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Elanco & Proplan

5 juin 2020

Rage. Un chiot vacciné est protégé à plus de 99,9999 %, même si le titre en Ac est souvent inférieur à 0,5 UI/ml

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Ces résultats découlent d'une étude de l'Anses-Nancy sur 25000 sérologies publiée par l'OIE en 2003. Ils ont été confortés par trois autres études sur plusieurs milliers de sérologies. En moyenne 85 % des chiots primovaccinés présentent une séroconversion au-dessus de 0,5 UI/ml, le seuil pour éviter une quarantaine de six mois et permettre une introduction sans aucun risque rabique dans un pays indemne.
Ces résultats découlent d'une étude de l'Anses-Nancy sur 25000 sérologies publiée par l'OIE en 2003. Ils ont été confortés par trois autres études sur plusieurs milliers de sérologies. En moyenne 85 % des chiots primovaccinés présentent une séroconversion au-dessus de 0,5 UI/ml, le seuil pour éviter une quarantaine de six mois et permettre une introduction sans aucun risque rabique dans un pays indemne.
 

Un rapport de l'Anses bouscule les « idées toutes faites » sur la vaccination antirabique, l'interprétation du fameux seuil de 0,5 UI/ml considéré comme protecteur, l'âge de la primovaccination etc.

Ce rapport découle d'une saisine de 2018 du ministère de l'agriculture suite à des contrôles sérologiques réalisés sur des lots de chiots importés depuis la Slovaquie (44 % des cas), la Hongrie (40 % des cas), l'Irlande (7 %), la Belgique (6,5 %), la Bulgarie (1 %), les Pays-Bas (1 %) et la Tchéquie (0,5 %). Ces contrôles sérologiques avaient été réalisés sur ces chiots manifestement trop jeunes, sans doute âgés seulement de 4 à 10 semaines, pour; comme l'exige la réglementation européenne, avoir été vaccinés contre la rage à l'âge de 12 semaines et depuis au moins 21 jours avant l'importation .

Au bilan de ces contrôles, seul un chiot sur deux (51 %) présente un titre en Ac ≥ 0,5 UI/ml, un sur quatre (26 %) un titre compris entre 0,1 et 0,5 UI/ml, ce qui témoigne déjà d'une vaccination. Et les chiots restants (23 %) ont un titre en Ac proche de zéro qui ne permet pas de savoir si le chiot a été vacciné ou pas.

Le ministère de l'agriculture a pourtant demandé à l'Anses d'établir un lien entre le taux d'Ac antirabique et une probable non-conformité sur le protocole de vaccination antirabique prévue par la réglementation européenne.

Aucun lien entre le taux d'Ac et l'âge de primovaccination

En réponse, l'Anses rappelle en permanence dans son rapport que le titrage des Ac n'est pas du tout une bonne méthode pour détecter des éventuelles fraudes sur l'âge de la vaccination antirabique, avant ou après l'âge de 12 semaines, ou sur le respect du délai de 21 jours entre la vaccination et le transport. L'Anses rappelle aux inspecteurs les critères anatomiques (la présence des dents de lait) qui permettent d'exclure que l'animal puisse être âgé de 15 semaines ou plus. La dentition du chiot sera un critère bien plus fiable que le taux d'Ac antirabique pour estimer l'âge du chiot qui est importé, probablement en non-conformité avec la réglementation européenne.

La vaccination est efficace dès l'âge de 4 semaines

À l'origine, l'âge minimal de 12 semaines pour la primovaccination avait été fixé pour éviter une interférence éventuelle entre le vaccin et les Ac d'origine maternelle pour des chiots qui seraient nés de mères vaccinées. En effet, les chiots naissent immunocompétents et peuvent être vaccinés très tôt contre la rage, dès l'âge de 4 semaines. Toutefois, si la mère a été vaccinée contre la rage, les chiots reçoivent, via le colostrum et l'allaitement maternel, des Ac antirabiques susceptibles de les protéger quelques semaines. Ce n'est donc que pour éviter cette interférence avec les Ac maternels que la réglementation européenne a fixé un âge minimal de primovaccination à 12 semaines.

Mais, ce délai n'est pas vraiment nécessaire si les chiots sont nés de mères non vaccinées contre la rage. D'ailleurs, une étude en laboratoire montre que la réponse humorale des chiots vaccinés (Rabisin°) à quatre semaines (nés de mères non vaccinées) est équivalente à celle des chiens vaccinés à 7 mois.

Dans une autre étude expérimentale publiée en 1998, quatre chiots nés de mères vaccinées ont été vaccinés à 14 jours d'âge. Puis, à l'âge de quatre mois, ils ont été soumis à une épreuve virulente de rage qui a tué tous les chiens témoins non vaccinés. Mais les chiots vaccinés à 14 jours d'âge ont tous résisté à cette épreuve virulente. « Ces résultats montrent l'aptitude des chiots à développer une immunité protectrice (sans doute une réponse cellulaire) même en l'absence d'une séroconversion détectable » conclut l'Anses.

Pour l'OMS, « vacciner tous les chiots quel que soit leur âge »

Sur le terrain, en Tunisie, au Nigeria, au Sri Lanka…, de nombreuses études montrent qu'une séroconversion est observée sur des chiots vaccinés à partir de l'âge de 4 semaines, même s'ils sont nés de mères vaccinées. L'amplitude de la séroconversion est « similaire ou inférieure » à celle observée sur ces chiots issus de mères non vaccinées.

Dans les pays où la rage est enzootique, l'OMS « recommande désormais de vacciner tous les chiots quel que soit leur âge et quel que soit l'âge minimal indiqué par le fabricant, afin de conférer une immunité antirabique la plus précoce possible aux chiots qui sont en contact étroit avec les enfants ».

