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18 mai 2020

Un troisième cas rarissime de rage chez un chat infecté en France par une chauve-Souris de Côte d'Or

par Eric Vandaële

Temps de lecture  6 min

Répartition des rares cas de franchissement de la barrière d'espèce des virus rabiques des chauves-souris en Europe.
En Europe, les cas de rage chez des chauves-souris n'ont rien d'exceptionnel. En revanche, il est exceptionnel que ces virus des chauves-souris, EBLV-1a, 1b ou 2, soient transmis aux hommes ou à d'autres mammifères terrestres comme les chats. Le troisième chat français contaminé par un virus des chiroptères ne figure pas sur cette carte. Source de la carte : Anses (octobre 2014).
Répartition des rares cas de franchissement de la barrière d'espèce des virus rabiques des chauves-souris en Europe.
En Europe, les cas de rage chez des chauves-souris n'ont rien d'exceptionnel. En revanche, il est exceptionnel que ces virus des chauves-souris, EBLV-1a, 1b ou 2, soient transmis aux hommes ou à d'autres mammifères terrestres comme les chats. Le troisième chat français contaminé par un virus des chiroptères ne figure pas sur cette carte. Source de la carte : Anses (octobre 2014).
 

La rage c'est grave ! Pas toujours ! Le 6 mai dernier, l'Institut Pasteur a confirmé un cas de rage chez un chat domestique de la commune Source-Seine, une commune de Côte d'Or de 63 habitants qui doit son nom au fait que la Seine y prend effectivement sa source. Le typage moléculaire du virus rabique révèle que ce chat a certainement été contaminé par une chauve-souris, selon la Dépêche Vétérinaire qui a décrit ce cas le 15 mai. Car il s'agit d'un lyssavirus européen (European Bat Lyssavirus ou EBLV) du type 1b qui est adapté aux chauves-souris européennes (la sérotine commune) et n'est pas contagieux pour les autres mammifères sauf, comme ici, dans des cas rarissimes.

Le 25 avril, le chat a brutalement changé de comportement et mordu notamment son propriétaire et le vétérinaire qui l'a examiné. Après son décès, le diagnostic de rage par un virus rabique de la chauve-souris (EBLV-1b) a été confirmé par l'Institut Pasteur (le centre national de référence sur la rage). Les personnes en contact avec le chat ont été vaccinées préventivement post-exposition. Toutefois, la préfecture de la Côte d'Or n'a pas considéré que le chat enragé était contagieux pour l'homme ou d'autres animaux. Aucun arrêté de déclaration d'infection n'a été pris, ni d'appel à la population locale comme c'est le cas le plus souvent lors des rares cas (importés) de rage vulpine qui sont découverts en France sur des chats ou des chiens.

Un troisième cas exceptionnel chez un chat en France

C'est le troisième cas de rage des chiroptères confirmé sur un chat en France, après ceux de 2003 (EBLV-1b) et de 2007 (EBLV-1a). Dans ce dernier cas, à Fontenay-le-Comte en Vendée, le chat contaminé vivait avec les chauves-souris dans les combles d'immeubles anciens du centre-ville. En 2016, une chauve-souris avait aussi été confirmée comme enragée par le virus EBLV-1a dans le même quartier. Il persistait donc un foyer de rage de chauve-souris dans le centre-ville de la sous-préfecture de la Vendée.

En France, la rage des chiroptères est autochtone. Elle est due à des lyssavirus EBLV (European Bat Lyssavirus) de type 1b (70 % des cas dans toute la France, mais plus fréquemment dans le Cher et en Lorraine) ou de type 1a pour les autres cas surtout dans l'ouest de la France ou en Pyrénées Atlantiques. Le virus EBLV-2 n'est pas retrouvé en France depuis au moins dix ans. Ces virus européens EBLV qu'ils soient de type 1a, 1b ou 2, sont adaptés aux chauves-souris. Ils ne sont pas ou très peu transmissibles à l'homme.

Les franchissements de la barrière d'espèce restent exceptionnels

En Europe, seuls trois cas de rage chez l'homme ont été décrits comme associés aux EBLV, dont deux avec le virus EBLV-2, en Finlande en 1985 et en Écosse en 2002, et le troisième avec le virus EBLV-1a en 1985 en Russie. Aucun cas humain n'a été retrouvé associé au type 1b qui est celui retrouvé de ce chat et le plus fréquent en France chez les chauves-souris. Aucun cas de transmission à l'homme des virus EBLV-1 ou 2 n'a été rapporté à partir d'un mammifère autre qu'une chauve-souris. Les trois cas humains contaminés par ces lyssavirus EBLV ont tous été contaminés par une chauve-souris. En d'autres termes, aucun chat infecté n'a transmis un virus rabique EBLV à des humains. Cela explique sans doute l'absence de mesure et de communication officielle sur ce chat d'une petite commune de Côte d'Or. Néanmoins, par précaution, les personnes en contact avec ces chats enragés sont vaccinées préventivement post-exposition.

