titre_lefil
logo_elanco

11 août 2022

Sur une décennie, la leishmaniose canine a légèrement diffusé vers le nord en Europe, mais son incidence a augmenté

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Distribution géographique des cas de leishmaniose animale signalés, dans l'Union européenne et les pays voisins, entre 2009 et 2020. En gris clair figurent les pays non inclus dans l'étude et en gris plus foncé ceux n'ayant pas détecté de cas (E-CDC, 2022).
Distribution géographique des cas de leishmaniose animale signalés, dans l'Union européenne et les pays voisins, entre 2009 et 2020. En gris clair figurent les pays non inclus dans l'étude et en gris plus foncé ceux n'ayant pas détecté de cas (E-CDC, 2022).
 

C'est net, clair et précis : « les mesures actuelles de prévention et de contrôle de la leishmaniose et l'accès à des méthodes de diagnostic valables et à des traitements efficaces sont insuffisants », estime le rapport sur la surveillance des leishmanioses humaines et animales en Europe, publié par le centre européen de contrôle des maladies infectieuses (E-CDC) fin juillet. Même si la remarque s'adresse surtout à la médecine humaine et aux pays les moins avancés, les voyages rendent cette problématique « transationale ».

30 pays à endémie/enzootie

 Ce rapport présente des données « recueillies par le biais d'un examen approfondi et non systématique des littérature scientifique et grise [le éléments publiés en dehors des journaux scientifiques relus par les pairs] publiée entre 2009 et 2020, et par des questionnaires adressés aux autorités nationales de santé publique et vétérinaires des pays ciblés », une quarantaine au total, de l'Afrique du nord au Caucase en passant par le Moyen-Orient. Pour 30 d'entre eux, dont la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, la leishmaniose à Leishmania infantum y est enzootique/endémique au moins sur une partie du territoire (voir la carte). Les publications retenues (1 145 sur les plus de 16 000 obtenues au départ) ont été associées aux réponses des autorités sanitaires au questionnaire de l'E-CDC, fournissant ainsi un « statut des leishmanioses dans l'UE ». Il permet aux rapporteurs d'estimer que « la leishmaniose canine est largement sous-déclarée » et qu'elle « s'est propagée vers le nord ; elle est maintenant présente à des altitudes plus élevées en Italie et en Espagne ». Et « les pays modérément à fortement endémiques sont l'Albanie, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la France, la Grèce, l'Italie, Malte, la Macédoine du Nord, le Portugal et l'Espagne ». Le parasite a aussi été identifié en Roumanie sur la dernière décennie, pour la première fois, et y est depuis faiblement endémique/enzootique… Plusieurs pays ont des cas sporadiques, mais les vecteurs y sont présente : Allemagne, Autriche, Belgique, Hongrie, Slovénie, Slovaquie, Suisse et Tchéquie.

Un département sur quatre

Le rapport détaille le statut de la maladie pays par pays. Ainsi, pour la France, l'infection « est considérée comme une maladie émergente, notamment dans les régions du sud-ouest. Au cours de la période 2009-2020, des cas de leishmaniose humaine et animale autochtones et non autochtones ont été signalés dans 25 des 96 départements » métropolitains, dont 21 pour de la leishmaniose animale. Les plus concernés sont « l'Ardèche, le Gard, l'Hérault, les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes-Maritimes », mais des foyers ont été répertoriés jusqu'en Indre-et-Loire. Dans une enquête auprès de praticiens publiée en 2018, les trois quarts des répondants mentionnaient une absence d'information sur des cas humains ou animaux détectés dans leur département d'exercice. En Espagne, l'infection est à déclaration obligatoire au moins à l'échelle des provinces. Les études sérologiques montrent une prévalence allant jusqu'à 30 % dans certaines provinces. En Italie, pays à la séroprévalence la plus élevée d'Europe chez le chien, l'infection est à déclaration obligatoire, y compris pour les chats. Il y a un programme de surveillance intégrée, qui inclut jusqu'au traitement des chiens dans les refuges. De nouveaux foyers de leishmanioses canine et des cas humains autochtones ont été détectés dans le nord, auparavant non endémique : au Piémont, Val d'Aoste, en Lombardie, Vénétie, au Trentin-Haut-Adige en Frioul-Vénétie Julienne, ce qui a accompagné une extension de la répartition des phlébotomes sur ces zones.

Voyages, voyages…

Les voyages des animaux de compagne sont un facteur de risque de dissémination du parasite, et les rapporteurs rappellent que plusieurs travaux de modélisation ont permis d'estimer qu'un chien :

  • provenant d'une zone non enzootique et contractant une infection lors d'un voyage dans une zone enzootique, lorsqu'aucune mesure d'atténuation n'est mise en œuvre, a une probabilité d'infection estimée à 8 % ;
  • importé d'une zone enzootique a une probabilité d'être infecté variant de 7 à 18 % ;
  • infecté soit à l'origine de l'établissement du parasite dans une population de chiens en zone non enzootique où il existe des phlébotomes compétents a une probabilité qui « varie entre 47 et 72 %, selon la densité du vecteur » ;
  • non infecté sur lequel est appliqué « de l'insecticide topique [y compris via un collier] a un risque d'infection réduit de 99,6 % » lors d'un voyage en zone d'enzootie.

Intervention rapide

Il ne s'agit pas que de l'infection animale : « entre les périodes 2005-2008 et 2017-2020, l'incidence de la leishmaniose cutanée [humaine, donc] a augmenté de manière significative, par exemple de 0,01 [p. 100 000 habitants] à 0,27 en France et de 0,03 à 0,40 en Espagne ». L'incidence de la leishmaniose viscérale n'a pas augmenté sur ces périodes en France, Espagne ou Portugal, mais a augmenté de manière significative (p<0,01) en Grèce. Dans ces pays à PIB plus élevé, « les adultes représentent la majorité des cas. La plupart sont des patients qui suivent des thérapies d'immunosuppression pour des transplantations d'organes, des maladies auto-immunes et des cancers ». En Espagne toutefois, la majorité des cas humains sont des adultes immunocompétents. En France, la leishmaniose humaine n'est pas une maladie à déclaration obligatoire, pas plus que l'infection canine, comme d'ailleurs en Allemagne, Autriche ou Belgique, et comme à l'échelle de la réglementation européenne. Les rapporteurs estiment que, comme « une intervention rapide pour éliminer l'exposition aux animaux infectés dans l'environnement domestique est essentielle pour réduire le risque de transmission des Leishmania zoonotiques à d'autres animaux et à l'Homme, la déclaration obligatoire de la leishmaniose canine permettrait de recueillir des informations plus précises sur la distribution de la maladie et d'en estimer l'impact réel ».