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Elanco & Proplan

15 juillet 2025

Équine : sur 20 ans, recul de la mortalité péri-opéatoire, à l'échelle mondiale

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Une enquête mondiale (28 pays sur les 4 continents) sur les décès lors d'anesthésie générale en équine, réalisée sur 2020-2023 et plus de 47 000 interventions, montre une fréquence de survenue de 1,2 %. Le décès peut se produire pendant la procédure (12 %), le réveil (42 %) ou la semaine suivante (40 %). LeFil, d'après Gozalo-Marcilla et coll., 2025.
Une enquête mondiale (28 pays sur les 4 continents) sur les décès lors d'anesthésie générale en équine, réalisée sur 2020-2023 et plus de 47 000 interventions, montre une fréquence de survenue de 1,2 %. Le décès peut se produire pendant la procédure (12 %), le réveil (42 %) ou la semaine suivante (40 %). LeFil, d'après Gozalo-Marcilla et coll., 2025.
 

Des chevaux en bonne santé meurent encore, de manière inattendue, du fait d'une anesthésie générale - « en majorité à cause de fractures pendant leur convalescence », mais en moyenne, ce événement est moins fréquent qu'il y a 20 ans. C'est ce qui ressort de l'analyse d'une base de données confidentielle documentant plus de 47 000 anesthésies générales (AG) sur chevaux et poneys, à l'échelle de 28 pays, publiée par ses spécialistes européens (Espagne, Suisse, Royaume-Uni).

L'enquête de 2002 en référence

L'enquête confidentielle sur les décès équins périopératoires 2 (CEPEF2), qui a été publiée en 2002, restait jusque-là « la plus grande étude de cohorte observationnelle, prospective et multicentrique » sur ce type d'événements. Elle prenait en compte les décès survenus jusque 7 jours après l'AG, et comprenait les données de 41 824 chevaux., et identifiait une fréquence moyenne de décès de 1,9 %. Elle montrait aussi que l'halothane était un facteur de risque (corrigé depuis, puisque ce gaz a disparu des protocoles anesthésiques), le fait d'être âgé, d'avoir un processus de réparation osseuse en cours ou d'être opéré hors des horaires classiques d'ouverture. Ces auteurs ont mis en route la collecte de données pour une nouvelle version de l'enquête, baptisée CEPEF4, en 2020, sous la tutelle de l'association des vétérinaires anesthésistes (AVA).

Survie à 7 jours de l'AG

Le protocole de l'enquête est conforme aux exigences relatives aux suivis de cohorte prospective, et visait à inclure au moins 45 000 chevaux, pour pouvoir se comparer aux données de CEPEF2. Le questionnaire pour chaque intervention comprenait 249 variables, du signalement du cheval (ou poney) au descriptif du décès éventuel (jusque 7 jours après l'AG), en passant par le protocole anesthésique, le déroulement de l'AG… Plusieurs étapes de validation des données ont été mises en place (y compris correction d'erreurs/élimination de rapports). Comme pour CEPEF2, les interventions ont été distinguées selon qu'il s'agissait ou non de coliques. Le terme de coliques comprend ici à la fois les interventions d'urgence liées à des coliques, mais aussi les césariennes et les éclatements de vessie. Pour la survie à 7 jours, chaque cas a été classifié en :

  • vivant, que l'animal soit encore en structure vétérinaire à J7 ou déjà “chez lui” ;
  • euthanasié, lorsqu'un cheval « est décédé ou a été euthanasié en raison d'une lésion inopérable découverte lors de l'intervention, d'un décès dû à une maladie préexistante ou à des contraintes économiques » ;
  • mort, s'il est « décédé subitement ou euthanasié en raison de complications périopératoires ».

Recul du taux moyen de décès

Leurs deux hypothèses principales des auteurs sont :

  • que des décès surviennent encore avec la pratique anesthésique actuelle,
  • et que certains risques spécifiques et facteurs de protection susceptibles d'influencer la prise de décision clinique devraient pouvoir être identifiés.

Entre le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2023, les données de 93 centres vétérinaires, dans 28 pays (sur quatre continents), pour un total de 47 396 AG, ont été incluses dans l'enquête. Le taux moyen de décès est de 1,2 %, ce qui est un net recul par rapport à l'enquête publiée en 2002 (pour rappel : 1,9 %). La majorité des décès se produit pendant le réveil (voir l'illustration principale). S'y ajoutent 5,6 % d'euthanasies – près de trois sur quatre (73 %) se produisent pendant la semaine suivant l'AG.

