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Elanco & Proplan

16 octobre 2025

La fumée de laurier-rose nuit gravement aux taurillons

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

En Italie, le feu mis aux branches de laurier-rose a provoqué, par enfumage de la stabulation, la mort de 76 taurillons. Cliché : Zeynel Cebeci, wikimedia.
En Italie, le feu mis aux branches de laurier-rose a provoqué, par enfumage de la stabulation, la mort de 76 taurillons. Cliché : Zeynel Cebeci, wikimedia.
 

Un éleveur taille sa haie de laurier-rose (Nerium oleander), met le feu aux branches coupées et s'en va. À son retour, une demi-journée plus tard, 74 des 205 taurillons de la stabulation voisine sont morts… Dans un cas clinique détaillé publié courant septembre, son vétérinaire et les experts d'anatomopathologie et de toxicologie de l'université vétérinaire de Padoue confirment que la cause la plus probable du décès est l'exposition aux fumées de cette plante, de toxicité connue par ailleurs – mais pas pour la fumée chez les bovins (seuls quelques cas liés à l'inhalation de ces fumées par des humains figurent dans la littérature).

Stabulation enfumée

L'atelier d'engraissement est localisé dans le nord de l'Italie. Il comprend 205 taurillons Charolais ou croisés Charolais x Salers, dans une stabulation de grandes dimensions. L'éleveur taille sa haie de laurier-rose et allume le feu des branches « à environ 20 mètres au sud-ouest du bâtiment ». Les experts ont reconstitué la succession d'événements a posteriori : « la fumée produite s'est [progressivement] accumulée à l'intérieur de la stabulation, notamment du côté opposé à la zone de combustion (partie est), caractérisée par la présence de murs et de portes fermées ». Lorsqu'il revient sur place l'éleveur constate que les taurillons présents dans la zone enfumée sont au sol, en décubitus et en dyspnée, et il tente de disperser la fumée en ouvrant les portes et en branchant la ventilation. Mais il a rapidement présenté un épuisement, « en même temps que les premiers signes apparaissaient sur les animaux », qui l'a conduit à consulter aux urgences.

Un tiers de morts

Il a toutefois pu appeler son vétérinaire, lui décrivant qu'un tiers de l'effectif de ses taurillons était au plus mal. Le praticien a demandé de l'aide au service d'ambulatoire de l'université de Padoue et leur visite a été réalisée dans les 12 h suivant les premiers signes cliniques – soit 24 h après le début du feu. « Soixante-quatorze animaux étaient déjà morts à ce moment, et deux autres, affectés, sont morts dans les 6 h suivantes ». Ils étaient âgés de 10 à 18 mois. Il n'y avait pas eu de modifications dans la conduite, l'aliment ni les traitements des animaux sur la semaine précédant l'événement. Les spécialistes de Padoue ont immédiatement suspecté une intoxication par inhalation d'oléandrine (quelques cas sont décrits dans la littérature en humaine, mais pas en médecine bovine). Deux cadavres, choisis l'un parmi les premiers décès et l'autre parmi les plus récents, ont été transférés à l'université pour autopsie. Ils présentaient tous deux un léger œdème sous-cutané mais un tableau hémorragique (y compris pulmonaire). La trachée contenait de la mousse, mais pas de suie.

Identification de l'oléandrine

Tous les organes ont été prélevés pour histologie, et « des échantillons ont été prélevés pour analyse toxicologique, notamment du caillot intracardiaque, du contenu ruminal, des poumons, du foie et des reins ». De l'oléandrine a été détectée dans tous les organes et tissus, avec une distribution et des concentrations différentes chez les deux sujets, « confirmant le diagnostic » d'intoxication. Les concentrations d'oléandrine étaient :

  • les plus élevées dans les reins (1 320 et 260 ng/ml chez les deux sujets), les poumons (774 et 180 ng/ml) et le contenu ruminal (1 527 et 144 ng/ml) alors que ce dernier ne contenait aucun élément visuellement attribuable au laurier-rose ;
  • élevées dans le caillot intracardiaque (176 et 55 ng/ml) et le tissu hépatique (186 et 152 ng/ml).

Dans la littérature, la DL50 de l'oléandrine chez les bovins est de 26 à 45 mg/kg de poids vif ; ici les sujets faisaient en moyenne 480 kg. Un cas d'intoxication au laurier-rose est décrit chez les bovins par ingestion est décrit dans la littérature, avec les signes cliniques apparaissant entre 10 et 24 h et les décès en 48 h. Ces cas ne s'accompagnaient pas d'hémorragie pulmonaire, ce qui renforce le diagnostic d'intoxication par inhalation dans le cas présent. Et la concentration obtenue ici pour le caillot intracardiaque est 117 fois plus élevé que la concentration sanguine décrite dans ces cas d'intoxication orale. Pour ce qui est de la présence d'oléandrine dans le contenu ruminal, les auteurs estiment qu'elle pourrait « être associée à une contamination gazeuse ruminale liée à la dyspnée sévère ». L'oléandrine étant lipophile et résistante à la destruction thermique, l'ensemble de ces éléments rendent crédible un tel mode d'intoxication, dont il s'agit, à leur connaissance, de la première description chez des bovins.

Le laurier-rose est connu pour contenir de nombreux glycosides à toxicité cardiaque (plus de 30 dont l'oléandrine, l'oléandrigénine, la digitoxigénine, etc.) dans toutes ses parties (de la graine aux racines, en passant par les tiges et feuilles).