Car la rage tue 59000 personnes par an dans le monde, principalement des enfants. 99 % des cas humains sont dus à une morsure par un chien. Selon l'OIE, vacciner au moins 70 % des chiens suffirait pour éviter rapidement tous les cas humains et coûterait dix fois moins cher que les prophylaxies post-exposition qui sont aujourd'hui réalisées. Un programme commun de l'OMS et de l'OIE est en cours pour atteindre cet objectif de « zéro cas humain de rage en 2030 ».

15 % des chiots vaccinés sont sous le seuil 0,5 UI/ml

Après une primovaccination, qu'elle soit réalisée avant ou après l'âge de 12 semaines, seulement 85 % des chiots [entre 84 et 88 %] présentent une séroconversion au-dessus de 0,5 UI/ml. Environ 15 % des chiots restent donc en dessous de ce seuil. Mais ces chiots sont néanmoins bien protégés contre la rage (s'ils ont été vaccinés).

Le seuil de 0,5 UI/ml permet de révéler une séroconversion et témoigne donc de la réalité de la vaccination. Mais, après une seule injection, des titres > 0,5 UI/ml ne persistent pas très longtemps. Le pic sérologique est observé environ à un mois post-injection. Après quelques mois, il est fréquent que les titres repassent sous ce seuil. Ce n'est pas pour autant que les chiots vaccinés ne seraient plus protégés contre la rage.

Sur un animal vacciné, un titre < 0,5 UI/ml signifie que le prélèvement a été fait en phase ascendante ou descendante (avant ou après le pic sérologique) ou que l'animal est immunodéprimé ou mauvais répondeur. Cela ne signifie pas que l'animal vacciné n'est pas bien protégé contre la rage. Pour un voyage depuis un pays tiers, une seconde injection permet d'obtenir une séroconversion > 0,5 UI/ml dans la plupart des cas.

Le seuil de 0,5 UI/ml remplace la quarantaine de six mois

L'interprétation biologique du titrage réalisé sur des chiots déclarés vaccinés est synthétisée dans le tableau suivant.

Signification biologique du titrage sur un animal présumé vacciné

D'après l'Anses (2020).

 

Pour l'OMS et l'OIE, le chien qui a présenté une séroconversion au-dessus de 0,5 UI/ml depuis plus de trois mois n'a aucune chance d'être infecté par la rage, ni, par conséquent, de la transmettre à l'homme en cas de morsure, même si le titre est redescendu ensuite. Ce titrage permet ainsi d'importer des chiens vaccinés depuis des pays tiers où sévit la rage sans imposer une quarantaine de six mois pour garantir que le chien n'est pas infecté.

Aucun échec de la vaccination n'a été rapporté

De grandes différences existent entre les vaccins antirabiques sur la réponse humorale et donc sur le taux de séroconversion (> 0,5 UI/ml) après la primovaccination. Rabisin° est reconnu comme le vaccin qui induit les séroconversions les plus fréquentes (et durables) au-dessus de 0,5 UI/ml. Les vaccins multivalents induisent moins de séroconversions (> 0,5 UI/ml) que les vaccins monovalents. Mais quel que soit le vaccin (et le titre en Ac induit), les chiots vaccinés contre la rage sont bien protégés contre la rage.

D'autres facteurs de variations existent dans l'intensité de la réponse humorale. Les chiots infestés pas des ascaris et trichures présentent des titres en Ac très faibles. Les chiens de petite taille et les chiens croisés produisent une meilleure séroconversion. Mais tous les chiens vaccinés, même ceux immunodéprimés ou mauvais répondeur avec une réponse humorale faible, sont protégés contre une infection rabique.

Aucun échec de la vaccination antirabique n'a été observé. Les derniers cas d'échec rapportés en bibliographie semblent dater d'avant 1960 en Afrique et concernaient des lots de vaccins défectueux (ou mal conservés).

Si l'animal est vacciné contre la rage, il a été estimé, dès 1992 en France, que la probabilité pour qu'il contracte la rage était seulement de 0,14 sur un million, soit une efficacité de 99,999986 %, presque 100 % indépendamment du titre en Ac antirabique. Cette protection élevée tient toutefois aussi compte du faible risque d'exposition à la rage en 1992. Cette protection serait donc plus élevée en 2020 car le risque d'exposition à la rage y est encore plus faible en Europe.

L'Union européenne sans cas de de rage à moyen terme…

À demi-mot, le rapport de l'Anses laisse entendre que le risque rabique par des importations suspectées non conformes sur le protocole de vaccination n'est plus vraiment à craindre. Il n'y a plus de cas de rage déclaré depuis 2018 dans les pays de l'UE qui exportent les chiots vers la France.

Les cas de rage sont en effet de plus en plus rares dans l'Union Européenne, même dans les pays de l'Europe de l'Est. Grâce à la vaccination orale des renards, le nombre de cas de rage dans l'UE a chuté de 680 cas en 2013 à 4 ou 5 cas en 2019 ou 2020 localisés seulement en Roumanie ou en Pologne.

Nombre de cas de rage dans l'Union Européenne entre 2013 et 2020

D'après la Commission européenne.

 

Il est sans doute possible d'espérer que l'UE soit totalement indemne de rage dans quelques années. Et, dans cette perspective favorable, la réglementation européenne pourrait d'ailleurs évoluer et ne plus rendre la vaccination antirabique obligatoire pour les mouvements dans l'Union européenne.

L'enjeu des importations illégales des chiots depuis la Hongrie ou la Slovaquie est donc désormais davantage sur le bien-être animal et le non-respect des règles sur le transport de jeunes chiots sur de très longues distances.