Décès 5 fois plus fréquents lors de coliques

Parmi les 7 598 chevaux dont l'intervention était classifiée en coliques, il y a eu un taux de décès de 4,2 % (et 27,2 % d'euthanasiés). Par rapport à l'étude de 2002, il y a là aussi un recul (7,8 % de décès à l'époque). Pour les auteurs, « les améliorations dans la gestion péri-opératoire des coliques peuvent avoir contribué à cela, à la fois pour les soins initiaux par le praticien qui réfère et par les traitements spécialisés dans les hôpitaux de référence ». Plus du tiers (38 %) de ces décès ont eu lieu en réveil. Toutefois, près du tiers des cas “coliques” ont été euthanasiés, ce qui n'est pas significativement différent de 2002 (un quart). Sur les près de 40 000 chevaux avec AG pour un motif autre, le taux de décès était de 0,6 % (et 1,4 % d'euthanasies), là encore en recul par rapport à 2002 (0,9 %). Dans ces cas, près d'un décès sur deux (48,5 %) est survenu pendant le réveil. Le premier motif est une fracture (36 %), devant les complications abdominales (18 %), les complications nerveuses ou neuropathies (13 %) et les arrêts cardiaques (11 %). Les auteurs soulignent qu'en 2002, les arrêts cardiaques représentaient un tiers de ces décès, et que ce gain est probablement attribuable à l'abandon de l'halothane. La publication détaille aussi les protocoles d'induction/anesthésie et le niveau de monitoring de l'AG.

Multiples facteurs de sur-risque

Lorsqu'ils analysent leurs données par le filtre d'une régression logistique multivariée, les auteurs observent que :

  • les juments gestantes étaient 1,9 fois plus à risque de décès que les hongres (p<0,001), ce qui n'a pas d'implication clinique car il s'agit essentiellement de césariennes ;
  • sans réelle surprise, les chevaux âgés (> 14 ans) étaient 2 fois plus à risque de décès que ceux de 1 à 5 ans (p<0,001) ;
  • les chevaux maigres (note d'état de 1/3) étaient 2 fois plus à risque de décès que ceux à note d'état “normale” (2/3) (p<0,001). Les auteurs ne commentent pas cet aspect ;
  • la classification de la société américaine d'anesthésiologie (ASA) est un facteur prédictif important, les sujets classés ASA II à V étant associés à un sur-risque de mortalité significativement plus élevé (p<0,001 dans chaque cas, x 2,3 pour les ASA II et jusque x 27 pour ceux classés ASA V). Cette classification, établie pour les humains, s'applique bien aux chevaux : la présente publication en est la seconde confirmation ;
  • les interventions urgentes comportent un sur-risque de décès (x 1,7, p=0,004) par rapport à celles qui ne le sont pas. Les auteurs proposent que, comme l'ont montré des études en canine, il puisse s'agit d'une préparation pré-opératoire « moins prudente » que pour les interventions programmées ;
  • par rapport à une durée de référence de 1 à 2 heures, les interventions durant moins d'une heure, comme celles de 2 à 3 heures et de plus de 3 heures sont associées à un sur-risque de décès significativement (x 1,6 à x 2,6). Si ce n'est pas une surprise pour les interventions de longue durée, pour celles de moins d'une heure, il pourrait s'agir d'un « préjugé selon lequel les procédures courtes nécessitent une préparation, un équipement de surveillance et des moyens d'assistance cardiopulmonaire moins complexes » ;
  • la prémédication par agonistes partiels ou opioïdes/antagonistes + AINS comme analgésiques, par rapport à l'absence d'analgésiques, a entraîné une mortalité significativement réduite (-28 %, p=0,05),
  • l'utilisation de la kétamine en perfusion à débit constant était associée à un sur-risque de mortalité plus élevé que son absence (x 1,45, p=0,05). L'excitation nerveuse induite par la kétamine « pourrait influencer négativement la convalescence ».

Facteurs de risque de décès dans les 7 jours suivant l'intervention, identifiés dans l'étude CEPEF4, par analyse de régression multivariée. Pour qu'un paramètre soit significativement associé à un sur-rique de décès (ou un niveau de protection significatif), il faut que son intervalle de confiance ne comprenne pas la valeur 1. Gozalo-Marcilla et coll., 2025.

 

Les auteurs mettent en exergue que la réduction du taux de mortalité observé par rapport à 2002 « est rassurante et suggère que de nouveaux médicaments et protocoles d'anesthésie, de nouvelles techniques chirurgicales, les améliorations de la gestion péri-opératoire combinées à une surveillance et un soutien plus complets de la fonction cardiopulmonaire pourraient en être responsables ». Ils confirment vérifier leurs deux hypothèses de départ, puisqu'ils ont identifié « des facteurs susceptibles d'influencer la prise de décision clinique et d'améliorer la sécurité des patient », qu'une analyse plus poussée des données collectées, annoncée comme en cours, permettra de préciser.