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29 janvier 2021

Les députés votent la loi contre la maltraitance animale.  Le secret professionnel des praticiens est levé. Un chien ou un chat ne pourra plus être acheté en animalerie.

par Eric Vandaële

Temps de lecture  9 min

La loi contre la maltraitance animale débattue à l'Assemblée nationale
Masqués ou démasqués ? Notre confrère député Loïc Dombreval, rapporteur de la proposition de loi contre la maltraitance animale, et le ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, débattent, entre autres, sur l'interdiction de la vente des chiens et des chats par les animaleries, une des mesures ajoutées à cette loi en séance publique. Source des illustrations : Assemblée nationale (27 janvier 2021).
La loi contre la maltraitance animale débattue à l'Assemblée nationale
Masqués ou démasqués ? Notre confrère député Loïc Dombreval, rapporteur de la proposition de loi contre la maltraitance animale, et le ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, débattent, entre autres, sur l'interdiction de la vente des chiens et des chats par les animaleries, une des mesures ajoutées à cette loi en séance publique. Source des illustrations : Assemblée nationale (27 janvier 2021).
 

Depuis mardi 26 janvier et jusqu'à ce vendredi soir (29 janvier), les députés examinent en séance publique une proposition de loi visant « à renforcer la lutte contre la maltraitance animale » (n° 3661). Sur les dix propositions de loi d'initiative parlementaire déposées en 2020 par les députés sur le bien-être animal, celle-ci est la seule qui a une petite chance d'être votée à l'Assemblée nationale et peut-être au Sénat qui n'a toutefois pas toujours la même sensibilité.

Aucune mesure sur les chasseurs, les éleveurs ou les abattoirs

Ce texte est toutefois assez consensuel car il n'aborde pas vraiment les sujets qui pourraient fâcher les sénateurs plus ruraux que les députés : la chasse, l'élevage des animaux de rente et les conditions d'abattage. Aucune mesure ne vise les éleveurs, ni les chasseurs, ni même les abattoirs.

Le bien-être animal est devenu un sujet politique important pour l'opinion publique. Le référendum d'initiative populaire pour les animaux a obtenu près d'un million de signatures (voir ce lien et Le Fil du 28 août 2020).

Le gouvernement a d'ailleurs engagé la procédure accélérée sur ce texte, de manière à limiter le nombre de navettes parlementaires avec le Sénat. Cette proposition de loi est soutenue par les députés des trois groupes de la majorité présidentielle : En Marche, Modem et Agir. Elle devrait donc aboutir à une loi susceptible d'être promulguée d'ici la fin de l'année 2021, à mettre à l'actif de cette majorité avant le lancement de la campagne des élections présidentielles de 2022.

En second signataire de ce texte, notre confrère député « En Marche » Loïc Dombreval est aussi le rapporteur de cette proposition de loi. La proposition de loi initiale ne comprenait que seize articles. Le passage en commission le 20 janvier en a déjà rajouté treize. À heure où est écrit ce Fil, le 28 janvier au soir, moins de la moitié de ces articles ont été votés en séance publique. Mais, la proposition de loi devrait être adoptée en totalité dans la soirée d'aujourd'hui en première lecture par les députés avant d'être transférée au Sénat.

Éviter les abandons des animaux de compagnie et… des équidés

Le premier chapitre (articles 1 à 7) vise à lutter contre les abandons au nombre de 100 000 chaque année en France.

L'article 1er a pour but d'éviter les achats impulsifs d'animaux de compagnie par des personnes qui n'en connaissent pas les besoins ni les contraintes et qui risquent donc ensuite de les abandonner quand ils les découvrent. Cet article oblige tout particulier (non professionnel) qui acquiert, pour la première fois, un animal de compagnie, chien, chat ou même un NAC (lapin, furet…) à signer un certificat de connaissances des besoins de l'espèce animale qu'il a l'intention d'acquérir. Ce dispositif a été étendu à la première acquisition ou détention d'un équidé, vu le constat d'abandons de chevaux ou de poneys au fond d'un pré.

