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Elanco & Proplan

19 septembre 2025

Des marqueurs sanguins de métastases identifiés chez le chien, notamment la natrémie

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Natrémie chez 49 cas de sarcome ou carcinome canin non hémorragique
Le trait horizontal représente la valeur médiane (la différence est significative entre les groupes) ; les pointillés indiquent les valeurs normales usuelles. D'après Pazzi et al., JSAP, 2025.
Natrémie chez 49 cas de sarcome ou carcinome canin non hémorragique
Le trait horizontal représente la valeur médiane (la différence est significative entre les groupes) ; les pointillés indiquent les valeurs normales usuelles. D'après Pazzi et al., JSAP, 2025.
 

Une baisse de la natrémie chez un chien atteint de sarcome ou de carcinome primaire devrait particulièrement inciter à rechercher des métastases, selon les résultats d'une étude sur 59 cas. En effet, l'incidence des métastases varie grandement selon le type de la tumeur, et leur mécanisme pathogénique est complexe. Disposer de marqueurs est donc utile en pratique, avant de prescrire des examens complémentaires parfois sophistiqués, coûteux et/ou invasifs (imagerie médicale, biopsie…), ou au contraire afin de les réaliser plus précocement en cas de suspicion.

Les marqueurs sanguins sont particulièrement pertinents dans ce cadre, car le suivi des cas de tumeur comprend le plus souvent des prises de sang régulières. Et chez l'homme, diverses anomalies biochimiques, hématologiques et hémostatiques ont été associées aux métastases cancéreuses : anémie, neutrophilie, thrombocytose, hypercalcémie, hyponatrémie, état d'hypercoagulabilité avec hypofibrinolyse.

Les présentes recherches s'inscrivent dans le cadre d'une étude prospective débutée fin 2018. Ses résultats sont publiés en libre accès dans JSAP.

Confirmation et analyses à l'autopsie

L'étude s'est déroulée en Afrique du Sud, à l'école vétérinaire de Prétoria. Les cas ont été inclus entre décembre 2018 et septembre 2000 : des chiens atteints d'un sarcome ou d'un carcinome primaire, ayant plus de 12 mois et pesant au moins 5 kg au moment du diagnostic. Une maladie concomitante était un critère d'exclusion, notamment un autre cancer.

La sous-population étudiée concerne les chiens euthanasiés en lien avec la maladie, au motif d'un pronostic sombre ou de contraintes financières s'opposant au traitement. Le diagnostic a donc été confirmé post-mortem à l'autopsie (histologie sur biopsies). Et une recherche systématique de métastases, locorégionales et à distance, a été effectuée, ainsi qu'une prise de sang pour analyses (juste avant l'euthanasie).

Nombre de paramètres sanguins ont ainsi été mesurés : hématologiques, biochimique et hémostatiques (par thromboélastographie notamment).

Distinction des cas de tumeur hémorragique

Ainsi, parmi les 59 chiens inclus (de 22 races différentes) figurent :

  • 30 cas de sarcome primaire, dont 16 métastasés (53 %) ;
  • et 29 cas de carcinome primaire, dont 15 métastasés (52 %).

Parmi les 31 cas de cancer métastasé, 5 soit 16 % s'étaient disséminés aux seuls ganglions lymphatiques loco-régionaux tandis que les 26 autres (soit 84 %) avaient disséminé aussi (n=7) ou seulement (n=19) à distance.

Dit autrement :

  • Parmi les cas métastasés, des métastases loco-régionales étaient présentes à 39 % (12/31), dans 10 cas de carcinome (soit 34 % de tous ces cas) et 2 de sarcome (soit 7 % de tous ces cas) ;
  • Parmi l'ensemble de la population étudiée, des métastases à distance étaient présentes à 44 % (26/59), dans 11 cas de carcinome (soit 38 %) et 15 cas de sarcome (soit 50 %).

La présence d'une hémorragie intracavitaire (péritonéale, pleurale ou péricardique) impacte les paramètres hématologiques et hémostatiques. Ces cas ont donc été identifiés (n=10, dont 6 métastasés), afin de répéter l'étude comparative en les excluant.

Deux paramètres statistiquement différenciants

Exclusion faite de ces cas de cancer hémorragique, trois paramètres sanguins sont significativement plus bas dans les cas de tumeur métastasée – les valeurs demeurant toutefois dans les normes usuelles :

  • La natrémie (voir figure en illustration principale),
  • Le calcium ionisé,
  • Les taux de fibrinolyse à 30 et 60 minutes.

Lors de l'analyse multivariée, seules les variations concernant la natrémie et le taux de fibrinolyse à 60 minutes demeurent significatives, et représentent ainsi des facteurs prédictifs de la présence de métastases. Une diminution de la calcémie, ce qui était inattendu, ne l'est plus.

En incluant les cas de cancer hémorragique, ces paramètres demeurent différents entre les groupes, et comme présumé, d'autres paramètres de la coagulation sont également affectés (le facteur X, l'activité de l'antithrombine, notamment). En oncologie humaine, les traitements anticoagulants sont à l'étude pour lutter contre les coagulopathies associées aux cancers, avec des effets bénéfiques sur le développement de métastases et la durée de survie ; cette approche est probablement un prochain sujet de recherches chez l'animal aussi.

Seuils de décision

Les seuils optimaux en matière de sensibilité et spécificité ont été déterminés, pour les cas hors hémorragie intracavitaire :

  • Une natrémie inférieure à 142,5 mmol/l est un paramètre prédictif de métastases, avec une sensibilité de 64 % et une spécificité de 63 % ;
  • Un taux de fibrinolyse à 60 minutes inférieur à 1 % l'est également, avec une sensibilité de 68 % et une spécificité de 78 %.

Ces performances restent donc modérées. L'interprétation parallèle des deux variables permet de gagner en sensibilité, mais pas en spécificité. Une interprétation sérielle apporte l'inverse. À ce jour, la thromboélastographie n'est pas une technique facilement accessible aux vétérinaires praticiens. La natrémie apparaît donc être un paramètre plus utile au quotidien.

Face à leurs résultats, les auteurs avancent également qu'une baisse de la calcémie (calcium ionisé ≤ 1,24 mmol/l) mérite d'envisager la recherche de métastases dans les cas de sarcomes ou de carcinomes canins.