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10 mai 2019

La paromomycine approuvée contre la crypto des veaux au Royaume-Uni et en Espagne… mais pas en France

par Eric Vandaële

Temps de lecture  4 min

Structure de la paromomycine
La paromomycine est un antibiotique aminoside, très peu résorbé lors de prise orale, également indiquée en médecine humaine contre des protozoaires digestifs : amibiases, giardioses, leishmanioses.
Structure de la paromomycine
La paromomycine est un antibiotique aminoside, très peu résorbé lors de prise orale, également indiquée en médecine humaine contre des protozoaires digestifs : amibiases, giardioses, leishmanioses.
 

C'est officiel au moins au Royaume-Uni et en Espagne, mais pas en France. La paromomycine est officiellement approuvée comme traitement des diarrhées des veaux dues aux cryptosporidies (C. parvum). La solution buvable à 140 mg/ml de paromomycine — Parofor° Crypto — a été développée par Huvepharma. Elle est autorisée au Royaume-Uni, le pays rapporteur pour ce dossier, et au moins en Espagne. Mais pas en France à ce jour.

Polémique pour ou contre la paromomycine

En France, la paromomycine (ou aminosidine) contre la cryptosporidiose des veaux est, depuis longtemps, un sujet polémique. Les praticiens ruraux n'ont jamais caché qu'ils utilisent cet antibiotique aminoside original quasi-exclusivement « hors AMM » en traitement curatif de la cryptosporidiose des veaux, et pas vraiment dans l'indication validée dans le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) : les infections digestives à E. coli.

L'Agence française du médicament vétérinaire a toujours été opposée à cet usage de la paromomycine contre la cryptosporidiose. Avant 2014, lorsqu'aucune spécialité vétérinaire disposait d'une AMM en France, elle s'est opposée à l'octroi d'autorisations d'importation dans le cadre de la cascade. Des praticiens ont néanmoins importé (illégalement) Gabbrovet°, le médicament autorisé alors en Belgique et en Italie. Malgré des poursuites pénales, les tribunaux ont toujours été cléments envers ces praticiens dont les importations illégales n'étaient, à l'évidence, pas destinées à générer un profit pour leurs structures. Ici, le crime ne profitait pas aux vétérinaires qui le commettaient, mais aux éleveurs qui utilisaient ce traitement pour traiter leurs veaux.

Depuis 2014, les importations illégales se sont définitivement arrêtées avec l'octroi d'une AMM française accordée d'abord à la poudre orale Parofor° dosée à 70 mg/g de paromomycine, puis, en 2017 et en 2018, à deux solutions buvables à 140 mg/ml des gammes Parofor° (Huvepharma) et Gabbrovet° (Ceva). Mais aucune de ces gammes n'était, jusque-là, approuvée dans un pays d'Europe contre la cryptosporidiose. Alors que cela correspond à son principal usage.

Contre la cryptosporidiose : 50 mg/kg/j pendant 7 jours

Sous la dénomination commerciale de Parofor° Crypto, Huvepharma a finalement réussi à obtenir cette fameuse indication « cryptosporidiose » pour sa solution à 140 mg/ml de paromomycine au Royaume-Uni. Cet antibiotique de groupe des aminosides est connu pour son efficacité contre certains protozoaires. En médecine humaine, l'agence européenne du médicament a d'ailleurs approuvé des indications contre la leishmaniose viscérale en 2005.

Contre Cryptosporidium parvum, le rapport d'évaluation de Parofor° Crypto de l'agence britannique mentionne une concentration optimale in vitro de 400 mcg/ml. Les deux études de détermination de la posologie ont conduit à retenir la dose de 50 mg/kg/j et une durée de traitement de 7 jours. Cette dose de 50 mg/kg permet de réduire significativement l'excrétion fécale des ookystes.

Sur les veaux âgés de 2 à 6 semaines, la biodisponibilité par voie orale est faible : 2,75 % à la dose de 50 mg/kg. La paromomycine reste donc à plus de 97 % dans le tractus digestif. Toutefois, la résorption digestive est plus élevée chez les veaux nouveaux nés. Deux études de tolérance en surdosage ont été réalisées, l'une chez des veaux âgés de 2 à 5 semaines (jusqu'à 360 mg/kg/j pendant 21 jours), la seconde sur des veaux de 4 jours d'âge (jusqu'à 250 mg/kg/j pendant 7 jours). La première étude a mis en évidence des lésions digestives à fortes doses et après un usage prolongé. Pour cette raison, le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) recommande de ne pas dépasser 7 jours de traitement.

Une réduction de moitié des diarrhées dues à C. parvum

Pour soutenir l'indication contre la cryptosporidiose, trois essais cliniques terrain comparatifs contre placebo ont été réalisés à l'aveugle. Durant les sept jours de traitement, entre 23 et 32 % des veaux traités présente des diarrhées, contre 53 à 73 % chez les veaux non traités.

Même si la posologie « crypto » de 50 mg/kg/j x 7 jours n'est pas beaucoup plus élevée que celle contre E. coli (25 à 50 mg/kg/j x 3 à 5 jours), le temps d'attente viandes et abats a été fixé à 62 jours pour Parofor° Crypto contre 20 jours pour Parofor° et Gabbrovet°.

Sur l'antibiorésistance, l'agence britannique se veut rassurante dans son rapport d'évaluation. « Le risque de sélection de résistances dans la flore commensale est faible chez les veaux traités ou dans l'environnement. Cela ne conduit donc pas à accroître significativement le risque pour la santé publique. » En 2014, l'agence française jugeait, à l'inverse, que, pour des raisons d'antibiorésistance, il était toujours préférable de recourir d'abord à l'halofuginone qu'à un antibiotique comme la paromomycine pour lutter contre la cryptosporidiose.