Sur les petites annonces et toutes offres de cession à titre gratuit ou onéreux, l'article 5 prévoit aussi d'étendre les obligations d'information minimales en vigueur pour les chats ou les chiens à tous les animaux de compagnie, y compris les NAC.

Les chiots et chatons interdits à la vente par une animalerie en 2024

Ajouté non sans polémique en séance publique, l'article 4 quinquies interdit la vente de chiens et de chats en animaleries à partir du 1er janvier 2024, mais pas celle des petits mammifères : lapins nains, rongeurs.

Dans le même esprit, l'article 4 sexies réserve la vente en ligne d'animaux de compagnie aux seuls éleveurs, aux refuges et aux professionnels référencés.

L'article 2 permettra aux policiers municipaux de vérifier l'identification des chiens et des chats, puis, le cas échéant, de sanctionner l'absence d'identification. Selon une étude Kantar Sofres d'octobre 2016 réalisée pour le compte de l'iCad, 12 % des chiens et 54 % des chats ne sont pas identifiés. En 2020, Loïc Dombreval rapporte que sur les animaux errants recueillis dans les fourrières, 35 % des chiens et 90 % des chats ne sont pas identifiés.

L'article 4 bis devait permettre aussi à un vétérinaire sanitaire d'informer une autorité, probablement la DDPP ou le maire, de « tout défaut d'identification d'un animal », notamment si son détenteur présumé refuse de le faire identifier. Mais, en séance publique, le gouvernement a obtenu sa suppression.

L'article 4 quater limite la détention pour l'agrément des NAC d'espèces sauvages, comme les serpents, les tortues, les lézards, certains oiseaux non domestiques, des insectes, des primates etc. à une liste restrictive qui sera fixée par arrêté.

Les chats errants devront être stérilisés

L'article 3 bis créé dans le code rural la notion de « famille d'accueil » pour le placement temporaire des animaux liés à un refuge. La famille d'accueil ne devient pas propriétaire du chien ou du chat que le refuge lui confie, mais l'accueille à son domicile dans l'attente de son adoption. « Le placement de l'animal dans la famille d'accueil est conditionné à une évaluation physiologique et comportementale menée par le vétérinaire sanitaire du refuge attestant de l'absence de danger pour la famille et pour l'animal. »

L'article 4 oblige les maires à procéder à la stérilisation des chats errants non-identifiés et aussi à les identifier. Aujourd'hui, le maire avait la possibilité de le faire (ou de le faire faire par une association de protection animale). Demain, cela devrait être obligatoire.

Les chevaux abandonnés pourront être revendus

Pour les équidés, l'article 6 oblige à mentionner une névrectomie dans le livret d'identification. La névrectomie, qui insensibilise le pied du cheval à la douleur, est en effet considérée comme une forme de dopage. Il est donc déjà interdit à un tel cheval de participer à une compétition équestre ou à une course hippique. L'article 6 vise à assurer la traçabilité de la névrectomie pour faire respecter ces interdictions. Car la névrectomie est difficile à détecter même par un vétérinaire. Des chevaux ayant subi cette opération peuvent donc aujourd'hui être amenés à participer à une compétition ou à une course. La fraude peut être intentionnelle ou seulement résulter d'un défaut d'information du propriétaire du cheval lors de son acquisition.

Il ne semble pas si rare que des équidés soient « après quelques années d'usage » abandonnés par leurs propriétaires chez un professionnel — notamment un centre équestre —. Les pensions ne sont plus payées. Mais les frais d'entretien restent évidemment à la charge du professionnel qui ne peut revendre ce cheval qui ne lui appartient pas à un autre propriétaire.

L'article 7 permet d'autoriser la vente forcée de cet équidé pour lui trouver un nouveau propriétaire. La procédure de « la mise en vente forcée aux enchères publiques » restera toutefois assez complexe et fera appel à un juge.

La levée du secret professionnel du vétérinaire face à la cruauté animale

Le second chapitre (articles 8 à 11 quater) vise à renforcer les sanctions pénales en cas de maltraitance animale. Ce chapitre de trois articles dans la proposition de loi initiale a explosé pour en compter désormais douze dans le texte débattu en séance publique.

