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Elanco & Proplan

10 février 2022

Il faut avoir une dent pour ne plus se casser les dents sur les trafics de chiots importés des pays de l'Est

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Les inspecteurs sont « sur les dents ». Sur les chiots importés très jeunes des pays de l'Est, ils doivent désormais leur ouvrir la gueule pour vérifier la présence d'une dent adulte, a minima les premières incisives adultes. Photo : site zooplus.com
Les inspecteurs sont « sur les dents ». Sur les chiots importés très jeunes des pays de l'Est, ils doivent désormais leur ouvrir la gueule pour vérifier la présence d'une dent adulte, a minima les premières incisives adultes. Photo : site zooplus.com
 

« Sur les dents » Voilà des années que les vétérinaires inspecteurs sont « sur les dents » pour lutter contre les trafics de chiots importés bien trop jeunes. Un chiot ne peut pas voyager dans l'UE sans sa mère avant l'âge de 15 semaines, en tenant compte du délai de trois semaines après la primovaccination antirabique au plus tôt à 12 semaines.

Pourtant, la brigade d'enquêtes vétérinaires est réputée pour « avoir la dent dure » pour lutter contre ces trafics. Mais elle s'est souvent « cassé les dents » sur les passeports des chiots importés trop jeunes. Car les trafiquants « mentent comme des arracheurs de dents ». Ils falsifient la date de naissance pour faire croire que la réglementation est respectée. Les inspecteurs ont beau « serrer les dents », ils ne disposent pas de la preuve de la falsification de ces passeports. Lorsqu'ils sont interrogés, les trafiquants « ne desserrent pas les dents ». Ils n'avoueront jamais cette falsification. Peut-être un jour… « quand les poules auront des dents ».

Les services d'inspection ont bien questionné l'Anses sur ce point. Des titrages sérologiques en Ac Antirabique trop faibles (< 0,5 UI/ml) ne permettraient-ils pas de démontrer que les chiots ont été vaccinés trop jeunes ? Le rapport de l'Anses a fait « grincer les dents » des inspecteurs et fait « rire de toutes leurs dents » les trafiquants. Le titre en Ac antirabiques ne dépend pas de l'âge de la primovaccination mais, principalement, du délai entre cette première injection et le titrage en Ac. Au-delà d'un délai de deux mois, 20 à 25 % des chiots ont des titres en Ac inférieurs à 0,5 UI/ml. Toutefois, même avec un titre inférieur à 0,5, UI/ml, cela ne compromet pas le fait que ces chiots soient bien protégés contre la rage s'ils ont bien été vaccinés. Cela a été démontré, notamment par épreuve virulente (voir LeFil du 5 juin 2020).

Mais l'Anses a aussi rappelé une évidence aux inspecteurs. Pour contrôler l'âge des chiots importés, le plus fiable est de « se référer aux dents » des chiots importés !

À 15 semaines d'âge, les chiots armés des premières dents adultes

Modification de la dentition d'un chiot âge entre 2 et 4 mois

Les dents de lait d'un chiot apparaissent dès l'âge de 3 à 4 semaines pour les premières canines. Mais, à moins de trois mois, le chiot ne dispose que de ses dents de lait. À 15 semaines, les premières incisives adultes apparaissent.

Illustration extraite du rapport de l'Anses (avril 2020).

 

Entre l'âge de deux et quatre mois, des modifications de la denture peuvent apporter des informations, pas précises au jour près, mais assez fiables sur l'âge des chiots pour exclure des animaux manifestement trop jeunes pour être importés, rappelle l'Anses dans son rapport.

Dans cette fourchette d'âge de deux à quatre mois,

  • Le chiot n'a pas de canine adulte. La canine adulte apparaît plus tardivement (vers 5-6 mois)
  • S'il a des dents de lait peu usées, le chiot se situe dans la fourchette basse, aux alentours de l'âge de deux mois, bien trop jeune pour voyager sans sa mère.
  • Si les incisives de lait sont très usées, le chiot s'approche de l'âge de trois à quatre mois.
  • S'il a les premières incisives adultes (pinces), il est dans la fourchette haute, vers trois mois et demi ou quatre mois, soit entre 15 et 17 semaines d'âge.
  • Si la pince et la mitoyenne adultes sont présentes, ainsi que, dans les dents de lait, la prémolaire Pm1 et la molaire M1, les animaux sont âgés plus de quatre mois.

Ce calendrier peut varier d'environ deux semaines. À 15 semaines (presque quatre mois), la pince adulte peut, dans quelques cas, ne pas être encore sortie. Mais, dans ce cas, les incisives de lait apparaîtront très usées.

La présence des premières dents adultes dans la bouche sur un chiot importé — donc, dans la plupart des cas, âgé de 15 semaines — ne permet pas de garantir que l'animal est bien vacciné contre la rage à 12 semaines. Mais, elle est bien compatible avec une vaccination à 12 semaines d'âge et une importation au moins trois semaines plus tard

« Au moins une dent adulte sur tout chien importé en France »

À l'inverse, l'absence d'une dent définitive laisse fortement suspecté que l'animal n'a pas l'âge de 15 semaines requis pour avoir été vacciné à 12 semaines d'âge depuis plus de trois semaines.

Face à ce constat, les députés et les sénateurs ont donc tenté l'impossible, « de prendre la lune avec les dents » selon cette expression populaire de XVI° siècle. Dans la loi contre la maltraitance animale, ils ont précisé, à l'article 17, que « tout chien importé ou introduit en France [devra] disposer d'au moins une dent adulte » [article L. 236-1 du code rural]. La présence d'au moins une pince adulte garantit que le chiot importé est âgé a minima de 3,5 à 4 mois. Même si cela ne garantit pas que le passeport ne soit pas falsifié, cela garantit que ce chiot a l'âge requis pour être importé en France.

Dans ce même article 17 de cette loi, d'autres mesures ont été prises pour bloquer plus efficacement les « trafics » de chiots (ou, plus rarement, de chatons) provenant d'autres pays de l'UE (ou importés de pays tiers) dans des conditions sanitaires non conformes.

« Armés jusqu'aux dents », des inspecteurs peuvent faire payer les trafiquants

Depuis décembre, les inspecteurs sont donc bien mieux armés contre les trafiquants, « armés jusqu'aux dents » peut-on dire.

Le constat d'un manquement répété aux règles sanitaires ou d'identification des animaux (chiens, chats, furets) « importés » depuis l'UE ou de pays tiers devra désormais conduire à la suspension de l'activité du contrevenant pour une durée d'au moins 6 mois (article L. 206-2 I bis du code rural). Cette suspension sera ordonnée par « l'autorité administrative ». Cette suspension pourrait donc conduire à la fermeture provisoire des animaleries qui présenterait, de manière répétée, des chiens, des chats ou furets importés en infraction avec la réglementation.

En outre, la mise en quarantaine des animaux importés « illégalement » (en infraction avec les règles d'identification animale ou les règles sanitaires de l'article L. 236-1) n'était jusque-là possible qu'en cas manquement « grave et répété ».

Désormais, la loi n'exige plus que cette infraction soit « grave et surtout répétée » pour, dès le premier écart, procéder à la mise en quarantaine des animaux importés (article L. 236-5). Les frais de contrôle et de mises en quarantaine sont désormais à la charge du contrevenant. Ils ne l'étaient pas jusqu'à présent.

Quand les autorités « montrent les dents », les trafiquants « mordent la poussière ».