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30 septembre 2022

De nombreuses plantes (et de rares parfums) peuvent provoquer une réponse euphorique chez le chat

par Karin De Lange

Temps de lecture  6 min

Illustration botanique des plantes attractives pour les chats utilisées dans l'étude américano-australienne qui vient de les passer en revue. Les chats répondent (de gauche à droite) au bois sans écorce de Lonicera tatarica, aux feuilles de Nepeta cataria, aux racines d'Acalypha indica et de Valeriana officinalis, ainsi qu'à la tige ligneuse, aux feuilles et aux galles de kiwi d'Actinidia polygama. Les galles de fruits de la vigne argentée (fruits déformés) sont induites par la cécidomyie femelle Pseudasphondylia matatabi, qui pond ses œufs dans les bourgeons floraux d'A. polygama (source : Bol et coll. 2022).
Illustration botanique des plantes attractives pour les chats utilisées dans l'étude américano-australienne qui vient de les passer en revue. Les chats répondent (de gauche à droite) au bois sans écorce de Lonicera tatarica, aux feuilles de Nepeta cataria, aux racines d'Acalypha indica et de Valeriana officinalis, ainsi qu'à la tige ligneuse, aux feuilles et aux galles de kiwi d'Actinidia polygama. Les galles de fruits de la vigne argentée (fruits déformés) sont induites par la cécidomyie femelle Pseudasphondylia matatabi, qui pond ses œufs dans les bourgeons floraux d'A. polygama (source : Bol et coll. 2022).
 

Les chats réagissent euphoriquement à Nepeta cataria (herbe-à-chats), dont le nom vernaculaire indique justement que le phénomène est connu de très longue date. Dans une publication récente, un groupe de scientifiques moléculaires du Texas et de l'Australie-Occidentale a présenté ses conclusions sur l'étude du comportement félin provoqué par l'herbe-à-chats, les plantes ayant un effet similaire et les molécules en jeu.

Les chat réagissent à la népétalactone… et à bien d'autres molécules

Les chats sont attirés par les molécules volatiles de plusieurs espèces végétales, et contrairement à tout autre animal, ils répondent par ce qui semble être un comportement heureux. Parmi ces plantes, les espèces Nepeta cataria (herbe-à-chats) et Actinidia polygama (vigne argentée) sont les plus connues. La première est couramment utilisée par les soignants de chats en Europe et en Amérique du Nord, tandis que la seconde est plus populaire en Asie. Après avoir reniflé ces plantes, les chat expriment un comportement typique de frottements de tête et des roulades. Pourtant, les félins ne seraient pas les destinataires prévus des allomones produites par ces plantes. Les insectes libèrent des composés chimiques semblables lorsqu'ils sont en danger, et il est démontré que les plantes produisent et libèrent ces composés pour envoyer un message d'avertissement aux insectes phytophages. La népétalactone, trouvée dans l'herbe-à-chats, a été le premier composé identifié comme déclenchant cette réponse comportementale. Cependant, la même réaction a été observée lors d'une exposition à A. polygama, Lonicera tatarica (chèvrefeuille de Tartarie) et Valeriana officinalis (valériane), qui ne contiennent peu ou pas de népétalactone. Les auteurs souhaitaient savoir si le comportement des chats à l'égard de ces autres plantes est le même que vis-à-vis de l'herbe-à-chats, et s'il s'agit d'une réponse biologique fixe et prévisible, ou variable. Après avoir enregistré en vidéo les réactions de 6 chats domestiques à 5 plantes différentes et 13 composés uniques, sur 72 jours entre l'été de 2018 et l'hiver de 2020, ils ont analysé 470 réactions à des plantes, totalisant plus de 8 h de temps de réaction, et 217 réactions à des composés uniques, totalisant plus de 2,5 h de temps de réaction.

L'attractivité diffère d'un chat à l'autre

Les auteurs ont observé des différences significatives dans la façon dont les chats étaient individuellement attirés par les plantes. Bien qu'il n'y ait pas eu de différence entre le temps moyen écoulé avant la première réaction, il y avait des différences statistiquement significatives pour ce paramètre selon les plantes lorsqu'ils ont analysé les données pour chaque chat séparément. Certains individus avaient des préférences pour des plantes particulières, le comportement d'un chat donné était cohérent entre toutes les plantes. Les chats répondent à un grand nombre de lactones de type I et II, mais aussi au dihydroactinidiolide et à l'actinidine. La réponse à l'actinidine était la plus divergente. La plupart des chats n'y ont pas répondu, alors que ceux qui l'ont fait ont répondu plus longtemps qu'à n'importe quel autre métabolite végétal, et des comportements différents ont été observés. Le dihydroactinidiolide est également trouvé dans les excrétions et les sécrétions du renard roux, ce qui en fait le premier rapport d'un composé produit par un mammifère à pouvoir déclencher la réaction euphorique chez le chat.

