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6 janvier 2021

Des vaccins Covid pour les animaux de compagnie ? C'est en cours, mais pour protéger qui ?

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Le furet pourrait être la première espèce d'animal de compagnie à bénéficier d'un vaccin contre le SARS-CoV-2 (cliché : Pixabay).
Le furet pourrait être la première espèce d'animal de compagnie à bénéficier d'un vaccin contre le SARS-CoV-2 (cliché : Pixabay).
 

Plusieurs espèces sont à la fois des animaux de laboratoire et de compagnie… Le furet et le lapin ont ce douteux privilège, et – dans une moindre mesure, le chien et le chat. Tous pourraient bénéficier du développement de vaccins contre le SARS-CoV-2, mais tous en ont-ils besoin, selon le titre d'un article publié dans Science à la mi-décembre.

Vaccin russe

Bien que, sur ce virus pandémique encore plus qu'à l'accoutumée, la prudence impose de distinguer l'effet d'annonce des données scientifiquement validées et publiées, le développement de “vaccins Covid” animaux paraît bel et bien lancé. En la matière, ce sont les services fédéraux russes de surveillance vétérinaires et phytosanitaire (Rosselkhoznadzor) qui ont tiré les premiers en annonçant sur leur site internet le 6 novembre que la structure fédérale de fabrication de vaccins (FSBI-VGNKI) de Moscou avait commencé le 20 octobre dernier un essai clinique « sur 40 chiens et 40 chats » d'un vaccin contre le SARS-CoV-2. Il s'agit d'un vaccin inactivé, adjuvé avec de l'hydroxyde d'alumine. Le communiqué précise aussi que cette préparation « a été trouvée sûre, n'entraînant pas de réactions secondaires et hautement immunogène lors d'un essai préclinique sur des furets ». L'administration d'une dose de 0,5 ml « n'a pas été suivie de réaction indésirable sur les chiens et les chats ». Il ajoute qu'il « est prévu de tester aussi le vaccin sur des animaux à fourrures (visons, etc.) ».

Vaccin chats pour février ?

Cinq semaines plus tard, c'est également à travers une dépêche d'agence de presse (Reuters, le 14 décembre) que l'agence de développement russe indiquait envisager une fin des essais en janvier et un début du processus d'enregistrement du vaccin (en Russie) pour février 2021. Ce vaccin serait indiqué « pour le lapin, le vison, le chat et pour quelques autres espèces ». A noter qu'aucun cas d'infection sur des visons d'élevage n'a été déclaré à l'OIE par la Russie (mais deux cas sur des chats) et que le lapin est considéré comme non réceptif à l'infection. L'article de Science évoque un délai légèrement différent : « les détails du vaccin n'ont pas été fournis, mais le centre gouvernemental développant le vaccin a annoncé que des doses vaccinales seraient largement disponibles dans quelques mois ».

Vaccin visons d'Amérique

L'article de Science précise également qu'aux USA, « Zoetis [USA] travaille aussi sur un vaccin pour les visons et les animaux de compagnie ». La stratégie vaccinale est indiquée : l'antigène vaccinal serait « une forme modifiée de la protéine de spicule » du virus. Des données présentées à partir de chiens et de chats indiquent une induction de réponse immunitaire spécifique, sans précision du niveau de protection. Le responsable du département des maladies émergentes à Zoetis est cité dans l'article comme indiquant que le procédé d'enregistrement du vaccin pour les visons est lancé auprès de l'USDA. Il est possible que le terme « animaux de compagnie » employé dans l'article recouvre plutôt le furet que les chiens ou chats.

Furet, infection naturelle

Car le furet, un mustélidé comme le vison d'Amérique, est fortement réceptif au SARS-CoV-2, comme près d'une dizaine d'articles scientifiques l'ont confirmé par inoculation expérimentale. Et, justement, le premier cas d'infection “naturelle” de ce NAC a été publié pendant la trêve des confiseurs. La déclaration de ce cas à l'OIE a été envoyée par les services vétérinaires slovènes le 23 décembre dernier, et précise que l'animal « présentait des signes cliniques (tractus gastro-intestinal) et a été amené dans une clinique vétérinaire. Le furet provenait d'un foyer [au sens de famille] positif à la Covid-19 ». Il est aussi mentionné que le furet n'a pas été traité, mais que la « vaccination [est] autorisée (si un vaccin existe) ». Il ne dit pas, en revanche, si les autorités slovènes ont pu imposer un suivi virologique de l'animal.

Furet, vaccins

Le furet est en tout cas l'une des espèces ciblées pour le vaccin russe : l'annonce initiale de novembre par le Rosselhoznadzor avait alors été reprise par la presse vétérinaire russe en ligne, et complétée par l'interview d'une responsable du FSBI-VGNKI, qui indiquait que, chez le furet, la primovaccination avait été réalisée en 2 injections espacées de 3 semaines – sans autre détail. Au moins un autre vaccin est en cours de développement pour cette espèce de NAC, avec des essais en cours en Allemagne, où le laboratoire de référence en virologie animale (FLI d'Insel-Riems) a publié un communiqué le 17 décembre afin de démentir l'existence d'essais d'un vaccin à ARNm sur des furets dans ses murs. Il précise qu'il s'agit « d'un candidat vaccin vectorisé. Dans ces expériences, aucun animal [furet] n'est tombé malade ni décédé en lien avec l'administration du candidat vaccin. Aucun animal n'a présenté de changement remarquable de signes cliniques associé aux immunisations. Les résultats feront l'objet d'une publication scientifique en temps et en heure »

Publication visée pour visons

Au bilan, les seules données publiées sur des vaccins destinés aux animaux concernent le vison d'Amérique, dans un article mis en ligne le 8 décembre dans National Science Review (22 p.), qui détaille les résultats d'un essai vaccinal dans cette espèce. Le vaccin a été préparé à partir de protéine de spicule recombinante (séquence aa de 1 à 1 207) produite sur cellule de mammifère (CHO) puis purifiée. L'adjuvant est de l'hydroxyphosphate d'aluminium. La dose d'antigène était de 50 µg/ml, administrée en 2 fois (0,5 ml par injection IM) à 2 semaines d'intervalle, à 6 visons. Cinq semaines après la seconde injection, une inoculation expérimentale a été réalisée. Ces équipes de biologistes chinois concluent que leur candidat vaccin « prévient largement la réplication du SARS-CoV-2 dans l'appareil respiratoire des visons et la formation de lésions pulmonaires ». La Chine étant le premier éleveur de visons au monde, l'objectif de ce vaccin est clairement national… Et concerne des animaux de production, pas (encore ?) de compagnie…