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4 octobre 2018

Biocides, aliments, vaccins… La loi Egalim adoptée définitivement avec trois mesures vétérinaires

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, à l'Assemblée Nationale pour défendre son projet de loi Egalim.
Le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, à l'Assemblée Nationale pour défendre son projet de loi Egalim.
 

C'est fini ou presque pour la loi Egalim. Le 2 octobre vers 18 heures, les députés ont définitivement adopté la loi « alimentation » ou Egalim sans changement par rapport à la dernière version votée en seconde lecture le 14 septembre (voir LeFil du 21 septembre).

Car le Sénat, en rejetant en bloc cette loi sans même commencer à l'examiner le 25 septembre en seconde lecture, n'a pas laissé d'autre choix aux députés que de revenir à leur texte du 14 septembre sans même pouvoir l'amender à ce stade final de la procédure. Au Palais du Luxembourg, les sénateurs de droite comme de gauche, 85 % des votants, ont fait front pour rejeter ce texte. Mais, au Palais Bourbon, les députés En Marche et Modem, n'ont rencontré aucune difficulté pour l'adopter à la majorité absolue des voix (62 %).

Sur le fond, il n'a aucun changement depuis le 14 septembre.

Une loi fourre-tout : du drone à la touillette en plastique

Sur la forme, en revanche c'est différent. La « petite loi » publié sur le site de l'Assemblée nationale consolide dans un texte unique de 67 pages les 98 articles adoptés à la fois en première et seconde lectures par les députés. Lors de son dépôt le 1er février 2018, ce projet de loi ne comportait que 17 articles, presque six fois moins qu'aujourd'hui. Pendant les huit mois de procédure parlementaire, les articles bis, ter, quater, quinquies se sont insérés partout dans le texte nous obligeant à compter en latin jusqu'à l'article 11 tervicies (23 en latin) inséré après l'article 11 duovicies (22 en latin).

Le texte est donc devenu une loi agricole fourre-tout s'intéressant tout autant à la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par des drones dans les régions viticoles de montagne qu'à la fin de la « touillette » en plastique des distributeurs à café « avec sucre ».

Dans la petite loi, les 98 articles sont donc renumérotés de 1 à 98. Cette numérotation définitive sera reprise lors de publication prochaine au Journal Officiel. En particulier, pour les trois mesures importantes pour les vétérinaires,

  • L'article 14 bis sur l'interdiction de remises de certains biocides devient l'article 76.
  • Les articles 9 et 9 bis sur l'encadrement des prix publics et des « promos » sur les aliments pour animaux de compagnie deviennent les articles 15 et 16.
  • Et l'article 14 undecies (11 en latin) sur la publicité des vaccins auprès des éleveurs devient l'article 87 de la petite loi.

Une promulgation entre fin octobre et fin novembre

La loi doit désormais être promulguée par le président de la république dans un délai de 15 jours soit avant le 20 octobre sauf… si le Conseil constitutionnel est saisi d'un recours par un groupe de 60 sénateurs ou de 60 députés. Dans ce cas, le délai pour le Conseil constitutionnel est d'un mois pour se prononcer sur ce recours. Cela reporte d'autant la promulgation, soit jusqu'à la fin novembre.

Une loi s'applique dès le lendemain de sa publication au Journal officiel sauf disposition contraire prévue par la loi. Toutefois, certaines mesures nécessitent un décret pour pouvoir concrètement être mises en œuvre, voire une ordonnance législative pour décrire ce que la loi ne fait qu'esquisser.

Les trois mesures impactant le plus les vétérinaires, sur les petfoods, les biocides, ou les vaccins, prévoient (presque) toutes un délai ou la publication d'autres textes réglementaires pour être mises en œuvre.

Principales mesures vétérinaires et délais d'application

 

Biocides. Toutes les remises interdites mais pas sur tous les biocides

Le code de l'environnement interdira à partir du 1er janvier 2019, toutes les remises, rabais, ristournes et toutes les pratiques commerciales équivalentes sur la vente de biocides, y compris évidemment sur ceux achetés ou revendus par les vétérinaires (articles L. 522-18 et 19). Le code de l'environnement en interdira aussi la publicité grand public (art. L. 522-5-2) et la vente en libre-service (art. L. 522-5-3) c'est-à-dire sans conseil préalable à la vente. L'objectif est ici de réduire les ventes de substances actives jugées dangereuses pour l'environnement.

Mais tous les biocides ne sont pas dangereux. Et tous ne seront pas concernés. La portée de ces interdictions a été restreinte par les députés à certaines catégories de biocides qui seront fixées par décret, sans doute avant le 1er janvier 2019, date d'appliquette de la mesure dans la loi.

Quels seront les biocides visés par toutes ces interdictions ? Les députés à l'origine de cette mesure ont motivé leur amendement en ciblant notamment :

  • Les biocides avec les mêmes substances actives que les produits phytopharmaceutiques qui sont aussi concernés par cette interdiction des remises,
  • Les insecticides, notamment les pyréthrinoïdes,
  • Les rodenticides.

