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6 août 2018

VetFuturs envisage 3 scénarios extrêmes pour continuer à réfléchir

par Agnès Faessel

Temps de lecture  9 min

Le "Livre Bleu" du projet VetFuturs France a été publié début juillet. Épais de 100 pages, ce rapport se compose de 5 parties et présente l'aboutissement actuel des études et des réflexions menées depuis un an et demi.
Le "Livre Bleu" du projet VetFuturs France a été publié début juillet. Épais de 100 pages, ce rapport se compose de 5 parties et présente l'aboutissement actuel des études et des réflexions menées depuis un an et demi.
 

Il était annoncé pour janvier dernier. Le "Livre Bleu" du projet VetFuturs France est finalement paru au début du mois de juillet. Construit pour être un « document de référence », il restitue en effet les résultats des travaux d'études et d'analyses réalisés depuis son lancement (début 2017) dans l'objectif d'anticiper l'évolution de la profession. Pour alimenter la réflexion, trois scénarios « de rupture » sont exposés.

Une nécessaire transformation

Le projet VetFuturs France est inspiré de VetFutures initié par nos voisins britanniques. Il est piloté conjointement par l'Ordre des vétérinaires et le Syndicat des vétérinaires libéraux (SNVEL). Il a pour objet de préparer la mutation de la profession vétérinaire en France à horizon 2030, face à l'évolution du contexte d'exercice : un bouleversement de l'existant relatif à l'apparition de nouveaux modèles économiques, à d'importants changements démographiques et sociétaux, aux progrès scientifiques et technologiques, etc.

Une transformation du métier est inéluctable et le projet a débuté par la réalisation d'un état des lieux des pratiques passées et actuelles ainsi que des attentes (et craintes) de la profession et des intervenants connexes afin d'identifier les enjeux à venir pour la profession. Cette phase d'échanges s'est essentiellement appuyée sur une enquête nationale, des consultations, des ateliers… complétés par le travail de groupes thématiques (sur 4 sujets : place de la profession dans la société, métiers vétérinaires, entreprise vétérinaire et révolution numérique).

Un premier bilan de l'avancée du projet avait été effectué fin 2017, sous la forme d'interventions sur les principaux congrès vétérinaires de fin d'année et la diffusion de documents de synthèse. Une série de chantiers stratégiques à ouvrir avaient émergé des réflexions (voir LeFil du 5 déc. 2017 : VetFuturs France se donne un an pour passer à l'action).

Le présent Livre Bleu formalise et complète cette restitution. Il « répond à l'exigence d'un rapport d'étape matérialisant l'état des réflexions et des travaux menés ». Communiquer représente effectivement aussi un enjeu important du projet lui-même, afin de rendre sa démarche « lisible et acceptée »

Qui sommes nous et d'où venons nous

Le Livre Bleu est un rapport de 100 pages, en libre accès (téléchargeable à la rubrique ‘En savoir plus'), dont la lecture est rendue digeste par de nombreuses illustrations. Il se décompose en 5 parties.

Les trois premières parties reprennent donc principalement les constats établis par les actions de prospection menées en 2017 et la synthèse des analyses qui en ont été faites.

La Partie 1, Histoire et actualités de la profession (12 pages), brosse un état des lieux des vétérinaires aujourd'hui : données démographiques, diversité des métiers, répartition géographique selon les secteurs d'activité (espèces traitées), modalités d'exercice (statut du praticien, catégorie d'entreprise).

Elle rappelle également l'évolution de la profession et de son environnement depuis 1947, y compris au plan politique ou sociétal, avec quelques événements ou changements marquants, par exemple l'apparition des centrales vétérinaires en 1970, le déploiement des SCP (sociétés civiles professionnelles) à partir de 1977, la crise de la "vache folle" avec le premier cas détecté en 1985 (au Royaume-Uni), l'identification des animaux par transpondeur à partir de 2001, la mobilisation des vétérinaires en 2013 pour défendre la prescription/délivrance, la parité homme-femme atteinte en 2017…

Les grandes questions d'avenir

La Partie 2, Environnement en mutation (39 pages), est la plus conséquente. Elle présente les changements qui impactent et impacteront la profession dans les 12 ans à venir, la base donc de la mutation à préparer. Le schéma récapitulatif reproduit ci-dessous les résume depuis la lorgnette du vétérinaire.

Chaque grande transformation est abordée en 2 à 5 pages, faisant généralement suivre les faits observés, les conséquences pour le vétérinaire et son environnement de travail (notamment les nouvelles attentes des clients et des partenaires), puis – surtout – les questions qui se posent pour son avenir.

3 questions émergent par exemple quant à la place du vétérinaire aux yeux des propriétaires d'animaux de compagnie :

  1. Quels seront les nouveaux facteurs de fidélisation demain pour les vétérinaires, notamment pour des populations urbaines ?
  2. Quelle place pour les vétérinaires sur Internet pour être la référence en matière d'information sur la santé animale ?
  3. Quel développement de la télémédecine vétérinaire face aux exigences d'accès aux soins et aux contraintes territoriales ?

Une montagne de préoccupations

La Partie 3, Aspirations et évolutions (14 pages), propose le bilan des interrogations et des préoccupations des praticiens pour leur futur. Il s'appuie sur les résultats de l'enquête nationale menée en 2017, déjà précédemment diffusés. Il y est notamment rappelé les trois valeurs « émergentes » auxquelles s'attachent les vétérinaires : le savoir-faire (expertise et technicité, spécialisation), l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle et le respect de l'animal (bien-être essentiellement).

