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Elanco & Proplan

30 novembre 2015

L’Ordre sanctionne le vétérinaire du site La Compagnie des Animaux

par Eric Vandaële

Le site de la Compagnie des animaux référence les vermifuges et leurs tarifs sans les vendre. Pour les acheter, l’internaute est invité à se connecter à un site de droit britannique dogteur.com. Le Royaume-Uni autorise en effet la vente online des médicaments.

Sanctionné par l’Ordre, le vétérinaire fondateur du site La Compagnie des Animaux renvoie ses clients vers un site britannique pour l’achat de vermifuges.

 
Le site de la Compagnie des animaux référence les vermifuges et leurs tarifs sans les vendre. Pour les acheter, l’internaute est invité à se connecter à un site de droit britannique dogteur.com. Le Royaume-Uni autorise en effet la vente online des médicaments.
 

La Chambre supérieure de discipline de l’Ordre a condamné le vétérinaire, fondateur et gérant de la SARL « La Compagnie des animaux » à trois mois de suspension d’exercice avec sursis. Cette SARL exploite un site internet de commerce en ligne de produits et médicaments vétérinaires dans un local contigu à sa clinique vétérinaire de Viry-Châtillon (Essonne).

Seul l’exercice vétérinaire est du ressort de l’Ordre

Toutefois, ce vétérinaire n’a pas été condamné comme gérant de la SARL qui, pourtant, vendait (illégalement) des vermifuges exonérés de la prescription. Car cette SARL n’est pas soumise au code de déontologie. Son gérant, fût-il un vétérinaire en exercice dans une autre structure, ne peut donc pas être sanctionné sur ces infractions par une chambre de discipline.

Mais il a été condamné sur le fait que c’était aussi sa clinique vétérinaire (la Selarl N7 dont il est l’unique associé) qui approvisionnait sa SARL en médicaments : antiparasitaires externes (APE) et vermifuges exonérés d’ordonnance.

La vente à un distributeur est sanctionnée

Les vétérinaires ont le droit de vendre au détail les médicaments. Mais l’approvisionnement de la SARL commerciale par la Selarl ne peut pas être assimilé à une « vente au détail » de la clinique vétérinaire vers un client, utilisateur final du médicament. Il s’agit alors d’une distribution en gros à un « détaillant », quelles que soient les quantités, petites ou grandes, facturées par la Selarl à la SARL.

Les vétérinaires n’ont évidemment pas le statut de distributeur en gros qui leur permettrait d’approvisionner des détaillants, y compris pour des APE dérogatoires.

Les APE dérogatoires : une exception à la règle

Depuis cet arrêt du 10 juillet 2015 de l’Ordre des vétérinaires, la Compagnie des animaux commercialise toujours sur son site les antiparasitaires d’externes dérogatoires dits en vente libre. Les distributeurs en gros (centrales ou autres structures) et les laboratoires sont en effet autorisés à lui livrer ces APE qui dérogent au monopole pharmaceutique des ayants droit (vétérinaires et pharmaciens).

En revanche, les APE en vente libre sont une exception à la règle générale. Tous les autres médicaments, fussent-ils des vermifuges exonérés d’ordonnance, ne peuvent être vendus que par des vétérinaires ou des pharmaciens. Et les distributeurs en gros ne peuvent (heureusement) pas livrer en vermifuges des détaillants qui ne sont pas habilités à les vendre au détail.

Dogteur.com de La Compagnie des Animaux UK Ltd

Lacompagniedesanimaux.com continue néanmoins à promouvoir et référencer ces vermifuges exonérés (avec leurs tarifs), mais en les déclarant « indisponibles ». Pour passer commande, le site renvoie sur un autre site (www.dogteur.com) appartenant à une société britannique baptisée… La Compagnie des Animaux UK Ltd. Sous couvert de l’application du droit britannique, les vermifuges sont ainsi livrés en 3 à 5 jours. En outre, ce site référence une soixantaine de gammes princeps de médicaments sous prescription (Marbocyl°, Fortekor°, Cardalis°, Vetmedin°, Metacam°, Trocoxil°, Bravecto°, Nexgard°, Comfortis°, Stronghold°, Cortavance°, Crisax°, Pexion°…).

Toutefois, ces médicaments connus, dont la plupart des packagings apparaissent en français sur le site britannique, sont mentionnés comme « indisponibles » sur ce site.

Un ayant droit ne peut pas livrer en APE un autre détaillant

La portée de ce jugement disciplinaire n’est limitée ni aux sites internet ni aux vétérinaires qui les approvisionnent en APE dérogatoires (ou en d’autres médicaments).

Cet arrêt peut aussi s’appliquer aux structures vétérinaires qui approvisionneraient d’autres ayants droit, des salons de toilettages ou d’autres commerces de vente d’APE en magasins. Même si ces sociétés ont le droit de revendre au détail les APE dérogatoires.

Dans ce cas, ces détaillants doivent pouvoir acheter ces APE directement auprès des laboratoires ou des distributeurs en gros. Car les officines des pharmaciens n’ont pas non plus le statut de distributeur en gros.

Néanmoins, pour les boutiques en lignes des sites des cliniques vétérinaires, il n’est pas interdit d’y vendre les APE dérogatoires, à la condition que ces ventes soient réalisées directement par la clinique et que cette boutique en ligne apparaisse comme une activité accessoire de la clinique (voir LeFil du 4 septembre 2015).

Les infractions de la SARL non sanctionnées par l’Ordre

Dans l’arrêt en première instance, La Chambre régionale de discipline d’Île de France avait aussi sanctionné ce vétérinaire pour plusieurs autres infractions au Code de la Santé Publique commises par la SARL La Compagnie des animaux.

  • Le gérant de la SARL, même s’il est vétérinaire, n’est pas un ayant droit. Il ne peut vendre aucun vermifuge, ni aucun autre médicament à l’exception des APE dérogatoires (art. L. 5143-2).
  • En outre, ce vétérinaire ne peut pas vendre au comptoir ou en ligne des vermifuges exonérés d’ordonnance sans un lien avec un examen clinique (art. L. 5143-2).
  • Il est aussi « interdit à toute personne de solliciter auprès du public des commandes de médicaments vétérinaires par tout moyen et de satisfaire de telles commandes ». (Art. L. 5143-9). Et la chambre régionale de discipline considère que « la mise en vente de médicaments sur internet constitue une démarche active » qui s’apparente donc à une sollicitation de commandes de la part du vétérinaire.

La Chambre supérieure de discipline n’a pas retenu tous ces griefs. Car ils ne sont pas commis par un vétérinaire en exercice, mais par le gérant de la SARL. Et ni cette SARL, ni son gérant, même s’il est vétérinaire, ne sont soumis au régime disciplinaire de l’Ordre des vétérinaires et à son code de déontologie.