Les cas de franchissement de la barrière d'espèce des virus EBLV des chiroptères restent exceptionnels : deux cas chez les moutons en Allemagne (EBLV-1a), un cas chez une fouine en Allemagne (EBLV-1a), les trois cas chez des chats en France (EBLV-1a ou 1b).

En France, la rage des chiroptères n'a rien d'exceptionnel

Répartition des cas de rage de chiroptères en France entre 1989 et 2014

Des cas de rage autochtones chez les chauves-souris sont régulièrement détectés sur tout le territoire français : environ une centaine depuis 1989. Source de la carte Anses (2014)

Depuis 1989, une centaine de cas de rage autochtones ont été confirmés sur des chauves-souris. En France comme en Europe, la rage des chiroptères n'a rien d'exceptionnel. Plus d'un millier de cas rage de chauves-souris y ont été détectés. Les médias sont donc rarement alertés, sauf lorsqu'il s'agit, comme à Fontenay-le-Comte, de sensibiliser les habitants d'un quartier sur la manipulation des chauves-souris malades.

Entre 1989 et 2000, seulement neuf cas de rage des chiroptères ont été décrits en douze ans sur trois cents prélèvements analysés en France, soit moins d'un cas par an. À partir de 2001, le nombre de cas a beaucoup augmenté pour atteindre jusqu'à dix cas durant la seule année 2009. Il est aujourd'hui stabilisé aux alentours de six cas par an depuis dix ans.

La hausse du nombre de cas de rage chez les chauves-souris depuis vingt ans n'est pas due à une recrudescence de cette infection chez les chauves-souris, mais à une surveillance renforcée organisée avec les chiroptérologues bénévoles de la Société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM). L'incidence des cas de rage chez les chiroptères reste aux alentours de 2 % sur plus de trois mille prélèvements analysés en 15 ans.

Mille analyses par an chez les chiens et chats

Par comparaison, la rage est aussi recherchée chaque année sur environ mille têtes de chiens et de chats envoyées par les DDPP de tout le territoire français. Mais la quasi-totalité des analyses sont heureusement négatives. Seulement douze cas, presque exclusivement associés à des importations illégales depuis l'Afrique du Nord, ont été confirmés depuis 2001.

Depuis 2007, les cas de rage confirmés et rendus public en France sont les suivants :

  • Février 2020. Saint-Martin-en-Ré (Charente-Maritime). Cas de rage sur un chien importé du Maroc (voir LeFil du 18 février 2020).
  • Mai 2015. Saint-Étienne. Cas de rage sur un chiot de retour d'un séjour en Algérie.
  • Novembre 2013. Argenteuil (Val d'Oise). Cas isolé de rage sur un chaton importé du Maroc.
  • Août 2011. Challans (Vendée). Cas isolé de rage sur un chiot importé du Maroc.
  • Novembre 2008. Isère. Cas isolé de rage sur un chiot importé du Maroc.
  • Mai 2008. Guyane. Cas humain et mortel de rage dans ce département d'outre mer.
  • Avril 2008. Var. Cas de rage sur un chiot importé de Gambie (via la Belgique).
  • Février 2008. Seine-et-Marne… Trois cas de rage, un cas importé du Maroc (dans le Gers) et deux cas autochtones en Seine-et-Marne.
  • Novembre 2007. Vendée. Un cas de rage sur le chat de Fontenay-le-Comte contaminé par une chauve-souris (virus rabique EBLV-1a).

Les chiroptères sont protégés. Il est interdit de les tuer

Les chiroptères sont des animaux sauvages protégés. « En cas de découverte d'un spécimen blessé ou mort, il est recommandé de ne pas le toucher mais d'en avertir la DDPP ». Photo Vincent Dedet.

Face à ce troisième cas de rage sur un chat infecté par une chauve-souris, il convient de rappeler que les chiroptères sont des animaux sauvages protégés. Il est interdit de les tuer et de les capturer […] même si elles ont élu domicile dans les caves ou les greniers d'une habitation. Si une chauve-souris se retrouve dans une pièce d'habitation, il suffit d'éteindre les lumières et d'ouvrir les fenêtres pour qu'elle puisse en sortir grâce à son sonar.

En cas de découverte d'une chauve-souris morte, blessée ou affaiblie, il est recommandé de ne pas les toucher, ni de les manipuler, ni de chercher à les attraper, mais, éventuellement, d'en avertir la DDPP. Enfin, en cas de blessure provoquée par une chauve-souris, la plaie est à laver soigneusement avec du savon de Marseille. Elle est abondamment rincée, puis séchée avant l'application d'un antiseptique.