La réaction diffère entre chats, mais est comparable entre les différents plantes

Il y a une grande variation entre les chats pour la réaction comportementale en présence d'herbe-à-chats. Le frottement de tête (contre l'objet olfactif) était le comportement le plus fréquent. Cependant, il y avait des différences significatives entre les chats. Si le comportement induit paraît commun à la plupart des plantes, l'effet de la racine de V. officinalis semble légèrement différent, étant complètement ignorée par certains chats et provoquant une réponse comportementale prolongée chez d'autres. Les résultats indiquent également que le fait d'exposer les chats aux plantes concernées de manière discontinue ou en alternant les plantes pourrait prévenir ou réduire leur accoutumance.

Les chats domestiques préfèrent Drakkar Noir°

Des éléments anecdotiques suggèrent que les grands félins (guépard, lion, tigre, léopard, léopard des neiges et jaguar) réagissent à certains parfums, comme Obsession for Men° de Calvin Klein, et en particulier de la même manière qu'à l'herbe-à-chats. L'hypothèse avancée est que ce phénomène serait dû à la présence de civétone, cétone odorante secrétée par la civette. Les chats de la présente étude ont été exposés à plusieurs parfums : Obsession for Men°, L'Air Du Temps°, Paco Rabanne Pour Homme° et Drakkar Noir°, ainsi qu'à la civétone et à l'éthanol (témoin). Un seul chat a réagi à Drakkar Noir°, tandis qu'aucun des chats n'a réagi à la présence d'un tissu imbibé d'Obsession for Men (voir le graphique ci-dessous). Les auteurs en concluent que les chats domestiques ne réagissent pas aux parfums comme le font les grands félins.

L'un des six chats de l'étude a réagi (comportement) après exposition à Drakkar Noir°, mais pas aux autres parfums ni à la civétone, molécule présente dans Obsession for Men° et suspectée de provoquer un comportement plaisant chez les grands félins (Bol et coll., 2022).

 

L'herbe-à-chats n'est pas une “drogue psychédélique”

L'herbe-à-chats est parfois appelée “drogue du chat”, et la réaction euphorique des chats est considérée comme un “trip”. Cette association négative peut parfois retenir les soignants d'offrir un tel enrichissement olfactif aux chats. Cependant, aucune des plantes produisant des drogues (du cannabis au pavot) ne sont liées aux espèces végétales attirant les chats. La népétalactone n'a d'effet que lorsque la molécule volatile est liée aux récepteurs olfactifs après inhalation ; elle n'a aucun effet lorsqu'elle est absorbée dans le sang après administration orale. Une autre différence avec les drogues psychoactives est la durée de la réponse. Alors que la réaction à l'herbe-à-chats dure de quelques secondes à quelques minutes au plus – et peut être facilement interrompue – les effets des drogues durent des heures et ne peuvent pas être interrompus.

Des mystères demeurent

Mais, préviennent les auteurs, il reste encore « beaucoup de mystères à élucider ». En particulier, la fonction biologique de la réaction des chats et pourquoi elle n'est observée que chez les félins figurent parmi ces questions. Si une étude récente supposait qu'un chat se frottant au plantes contenant des tels composés pourrait réduire le nombre de piqûres de moustiques, il y a cependant peu de maladies félines transmises par les moustiques. Autre inconnue : la nature des récepteurs olfactifs de ces molécules volatiles. La présente étude montre que certains chats répondent plus fortement à l'actinidine qu'aux lactones, tandis que d'autres ne répondent pas du tout à l'actinidine. Une réaction comportementale n'a pas pu être provoquée par l'herbe-à-chats chez les chats accoutumés à la vigne argentée ou au chèvrefeuille de Tatarie. Ces deux plantes sont dénuées de népétalactone, d'épinépétalactone et de dihydroactinidiolide. Il est donc « possible que les autres lactones de type I et II de la vigne argentée et du chèvrefeuille se lient au(x) même(s) récepteur(s) que la népétalactone et la dihydroactonidiolide ». Enfin, il est souvent considéré que les chats de moins de 3 à 6 mois ne répondent pas à l'herbe-à-chats. Cependant, il est possible qu'il n'y ait pas de limite d'âge stricte, mais que la réaction puisse être une réponse acquise au fil du temps, par l'expérience des stimuli olfactifs. Les auteurs ont constaté que moitié moins de chats de moins de 18 mois répondaient à l'herbe-à-chat, par rapport aux chats plus âgés.