Sans certitude, le décret pourrait donc exclure de ces mesures les désinfectants vétérinaires nécessaires à la mise en place des mesures de biosécurité dont l'usage est promu dans le plan EcoAntibio. Chez les animaux de compagnie, les insecticides d'habitat pourraient être visés alors que les gammes de produits d'hygiène, les nombreux shampooings et topiques désinfectants ne le seront sans doute pas.

La fin des prix cassés et des grosses promos sur les aliments

Un des objectifs de cette loi est de mieux payer les aliments produits par les agriculteurs, qu'il s'agisse des éleveurs ou des producteurs végétaux. Pour cela, la loi commence par enrayer la spirale des prix publics à la baisse pour le consommateur.

Le gouvernement encadrera pendant deux ans, par la voie d'une ordonnance législative, les prix planchers et les promotions sur la revente au détail aux consommateurs des denrées alimentaires (destinées à la consommation humaine) et des aliments pour animaux de compagnie, y compris les ventes réalisées par les animaleries, les vétérinaires, les sites internet…

Cela inclut aussi les aliments complémentaires pour animaux de compagnie présentés sous forme de comprimés, pâtes, gélules, solutions orales, y compris la phytodiététique.

Pas plus de 34 % de promo, ni sur plus de 25 % des volumes vendus

Le seuil de revente à perte sera ainsi relevé de 10 % pour les ventes aux consommateurs (et non aux grossistes ou aux cliniques vétérinaires). En d'autres termes, pendant deux ans, le détaillant, la clinique vétérinaire, sera dans l'obligation d'appliquer une marge minimale de 10 % par rapport à son prix d'achat net, toutes remises déduites. Si le prix d'achat est, toutes remises déduites (y compris les remises de fin d'année), de 100, le nouveau seuil de revente de perte n'est pas de 100 mais de 110. Dans la mesure où les vétérinaires prennent une marge supérieure à 10 % sur la revente des aliments, cette mesure ne devrait avoir aucun impact sur leurs pratiques commerciales.

En outre, l'ordonnance devrait aussi limiter les promotions sur ces aliments à la fois en valeur — pour éviter la répétition de l'affaire Nutella à -70 % — et en volume pour éviter qu'un aliment soit en permanence vendu en promotion. En valeur, la promotion serait plafonnée à 34 % du prix de vente public soit l'équivalent d'au maximum un aliment gratuit pour deux achetés. En volume, des promotions ne devraient pas s'appliquer au-delà de 25 % des aliments vendus selon les conclusions des états généraux de l'alimentation (voir ce lien).

Une mesure inflationniste sans garantie de succès

L'objectif de cette mesure étant de revaloriser les prix d'achat des matières premières agricoles, les opposants à cet encadrement soulignent que les distributeurs seront dans l'obligation d'augmenter leurs marges. Mais il n'y a pas, dans la loi, l'obligation de revaloriser les prix d'achat. Même si cela est pourtant l'objectif final recherché. Ils doutent que la grande distribution et les industriels cessent de faire une pression à la baisse sur les prix d'achat des matières premières agricoles.

La mesure serait donc inflationniste sans garantie que cette inflation des prix publics ruisselle jusqu'aux prix d'achat des produits aux agriculteurs. Le gouvernement annonce qu'il sera vigilant sur l'impact de cette mesure et sanctionnera les comportements abusifs.

L'ordonnance législative doit être prise dans un délai de quatre mois après la promulgation de la loi, soit avant janvier ou février, et pour une durée limitée à deux ans seulement : 2019 et 2020.

Un aliment, ce n'est jamais gratuit. Et c'est immédiat

Une des seules mesures d'application immédiate, dès la publication de la loi, sera l'interdiction d'utiliser le terme « gratuit » pour promouvoir la vente d'un aliment auprès d'un consommateur, qu'il s'agisse d'un aliment destiné à la consommation humaine ou à celle des animaux de compagnie. Un aliment ne devrait jamais être promu comme « gratuit » car cela dévalorise le travail des agriculteurs et le coût des matières premières agricoles.

Cette interdiction sera inscrite dans le code du commerce de manière pérenne (à l'article L. 441-2) et non sur une durée limitée de deux ans comme l'encadrement des marges et des promotions prévu par ordonnance.

Les promotions de type « 20 % gratuit » ou « un aliment gratuit pour trois achetés » seront donc interdites dès probablement le mois de novembre.

Une publicité éleveurs pour des vaccins pour… 2021

À la suite d'un amendement du gouvernement, la loi permettra d'ouvrir à la presse agricole la publicité pour des vaccins à destination des éleveurs dans des conditions qui seront fixées par décret (art. L. 5141-16 9° du code de la santé publique)

Cette publicité reste aujourd'hui interdite par le droit européen comme pour tous les médicaments sur prescription (art. 85 de la directive 2001/82). Mais, à terme, à la fin 2021, le nouveau règlement européen sur le médicament vétérinaire permettra, par dérogation, à des États membres d'autoriser la publicité éleveurs pour les médicaments immunologiques (principalement les vaccins).

La nouvelle loi anticipe donc l'application volontaire de cette dérogation et permet de s'y préparer avec trois ans d'avance par rapport au droit européen.