25 septembre 2025

Le virus de la fièvre hémorragique de Crimée Congo (FHCCV) circule activement dans certains départements du pourtour méditerranéen, chez les bovins et la faune sauvage, selon une étude ayant regroupé des chercheurs de plusieurs organismes français, ainsi que des vétérinaires de laboratoires d'analyses, de la fédération nationale de la chasse et d'entreprise de production de réactifs. Ce virus avait été détecté chez des tiques (Hyalomma marginatum) dans les Pyrénées-Orientales, fin 2023. Le virus causant une réponse sérologique prolongée, la sérologie est un outil adapté à la détection de sa circulation.

Littoral méditerranéen

L'enquête sérologique a utilisé les sérums de bovins issus de prophylaxie sanitaire officielle entre 2018 et 2022, dans de nombreux départements du littoral méditerranéen : Alpes-Maritimes, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Gard, Pyrénées-Orientales, Tarn, Var et Vaucluse pour les bovins, Hautes-Pyrénées, Gers, Ardèche et Drôme pour la faune sauvage, Hérault et Lozère pour les deux types d'animaux. « Lorsque cela était possible, toutes les communes possédant des élevages bovins dans les départements participants ont été incluses dans l'enquête et toutes les fermes situées dans ces communes (ou au moins 6 par commune) ont été testées ». Les sérums ont été analysés en Elisa et la confirmation réalisée pour certains d'entre eux par vironeutralisation (test réalisé en laboratoire de haute sécurité, BSL4).

Certaines communes à 39 % de séropositifs

Pour les bovins, 176 résultats positifs en Elisa ont été obtenus, des séropositifs étant identifiés dans « presque tous les départements » enquêtés (voir l'illustration principale). Les séroprévalences individuelles les plus élevées sont dans les Alpes-Maritimes (7,2 %) et les Pyrénées-Orientales (9,1 %). Dans ces deux départements, les communes positives sont regroupées autour des « hotspots de transmission », où la séroprévalence atteint 39 %. Dans les Bouches-du-Rhône (0,4 %), l'Hérault (1,44 %) et le Gard (1,68 %), « les communes positives restent dispersées et la plupart des exploitations ne comptent qu'un seul animal séropositif, à l'exception de quatre exploitations qui comptent plusieurs bovins séropositifs (séroprévalence intra-exploitation dans les exploitations comptant plus d'un animal positif : 26,08 %) ».

Trois situations

Lorsqu'ils confrontent ces données de sérologie avec le niveau de spécificité du test utilisé et la présence, constatée ou attendue, de H. marginatum dans les zones concernées, les auteurs regroupent les départements en trois catégories :

• Celle à très faible séroprévalence, et où le vecteur n'est pas signalé, ces départements pouvant « être considérés comme indemnes ». Il s'agit du Tarn, de l'Aveyron, la Lozère et des Bouches-du-Rhône. La sérologie était faiblement positive et jamais plus d'un séropositif n'a été détecté par élevage, « ce qui peut donc être interprété soit comme des résultats faussement positifs, soit comme des infections uniques » possiblement liées à des introductions ponctuelles de larves de tiques qui auraient transmis le virus de manière sporadique sans que l'arthropode ne s'implante.
• Celle à très faible séroprévalence mais avec une présence connue du vecteur : il s'agit du Gard et de l'Hérault. Les communes séropositives y étaient rares, mais certains élevages y comprennent plusieurs animaux séropositifs avec des “titres” élevées. Ce qui suggère « une circulation locale du virus avec une infection régulière ou récente des animaux conduisant à des titres viraux élevés et persistants ».
• Et celle à séroprévalence plus élevée et où des clusters de cas ont été identifiés : les Alpes-Maritimes et les Pyrénées-Orientales. Dans ces clusters, « de nombreuses exploitations hébergeant un nombre important d'animaux positifs ». À noter toutefois que H. marginatum n'a pas été détectée dans les Alpes-Maritimes : soit l'espèce y est bien présente, soit la transmission se fait par une autre espèce de tique, pas encore décrite (H. lusitanicum) ou via Rhipicephalus, voire Dermacentor.

Faune sauvage : les Hautes-Pyrénées

Pour la faune sauvage, 45 des 49 sujets positifs avaient été abattus en Hautes-Pyrénées. Dans ce département, des sujets séropositifs ont été « détectés presque chaque année depuis 2008, sauf pendant les années COVID (2019-2021) où la pression de chasse a diminué de façon spectaculaire ». Les séropositifs étaient des sangliers (14+/869), cerfs élaphes (n = 18+/252), chevreuils (n = 13+/977) et mouflons (1+/1). Les auteurs soulignent que « la séroprévalence chez les chevreuils, aussi élevée que celle chez les cerfs élaphes, est la plus élevée jamais rapportée dans la littérature, même dans le centre-sud de l'Espagne où des chevreuils ont été trouvés infestés par H. lusitanicum ». Les forêts de conifères et les forêts ouvertes ont été trouvées comme facteur significatif de séropositivité pour la faune sauvage. Ce qui « pourrait refléter le rôle important joué par la faune sauvage, en particulier les cervidés, dans le cycle de transmission enzootique du FHCCV car ces espèces animales colonisent principalement les zones forestières et sont soupçonnées de répliquer le CCHFV et de réinfecter de nouvelles tiques vectrices en Espagne ».

Ces résultats sérologiques indiquent que le FHCCV circule actuellement en France métropolitaine, dans le sud du pays, et soulignent « la nécessité d'une surveillance renforcée et d'approches intégrées pour surveiller » cet agent zoonotique.