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Elanco & Proplan

3 octobre 2024

Le risque de réaction transfusionnelle aiguë chez le chien est influencé par la durée du stockage des produits et le volume administré

par Corinne Descours-Renvier

Temps de lecture  4 min

Dans une étude multicentrique réalisée chez le chien, l'incidence des réactions transfusionnelles aiguës atteint 8,9 % avec les concentrés de globules rouges. Ici, figurent les types de réactions transfusionnelles en fonction du produit sanguin utilisé (Georgina et coll., 2024).
Dans une étude multicentrique réalisée chez le chien, l'incidence des réactions transfusionnelles aiguës atteint 8,9 % avec les concentrés de globules rouges. Ici, figurent les types de réactions transfusionnelles en fonction du produit sanguin utilisé (Georgina et coll., 2024).
 

La maîtrise du risque de réaction transfusionnelle aiguë chez le chien est en grande partie à la portée des praticiens. C'est ce que conclut une étude récemment publiée dans le Journal of Veterinary Internal Medicine par des chercheurs américains, australiens et britanniques. Ce risque a été estimé entre 3,3 % et 37,4 % au cours de précédents travaux, un écart qui s'explique en partie par l'absence de consensus sur les définitions utilisées par les différents auteurs. Dans cette étude multicentrique, les chercheurs ont choisi de tous se fonder sur les données mises en ligne en 2021 par l'Association of Veterinary Hematology and Transfusion Medicine, ce qui améliore l'homogénéité des résultats malgré la multiplicité des intervenants, et leur comparaison.

Une étude multicentrique sur plus de 850 chiens

Quatorze structures vétérinaires accueillant des référés (onze écoles et trois cliniques privées) ont en effet participé à l'étude, aussi bien en Australie, qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Entre mars et novembre 2022, 858 chiens ayant reçu une transfusion ont été suivis. Parmi eux, 363 ont été transfusés plusieurs fois, soit un total de 1 542 doses. Les produits utilisés étaient soit :

  • du sang total (85 transfusions concernant 63 chiens) ;
  • des concentrés de globules rouges (878/574) ;
  • des produits dérivés du plasma (537/329) ;
  • des plaquettes (13/9) ;
  • ou encore de l'albumine canine lyophilisée (29/25).

Les chercheurs ont pris en compte plusieurs caractéristiques des produits transfusés : conditions de stockage (durée, température…), réalisation éventuelle d'une leucoréduction (technique de filtration qui élimine 99,99 % des globules blancs)… Ils ont également vérifié pour quelles raisons les animaux ont été transfusés et selon quel protocole, s'ils ont ou non été anesthésiés durant les soins, ou encore si une recherche préalable de groupe sanguin avait été réalisée…  Une réaction transfusionnelle aiguë a été envisagée en cas d'apparition soudaine de fièvre (hyperthermie supérieure à 39,2°C et + 1°C par rapport à la température de départ), détresse respiratoire, tachycardie, hypotension, angiœdème, urticaire, prurit, hypothermie, vomissements ou diarrhées, ou encore hypocalcémie.

Davantage d'incidents avec les concentrés de globules rouges

Sur les 1 542 transfusions effectuées, 108 réactions transfusionnelles aiguës ont été détectées, concernant 99 chiens. La fréquence des réactions atteint 8,9 % avec les concentrés de globules rouges (78 cas sur 878 transfusions), contre seulement 4,5 % avec les produits dérivés du plasma (24 sur 537) et 3,5 % avec du sang complet (3 sur 85). Deux cas ont également été observés lors de l'administration de plaquettes (2 sur 13) et un cas avec de l'albumine canine lyophilisée (1 sur 29). Avec les concentrés de globules rouges, les chercheurs observent surtout des réactions transfusionnelles fébriles non hémolytiques (4 % des cas, contre seulement 0,9 % avec le plasma). Les réactions allergiques (cutanées et/ou digestives…) sont quant à elles plus fréquentes avec les plaquettes et le plasma (respectivement 16,7 % et 3,2 % contre 2,2 % avec les concentrés de globules rouges). Un résultat logique puisque la concentration en protéines allergisantes est plus importante dans ces deux produits (immunoglobulines A, haptoglobine…).  Plus rares dans cette étude, les réactions hémolytiques transfusionnelles aiguës ne sont observées dans 2,3 % des cas de transfusion avec des concentrés de globules rouges. Les auteurs relèvent aussi que la réalisation d'un test de compatibilité de type crossmatch ne diminue pas significativement le risque de survenue d'un tel incident. Ils expliquent que les réactions hémolytiques transfusionnelles aiguës peuvent par exemple être liées aux conditions de stockage des produits, plutôt qu'à une incompatibilité. Enfin, des problèmes respiratoires aigus sont observés dans 0,45 % des transfusions de concentrés de globules rouges, ainsi que pour un cas d'hypotension.

Risques augmentés dès 21 jours de stockage

L'administration de concentrés de globules rouges stockés plus de 21 jours, et surtout plus de 28 jours, augmente significativement les risques de réaction transfusionnelle fébrile non hémolytique et de réaction hémolytique aiguë, par rapport aux produits stockés au maximum 14 jours. Les auteurs insistent donc sur l'importance de gérer soigneusement les stocks des banques de sang, pour éviter de laisser perdre les produits, sans toutefois les conserver trop longtemps. Ils constatent également qu'une dose accrue de concentrés de globules rouges augmente sensiblement le risque d'incident : chaque 1 ml/kg supplémentaire administré est ainsi associé à un sur-risque de +4 % d'apparition de réaction transfusionnelle aiguë, voire même de +6 % pour les réactions allergiques. Les auteurs conseillent donc aux praticiens la prudence concernant les quantités à administrer. Par ailleurs, la leucoréduction, pratiquée dans 173 cas, n'a pas permis de réduire significativement les risques de complications.

A contrario, les chiens sous anesthésie générale présentent un risque moindre dans cette étude : chez les 183 chiens anesthésiés, l'incidence des réactions transfusionnelles aiguës chute en effet à 2,2 %. L'hypothermie secondaire à l'anesthésie pourrait en effet masquer la fièvre - qui a été le symptôme le plus fréquemment rapporté dans cette étude. Les auteurs estiment donc au final que la majorité des facteurs de risque identifiés ici sont maîtrisables à l'échelle d'une structure vétérinaire.