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10 juillet 2020

Déserts vétérinaires. Le Sénat vote des aides financières pour les vétérinaires (et les étudiants) qui y exercent

par Eric Vandaële

Temps de lecture  9 min

La carte 2020 des déserts vétérinaires par canton
Sur cette carte, les zones vertes correspondent à des cantons où il y a, a minima, l'équivalent d'un vétérinaire rural pour 10 000 bovins ou UGB (unités gros bétail). Plus le vert est foncé, plus la densité vétérinaire est élevée, jusqu'à plus d'un vétérinaire rural pour 1000 UGB. Dans ce décompte, un vétérinaire mixte-rural compte pour 0,66 vétérinaire rural à 100 %. Et un vétérinaire mixte à prédominance canine ou équine pour 0,33 vétérinaire rural « pur ». Dans les zones ocres ou rouges, il y a moins d'un vétérinaire rural pour 10000 UGB dans le canton. Plus le canton est rouge foncé, plus le nombre d'UGB dans ce canton sans vétérinaire rural en nombre suffisant est important, jusqu'à plus de 20000 UGB dans les cantons rouge foncé. En moyenne, un canton regroupe une vingtaine de communes pour environ 30 000 habitants. Source : atlas démographique 2020 (Ordre des vétérinaires).
La carte 2020 des déserts vétérinaires par canton
Sur cette carte, les zones vertes correspondent à des cantons où il y a, a minima, l'équivalent d'un vétérinaire rural pour 10 000 bovins ou UGB (unités gros bétail). Plus le vert est foncé, plus la densité vétérinaire est élevée, jusqu'à plus d'un vétérinaire rural pour 1000 UGB. Dans ce décompte, un vétérinaire mixte-rural compte pour 0,66 vétérinaire rural à 100 %. Et un vétérinaire mixte à prédominance canine ou équine pour 0,33 vétérinaire rural « pur ». Dans les zones ocres ou rouges, il y a moins d'un vétérinaire rural pour 10000 UGB dans le canton. Plus le canton est rouge foncé, plus le nombre d'UGB dans ce canton sans vétérinaire rural en nombre suffisant est important, jusqu'à plus de 20000 UGB dans les cantons rouge foncé. En moyenne, un canton regroupe une vingtaine de communes pour environ 30 000 habitants. Source : atlas démographique 2020 (Ordre des vétérinaires).
 
À nos lecteurs. Avec la période des congés d'été, la publication de ce Fil est un peu allégée à quatre Fils par semaine au lieu de cinq sauf… la semaine prochaine avec la fête nationale du 14 juillet. Le prochain Fil paraîtra donc le jeudi 16 juillet. Bonne fête et bel été à tous.

Après les déserts médicaux — et les aides accordées aux médecins pour s'installer dans ces zones — voici venir les déserts vétérinaires et… des aides financières pour s'y installer ou s'y maintenir en zone rurale. « Quarante départements sont touchés par la désertification vétérinaire » affirment les sénateurs.

Dans la nuit du 8 au 9 juillet, les sénateurs ont adopté à une quasi-unanimité une disposition qui permettra à toutes les collectivités territoriales, des communes seules ou regroupées, un département ou une région, d'attribuer des aides financières ou matérielles aux vétérinaires qui y exercent en y assurant aussi les gardes et les urgences, ainsi qu'à ceux qui s'y installent ou qui s'y maintiennent.

« Une immense avancée » contre les déserts agricoles

Ces collectivités territoriales pourront également accorder des bourses d'études aux élèves des écoles vétérinaires en échange d'un engagement à exercer dans leur zone pendant au moins cinq années consécutives.

Sur les bancs clairsemés des sénateurs (covid-19 oblige !) et du gouvernement, il y a une belle unanimité pour qualifier d'importante cette « disposition inédite » : « une immense avancée qui réglera trois problèmes : sécurité sanitaire, aménagement du territoire et désert agricole » affirme un des sénateurs à l'initiative de ce dispositif. Car « la désertification vétérinaire est le dernier signe avant le désert agricole » souligne-t-il aussi.