Les grands enjeux identifiés à l'issue de l'enquête sont également précisés.

  • La considération du métier dans la société : le vétérinaire praticien bénéficie d'une très bonne image mais les autres facettes de la profession sont méconnues et la place occupée dans le débat public sur la relation homme-animal apparaît très insuffisante.
  • La formation, initiale et continue, avec un besoin identifié d'être mieux formé en management, et les possibilités de suivre des parcours professionnels moins « linéaires » (plans de carrière, reconversions).
  • L'évolution des business modèles, en lien avec de nouvelles formes de concurrence (Internet, chaînes de cliniques), le développement de la collaboration entre structures (travail en réseau) ou encore l'enjeu de la délivrance du médicament, mais aussi les problématiques du recrutement et de la répartition des vétérinaires sur le territoire (maillage).
  • Les évolutions technologiques, avec leurs opportunités (excellence médicale) et leurs menaces (e-réputation), auxquelles les vétérinaires sont globalement mal préparés.

Un vétérinaire sanitaire, écarté ou commercial

La Partie 4, Scénarios de rupture (2 pages), prend trois exemples d'évolution extrême, improbables mais susceptibles d'« aider à comprendre l'écosystème dans lequel la profession vétérinaire peut évoluer ».

  • « Un monde infecté ! » projette une situation où la santé publique a pris le pas parmi les missions du vétérinaire. L'état de santé des animaux domestiques est très surveillé (par peur des contaminations) et les progrès technologiques en élevage ont fortement réduit les interventions vétérinaires. Dans ce schéma, « le côté "humain" de la profession avec tout ce qu'il comporte d'empathie et d'écoute risque de disparaître ».
  • « Une app à tout faire ! » imagine le succès d'une application développée pour les animaux de compagnie, ayant d'abord intégré le vétérinaire avant de l'écarter au profit des ASV. Ici, « le vétérinaire est devenu un prestataire de services. Une partie de la valeur et de la relation client lui échappe désormais ».
  • « La campagne à la ville ! » décrit un futur où seulement 40 % des habitants consomment encore de la viande et où fleurit l'élevage de ville "cogéré entre voisins". En ville encore, l'animal de compagnie est clairement un membre de la famille et le rôle sociétal du chien est reconnu. Ce scénario est favorable au vétérinaire urbain et périurbain, qui développe ses services en matière de conseil et de prévention sous réserve d'acquérir des compétences « relationnelles et commerciales ». Mais « le maillage territorial et la prophylaxie sont menacés dans les territoires plus ruraux ».

Encore des questions avant l'étape des réponses

La Partie 5, Chantiers stratégiques (13 pages), rappelle enfin les axes de réflexions ouverts à l'issue de la phase de consultation. Les 7 chantiers initialement dégagés sont finalement réduits à 6 (supprimant celui sur l'identité et l'appartenance).

  1. Rôle et place du vétérinaire dans la société. Trois enjeux sont identifiés. « Le vétérinaire à l'interface entre homme, animal et environnement » ambitionne de placer le vétérinaire comme force de premier plan sur les sujets de santé, de bientraitance des animaux et de biodiversité. « Le vétérinaire au cœur de son écosystème » prévoit une meilleure connaissance et reconnaissance de tous les métiers vétérinaires et une plus grande implication de la profession dans la vie politique. « L'image et la perception de la profession » regroupe l'image des vétérinaires dans la société mais aussi sa perception par les confrères eux-mêmes.
  2. Formation et accès à la profession. Les deux enjeux majeurs ici sont une meilleure connaissance de la réalité des métiers par les futurs étudiants et l'insertion des jeunes diplômés dans l'entreprise vétérinaire, tous deux pointant l'importance des stages.
  3. Futurs modèles économiques. Les réflexions ciblent trois points : les anciennes et nouvelles activités de l'entreprise vétérinaire (et l'équilibre entre elles), la variété des modèles et des formes d'entreprises, l'analyse prospective des marchés.
  4. Management, organisation, ressources humaines. Les quatre défis sont d'adapter l'entreprise vétérinaire aux attentes des salariés et développer son attractivité, de la structurer, de créer de la valeur et la partager, de gérer et positionner les collaborateurs (nouveaux métiers, place du manager, statut des ASV).
  5. Révolutions technologiques. Dominé par les progrès du numérique, ce chantier dégage cinq différentes problématiques : la sensibilisation des vétérinaires aux nouvelles technologies, la participation active de la profession dans leur développement, l'évaluation de leurs conséquences au plan éthique, la préservation des vétérinaires au centre des dispositifs par un cadre législatif adapté, l'évolution de la formation initiale et continue.
  6. Le maillage. Enjeu de santé publique, le maintien du maillage territorial soulève quatre grande questions : le « modèle d'affaires » du vétérinaire rural, le maintien de l'activité rurale dans les zones de faible densité d'élevage (périphérie des villes), son financement et l'organisation d'un travail en réseau (avec l'appui éventuel d'autres professionnels).

Chaque chantier pose une série d'interrogations dont les réponses restent à trouver.

Ensuite demeure encore une partie essentielle du travail : collecter des propositions concrètes de réactions ou de marche à suivre, issues des groupes de réflexion et du terrain, puis les évaluer et les rassembler dans un plan d'actions cohérent, assorti des moyens nécessaires à sa mise en œuvre.