui autorisé en France. Cette vérification de l'origine commune entre le médicament importé et le médicament avec AMM française porte sur points suivants :

  • Même composition (quantitative) en substances actives et en excipients dans la même forme pharmaceutique,
  • Même informations cliniques (indications, posologie…) et, en productions animales, même temps d'attente,
  • Même fabricant (ou un fabricant travaillant sous licence avec la même formule) [art. 102 § 1].

Ces exigences sont similaires à celles aujourd'hui applicables en France depuis le décret « importations parallèles » du 5 juin 2018 (JO 7/6/18). Depuis l'an dernier, il est en effet exigé que le même fabricant pour les demandes d'importation parallèle ou leur renouvellement (voir LeFil du 12 juin 2018).

L'autorisation d'importation parallèle est-elle obligatoire ? Oui en France

Le règlement ne prévoit pas explicitement une autorisation d'importation parallèle pour ces médicaments, mais « une procédure administrative d'approbation de la demande de commerce parallèle » [art. 102 § 1].

Il sera donc possible de conserver la procédure d'autorisation d'importation parallèle telle qu'elle existe aujourd'hui en France. D'autres pays peuvent aussi opter pour de simples notifications préalables de commerce parallèle.

Dans tous les cas, les médicaments approuvés pour ce commerce parallèle devront apparaître dans les bases de données des médicaments autorisés en Europe pour chacun des pays concernés [art 55].

Quelles sont les obligations des grossistes réalisant un commerce parallèle ?

Le grossiste réalisant un commerce parallèle en France auprès des ayants droit n'est pas obligatoirement basé en France, mais dans un État membre de l'Union européenne. Mais ce grossiste s'engage auprès de l'autorité de l'État membre de destination, l'Anses-ANMV en France, à réaliser la pharmacovigilance des médicaments importés destinés au marché français. Il collecte les déclarations et les rapporte au titulaire de l'AMM.

L'étiquetage de ces médicaments respecte les exigences et la langue de l'État de destination. Ce qui implique donc un réétiquetage réalisé chez un fabricant pharmaceutique [art. 102 § 2 à 7].

Le grossiste doit aussi informer de cette importation parallèle le titulaire d'AMM au moins un mois avant la première commercialisation.