Pour les vétérinaires, le plus important est sans doute l'article 11 bis relatif à la levée de leur secret professionnel. Il permettra à un vétérinaire de « porter à la connaissance du procureur de la République les sévices graves à caractère sexuel sur animaux ou à les actes de cruauté animale constatés dans le cadre de son exercice professionnel » sans risquer d'être lui-même poursuivi pour divulgation est d'un secret professionnel.

Par ailleurs, le code rural, à l'article L. 203-6, oblige déjà « les vétérinaires sanitaires à informer sans délai la DDPP des manquements à la réglementation qu'ils constatent dans l'exercice de leurs missions », mais seulement si « ces manquements sont susceptibles de présenter un danger grave pour les personnes ou les animaux. »

Aujourd'hui, les actes de cruauté animale sont réprimés dans le Code pénal par des peines pouvant aller jusqu'à deux ans de prison et 30 000 € d'amende. Les modifications introduites par ce texte sont les suivantes.

  • L'article 8 prévoit de punir un acte de cruauté mortel pour un animal domestique jusqu'à trois ans de prison et 45 000 € d'amende. Les articles 8 ter et quater montent encore les peines jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende si l'acte de cruauté animale est pratiqué par son propriétaire ou son détenteur habituel ainsi que pour des animaux abandonnés avec des circonstances aggravantes comme l'abandon sur une aire d'autoroute ou un animal attaché dans une zone non fréquentée ou encore enfermé dans une cage sans possibilité d'en sortir…
  • L'article 9 crée, dans le Code pénal, un « stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale » en substitution à une peine de prison.
  • L'article 10 permet d'interdire à des personnes déjà condamnées pour maltraitance de détenir à nouveau, des animaux.
  • L'article 11 permet de condamner sévèrement les responsables de sites zoopornographiques : jusqu'à six ans de prison et 100 000 € d'amende. Les articles 11 ter et quater visent aussi à davantage réprimer les actes de zoophilie ou les incitations à de tels actes.

L'arrêt des delphinariums et des cirques itinérants

Le chapitre III vise le bien-être animal de la faune sauvage captive.

L'article 12 interdit les animaux sauvages dans les cirques itinérants en… 2026, soit cinq après la date de promulgation de la loi probablement en 2021. Les animaux sauvages ne seront toutefois pas interdits dans les zoos et les établissements non-itinérants.

Pour les cétacés, notamment, les dauphins et les orques, l'article 12 interdit aussi toute détention en captivité, y compris en vue de leur présentation au public dans les delphinariums. Pour les dauphins, cette interdiction n'entrerait en vigueur qu'en 2028 (sept ans après la date de promulgation) et pour les orques dès 2023. La seule exception à l'interdiction de la captivité de ces animaux serait pour les centres de soins pour des cétacés retrouvés blessés, affaiblis et pour accueillir les dauphins et les orques dont les propriétaires seront finalement contraints de se dessaisir. Cette disposition, même si elle ne concerne que 29 dauphins et quatre orques détenus en France, sera probablement une des plus débattues entre les parlementaires et le gouvernement. Car les delphinariums ne semblent évidemment pas prêts à accepter cette mesure.

L'article 13 interdit la présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques, comme des serpents ou des mygales, dans des discothèques, lors d'évènements festifs analogues, y compris dans un cadre privé (mariages, fêtes privées, etc.). Cette interdiction sera aussi applicable aux animaux sauvages présentés sur des plateaux d'émissions de télévision, mais seulement à partir de 2023. Rassurez-vous, il sera néanmoins toujours possible de voir des animaux sauvages dans la nature ou un parc zoologique dans une émission comme Koh-Lanta ou une série comme Daktari.

Toujours à partir de 2023, l'article 14 « interdit de détenir des ours et des loups en vue de les présenter au public à l'occasion de spectacles itinérants ».

Interdiction de l'élevage de visons pour leurs fourrures

La seule disposition concernant l'élevage ne vise que les trois élevages de visons présents en France. L'article 15 interdit l'élevage de visons pour leur fourrure au plus tard le 1er janvier 2025.