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Elanco & Proplan

7 mai 2025

Tétanos chez le chat : rare et généralement focal ou multifocal

par Karin De Lange

Temps de lecture  5 min

Une étude rétrospective multicentrique européenne consacrée au tétanos félin montre que les formes focales et multifocales dominent dans cette espèce. Les captures d'écran de deux vidéos fournies par les auteurs montrent la raideur extrême du membre pelvien droit chez un chat atteint de tétanos focal (à gauche) et une raideur généralisée chez un chat atteint du grade II de la forme généralisé (à droite). Chez ce dernier, la flexion des membres n'est pas possible, à l'exception des carpes, maintenus en position fléchie (Dussaux et coll., 2024).
Une étude rétrospective multicentrique européenne consacrée au tétanos félin montre que les formes focales et multifocales dominent dans cette espèce. Les captures d'écran de deux vidéos fournies par les auteurs montrent la raideur extrême du membre pelvien droit chez un chat atteint de tétanos focal (à gauche) et une raideur généralisée chez un chat atteint du grade II de la forme généralisé (à droite). Chez ce dernier, la flexion des membres n'est pas possible, à l'exception des carpes, maintenus en position fléchie (Dussaux et coll., 2024).
 

Le tétanos est rare chez les chats : l'espèce est considérée comme 12 et 2 400 fois plus résistants à la toxine Clostridium tetani que les chiens et les humains, respectivement. Les études de cas sont donc rares ; c'est la raison pour laquelle un groupe de neurologues vétérinaires de 11 centres de référés en Europe (dont la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Italie, la Roumanie, la Suisse et l'Allemagne) se sont assemblés via un forum vétérinaire en ligne. Cela a permis l'identification de 27 cas de tétanos félin survenus entre juillet 2005 et avril 2023. Les résultats cliniques – illustrés par sept vidéos – et l'évolution des cas ont été partagés dans une publication en libre accès.

Les formes focales et multifocales priment chez le chat

La forme généralisée du tétanos domine chez les chiens et les humains. Elle est rare chez les chats : ici, elle n'était présente que chez six des chats inclus (soit 22 % de l'effectif). Les auteurs distinguent alors :

  • le grade I (atteinte musculaire généralisée légère à modérée ; les capacités d'alimentation et de miction sont préservées ; observée chez 15% des chats de l'étude) ;
  • et le grade II (atteinte musculaire généralisée sévère, empêchant toute alimentation ou miction ; chez 7 %).

Les formes focales et multifocales (c'est-à-dire affectant un ou plusieurs groupes musculaires ou parties du corps) était plus fréquentes, rapportées respectivement dans 4 (15 %) et 16 (59 %) des 27 cas.

Cause iatrogène chez 5 chats sur 27

Vingt-trois chats ont présenté soit une plaie infectée (n = 17) ou un historique d'ancienne blessure (n = 6) ; suite à des griffes cassées (2), des plaies d'origine inconnue (10), des fractures ouvertes (3), des morsures (2) ou à une mise-bas (1). Une cause iatrogène a été suspectée chez cinq chats (historique d'une stérilisation ou castration récente). La plupart des chats avaient un accès à l'extérieur, avec une majorité vivant à la campagne ou dans une zone suburbaine. Cependant, trois cas se sont produits chez des chats strictement d'intérieur : deux avaient été récemment stérilisés (contamination iatrogène) et un avait une griffe cassée infectée.

Tous incapables de fléchir le membre affecté

La boiterie et/ou la raideur d'un membre a été le premier signe clinique observé par les propriétaires chez 17/26 chats. Dans tous les cas, la sévérité de la raideur et l'augmentation de la contraction musculaire n'étaient pas homogènes, et les signes les plus sévères étaient toujours observés sur le(s) membre(s) affecté(s) en premier. L'incapacité à fléchir le ou les membres les plus gravement touchés, au moins pour une articulation (généralement le grasset ou le coude), a été observée chez tous les chats. Enfin, une hyperthermie légère à marquée a été rapportée chez 10 chats.

Approche diagnostique surtout fondée sur les signes cliniques et l'anamnèse

Le bilan sanguin, réalisé chez 24/27 chats, était sans particularité, à l'exception d'une augmentation légère à importante de l'activité de la créatinine kinase (CK) sérique chez neuf chats, et d'une leucocytose neutrophile légère à modérée chez cinq chats. L'analyse d'urine, les examens d'imagerie et l'analyse du LCR étaient sans particularité. Des études électrodiagnostiques ont révélé des potentiels d'action des unités motrices (MUAP) continus qui persistaient après l'insertion de l'aiguille, avec 10 chats présentant une activité soutenue simultanée dans les muscles extenseurs et fléchisseurs. En revanche, « si ces tests sont utiles, surtout dans des cas focaux ou multifocaux », leurs résultats ne sont pas pathognomoniques.

Aucun test diagnostic antemortem validé n'existe

L'isolement de Cl. tetani par culture anaérobie à partir d'un écouvillonnage de la plaie a été positif dans les trois cas où cela a été testé. Cependant, les auteurs rappellent que la présence de Cl. tetani dans la plaie « n'établit pas le diagnostic - même si elle est très suspecte - car des souches non toxinogènes de la bactérie ont déjà été rapportées ». Ils notent aussi que « aucun test antemortem définitif validé n'existe pour la maladie chez les petits animaux ». Cependant, un diagnostic définitif a été obtenu dans un cas, via la détection de la neurotoxine de Cl. tetani (TeNT) dans le sérum du patient, par dosage biologique chez la souris.

Traitement : antibiotiques, myorelaxants, antitoxine

La plupart (21/27) des chats ont été hospitalisés suite au diagnostic de tétanos (durée médiane d'hospitalisation de 7 jours ; de 1 à 59 jours). Des antibiotiques ont été administrés chez 26/27 chats (un chat a été euthanasié le lendemain de sa prise en charge en raison de contraintes financières). Le métronidazole était l'antibiotique le plus fréquemment utilisé (n = 20), suivi de l'amoxicilline et de l'acide clavulanique (n = 7). Les myorelaxants ont été utilisés chez la plupart des chats (n = 21), soit en association, soit en monothérapie. Le diazépam était le myorelaxant le plus souvent utilisé. L'antitoxine tétanique équine a été administrée à 6 chats : trois étant atteints d'une forme multifocale, deux d'une forme généralisée de grade I et un d'une forme généralisée de grade II.

Bon pronostic, mais des séquelles chez un chat sur trois

Des complications ont été rapportées pour 14 cas (52 %), soit directement liées au tétanos, soit secondaires aux soins. Parmi elles, une dysurie légère à marquée, une constipation, une diarrhée, une tachypnée, une bradycardie, des troubles ostéoarticulaires, une ulcération cornéenne, un épanchement pleural et une phlébite généralisée. Mis à part le chat qui a été euthanasié, et un autre qui est toujours resté ambulatoire, ils ont presque tous (92 %) retrouvé une capacité ambulatoire indépendante sur tous les membres au terme d'une période médiane de 25 jours (de 11 à 45 jours). Des séquelles à moyen et long terme ont cependant été rapportées chez huit chats. Elles étaient principalement liées à des déficits persistants de la démarche tels qu'un degré variable de boiterie, une rigidité musculaire persistante et une paraparésie légère persistante.