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Elanco & Proplan

24 octobre 2024

Le miel médical plus efficace que le miel “tout venant” contre les bactéries des plaies de chiens et chats

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

L'activité antibactérienne du miel médical et de miels alimentaires a été comparée sur des souches de pathogènes fréquemment retrouvés dans les plaies des carnivores domestiques (ici Staphylococcus pseudintermedius), à différentes concentrations. Le miel médical est le plus efficace, dès de faibles concentrations (Neo et coll., 2024).
L'activité antibactérienne du miel médical et de miels alimentaires a été comparée sur des souches de pathogènes fréquemment retrouvés dans les plaies des carnivores domestiques (ici Staphylococcus pseudintermedius), à différentes concentrations. Le miel médical est le plus efficace, dès de faibles concentrations (Neo et coll., 2024).
 

Pour réaliser cette étude, des cliniciens de l'université Auburn (USA) sont allés faire leurs courses au supermarché, au rayon miels. Leur objectif était d'évaluer dans quelle mesure le miel de qualité médicale, et plus précisément le miel médical de manuka (ou tea tree, arbuste d'Océanie, Leptospermum scoparium) présente des caractéristiques différentes de miels alimentaires pour soigner les plaies cutanées des chiens et chats.

Quelle qualité médicale ?

Le miel de qualité médicale (dont l'essentiel est du miel de manuka) est irradié (pour sa stérilité) et possède une activité antibactérienne validée « selon des normes strictes », définies par la FDA aux USA. Une partie de cette activité est liée à une teneur élevée de ces miels en méthylglyoxal, toxique pour les bactéries. Ils présentent aussi un effet favorisant la granulation des tissus, modulent leur inflammation, inhibent la formation de biofilms… Plusieurs études ont montré qu'un miel multifleurs alimentaire pouvait avoir un effet favorisant la guérison des plaies de chiens et chats, mais aucun n'a comparé miel médical et miels ordinaires. Cela été documenté en humaine, mais la flore cutanée des chiens et chats est différente.

Miels et pathogènes

Les auteurs ont donc acheté trois miels alimentaires : un de maduka (importé, non médical), un du commerce (multifleurs) et un dernier d'un apiculteur local (miel de trèfle). Ils ont aussi demandé au laboratoire de diagnostic de leur faculté vétérinaire de leur fournir des souches bactériennes isolées de plaies de chiens ou de chats pour les espèces suivantes : Escherichia coli, Staphylococcus pseudintermedius, Enterococcus faecalis, et Pseudomonas aeruginosa. Ils y ont ajouté une souche d'E. coli de référence. Puis les auteurs ont travaillé en milieu liquide, les bouillons préparés par leurs soins contenant 6,5 - 9,8 - 14,7 – 22 – 16,7 – 33,3 - 40,0 - 46,7 – 53,3 ou 66,7 % de miel (une série par miel, pour les trois miels alimentaires et le miel médical). Ces préparations ont été ensemencées avec 1,5 106 UFC de chaque souche (sauf le témoin de chaque dilution de chaque miel), incubées 24 h à 37°C, puis agitées avant du prélèvement pour mesure de densité optique (plus elle est élevée, plus il y a eu de croissance bactérienne). Tous ces essais ont été réalisés en duplicat.

Manuka et médical

Sans surprise, l'importance de l'inhibition bactérienne dépend de la concentration de chaque miel. Toutefois, « le miel médical s'est révélé le plus efficace contre S. pseudintermedius [voir l'illustration principale], pour lequel il fallait une dilution de 9,8 % pour obtenir une CMI90, tandis que pour obtenir une CMI90 contre P. aeruginosa, E. faecalis et E. coli, il fallait la dilution de 14,7 % ». Vis-à-vis de la souche de référence d'E. coli, tous les miels faisaient jeu égal, avec une CMI90 pour la dilution d'au moins 33,3 %. Pour faciliter l'interprétation, les auteurs ont regroupé les dilutions en concentration faible (6,5 à 14,7 %), moyenne (14,7 à 33,3 %) et élevée (33,3 % et plus). Aux concentrations faibles, le miel médical « a montré une plus grande inhibition de la croissance bactérienne que les autres types de miel », sur l'ensemble des isolats cliniques. Mais cette différence n'est que numérique (pas de différence statistiquement significative). Aux concentrations moyennes, il y avait des différences statistiquement significatives :

  • les deux miels de manuka (médical et alimentaire) sont significativement plus efficaces contre S. pseudintermedius que les deux autres miels alimentaires (p=0,001),
  • le miel médical est significativement plus efficace sur les souches cliniques d'E. coli (p=0,03) et d'Enterococcus faecalis (p<0,001) que le miel de l'apiculteur local. Les auteurs signalent que l'efficacité du miel médical contre ce dernier pathogène n'avait pas jusque-là été décrite.

CMB

Les auteurs ont également calculé la concentration minimale bactéricide (CMB) de chaque miel et regard des souches testées : le miel médical est celui qui a systématiquement la CMB la plus faible (voir le tableau ci-dessous). Ainsi « le miel médical s'est avéré plus efficace que d'autres types de miels contre des souches bactériennes trouvées dans des plaies de chiens et de chats. Bien que la CMI90 du miel médical soit comparable à celle des autres miels pour la souche de référence d'E. coli, cette souche n'est pas pathogène et constitue une référence pour la sensibilité aux antimicrobiens ».

Concentrations minimales bactéricides  (en dilution) de chaque type de miel contre chaque espèce bactérienne testée (Neo et coll., 2024).

 

Préférence ?

Les auteurs rappellent que « le miel est un traitement topique important à une époque de résistance aux antimicrobiens en médecines humaine et vétérinaire, d'autant que les plaies abritent souvent des bactéries résistantes à la plupart des antibactériens de première intention ». Et les présents résultats montrent qu'une dilution au tiers du miel médical permet d'inhiber 90 % de la croissance bactérienne de souches cliniques de chiens ou de chats, « ce qui est souvent inférieur à la quantité de miel généralement appliquée dans une plaie infectée, même en tenant compte de la dilution due à l'exsudation de la plaie » (le miel médical est dilué à 80 %). Les miels alimentaires atteignent cette efficacité à des concentrations plus élevées, mais inférieures au produits eux-mêmes. Ils estiment donc probable que « les autres types de miel soient potentiellement efficaces contre les isolats bactériens courants trouvés dans les plaies des chiens et des chats », à condition qu'ils ne contiennent pas de résidus d'antibiotiques… Ce qui n'a pas été vérifié dans le cas présent. Ainsi, « le miel médical utilisé ici a présenté l'activité antibactérienne la plus élevée contre les pathogènes courants des plaies et devrait être considéré comme préférable à d'autres types de miel pour le traitement des plaies chez les chats et les chiens ».