Ce débat était aussi la première occasion pour le nouveau ministre de l'agriculture, Julien Denormandie, de se confronter aux sénateurs, sur un sujet consensuel : la « désertification vétérinaire ».

Un dadue dodu, touffu et confus : la voiture-balai du législateur

Cette nouvelle disposition s'inscrit dans un projet de loi dit « dadue », acronyme imparfait « d'adaptation du droit (français) au droit de l'Union européenne » (voir ce lien). Ce type de projet de loi dadue passe régulièrement en revue les directives européennes dont la transposition est nécessaire en droit français, ou, désormais plus fréquemment, les règlements européens applicables sans transposition, mais pour lesquels il est néanmoins nécessaire d'adapter le droit national.

Ce projet de loi dadue est donc une sorte de « voiture-balai législative », selon l'expression d'un sénateur. Il s'intéresse aussi bien au droit audiovisuel, au droit d'auteur, au droit fiscal, au droit des affaires, de la consommation, des douanes, à la transparence… Bref « un dadue dodu, touffu et confus » ironise un sénateur.

Comme tous les projets de loi dadue, celui-ci vise surtout à habiliter le gouvernement à prendre, plus ou moins en urgence, des ordonnances législatives sans avoir à en débattre devant les parlementaires, alors même que les textes européens sont suffisamment précis pour ne pas laisser une grande place à des adaptations nationales. Treize des 25 articles de ce dadue visent donc à habiliter le gouvernement à prendre des ordonnances législatives en lien avec des textes européens.

Six articles présentent un intérêt vétérinaire justifiant la présence du nouveau ministre de l'agriculture. En dehors de la lutte contre les déserts vétérinaires, cinq articles portent ainsi sur les médicaments vétérinaires (dont la publicité pour les vaccins), la génétique ou la santé animale…

Déserts vétérinaires : diagnostic national et thérapeutique locale

Sur les déserts vétérinaires, l'article 22 quater donne d'abord une base législative à l'observatoire national démographique vétérinaire qui est tenu à jour par l'Ordre des vétérinaires. Cet observatoire analyse l'offre de soins pour les différentes espèces animales dans les territoires, autrement dit le fameux maillage vétérinaire (art. L 242-1 II du code rural). Cet observatoire vient d'ailleurs de publier son atlas 2020 sur la base des chiffres arrêtés au 31 décembre 2019 (voir ce lien).

Sur la base de ce diagnostic, le ministère de l'agriculture fixera ensuite, par arrêté, « dans les zones rurales à faible densité d'élevages », celles avec « une offre insuffisante de soins ou un suivi sanitaire insuffisant des animaux d'élevage » (art. 241-13).

La thérapeutique sera locale et administrée par les collectivités territoriales, si elles en ont à la fois la volonté et les capacités financières. Toutes les collectivités territoriales, une commune ou plusieurs regroupées, une intercommunalité, un conseil départemental ou régional, pourront accorder des aides aux vétérinaires des zones rurales identifiées « avec une offre insuffisante de vétérinaires ».

Une bourse d'études contre cinq ans d'exercice en zone rurale déserte

En outre, les mêmes collectivités territoriales pourraient accorder aux étudiants vétérinaires des bourses, qualifiées « d'indemnités d'études et de projet professionnel » en échange d'un engagement à s'installer, ou au moins à exercer, pendant cinq années consécutives dans une zone identifiée « avec une offre vétérinaire insuffisante ». Les étudiants pourraient aussi bénéficier d'indemnités de logement et de logement dans le cadre de stage. Ces incitations financières seront inscrites à l'article L. 1511-9 du code des collectivités territoriales.

Médicament vétérinaire : être prêt pour le 28 janvier 2022

L'article 22 du projet de loi dadue habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de 16 mois, pour adapter le code rural aux règlements « médicament vétérinaire » (n° 2019/6) et « aliments médicamenteux » (n° 2019/4). Publiés au Journal officiel de l'Union européenne du 7 janvier 2019, ces deux règlements seront applicables sans transposition en droit national le 28 janvier 2022 (soit trois ans et 20 jours après la date de publication) (voir LeFil du 8 janvier 2019).

Un très grand nombre de dispositions sur le médicament vétérinaire ou l'aliment médicamenteux, notamment sur la fabrication, les AMM, la distribution, la prescription, l'usage, devront être supprimées du droit national, voire amendées, pour ne pas faire « doublon » ou « être contraires » à celles prévues dans ces deux règlements européens. Ces textes sont si importants que sept Fils leur ont été consacrés sur la prescription (voir les Fils du 21 février et du 25 février 2019), la distribution en gros (LeFil du 12 mars 2019), les importations parallèles (LeFil du 26 mars 2019), les ayants droit (LeFil du 9 avril 2019), les ventes en ligne (LeFil du 23 avril 2019) ou la nouvelle cascade (LeFil du 30 avril 2019).

Autoriser la publicité pour les vaccins auprès des éleveurs dans la presse

Avec l'article 22 bis, les sénateurs ont voulu encadrer à l'avenir la publicité des vaccins auprès des éleveurs professionnels dans la presse agricole. Cette publicité est aujourd'hui interdite par le droit européen, même si elle a été tolérée par le passé. Le règlement 2019/6 permet en effet aux États membres qui le souhaiteraient, d'autoriser, à compter du 28 janvier 2022, des publicités pour des médicaments immunologiques (vaccins surtout) auprès des éleveurs. Les sénateurs ont donc souhaité à la fois anticiper cette ouverture par cette loi mais aussi la restreindre à la presse agricole.

Avec l'article 22 ter, le projet de loi régularise la pratique d'actes vétérinaires par des étudiants au cours de leurs stages chez des praticiens en dehors des écoles vétérinaires.

Maladies répertoriées : la nouvelle loi santé animale applicable le 21 avril 2021

L'article 19 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de 12 mois, pour adapter le code rural au règlement « santé animale » (n° 2016/429) applicable le 21 avril 2021 et relatif notamment à la lutte contre les maladies dites « répertoriées ». L'ordonnance pourra conserver dans le code rural des mesures nationales de lutte contre des maladies d'intérêt national qu'elles soient ou non répertoriées dans le règlement européen.

Génétique animale : revoir la loi sur l'élevage de 1966

L'article 18 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de cinq mois, pour adapter le code rural au règlement « élevage » (n° 2016/1012) applicable depuis le 1er novembre 2018 et relatif notamment à la reproduction et à la génétique des bovins, ovins, caprins, porcs et équins. L'ordonnance pourra prendre des mesures pour étendre les dispositions de ce règlement à la génétique d'autres espèces animales.

Cette ordonnance est importante, car elle révisera la loi sur l'élevage de 1966 qui n'a été modifiée qu'une seule fois en 2006.

Les fournisseurs restent à la porte du capital des cliniques vétérinaires

Un amendement (n° 2) déposé par des sénateurs LR (les républicains) visait implicitement à lever les freins qui aujourd'hui interdisent aujourd'hui aux fabricants de pet-food, ou aux groupes qui les détiennent, d'entrer directement ou indirectement dans le capital des sociétés d'exercice vétérinaire, notamment de cliniques « canines » (comme actionnaire minoritaire).

Cet amendement a été retiré par leurs signataires juste avant le début de la séance publique, il n'est donc pas adopté.

Une promulgation en urgence au plus tôt en août

Le projet de loi, déclaré « en procédure accélérée », ne devrait faire l'objet que d'une seule lecture complète par le Sénat et l'Assemblée Nationale. Il est probable que les députés « en marche » de la majorité approuveront aussi ces six articles vétérinaires qui ont tous été adoptés par le Sénat avec le soutien du gouvernement.

Néanmoins, en cas de désaccord entre les deux chambres, une commission mixte paritaire (CMP) composée à parité de députés et de sénateurs, tentera de trouver un accord sur un texte commun avant une adoption à l'identique dans les deux chambres. À défaut d'accord, c'est le texte des députés qui sera adopté.

Si le texte est adopté avant la fin juillet par les députés, il pourrait être promulgué courant août. À défaut, il conviendra d'attendre la rentrée parlementaire de septembre.