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10 octobre 2018

Flambée inédite des infections par le virus West Nile, chez les chevaux, l'avifaune et… les humains (dont un vétérinaire)

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Distribution des cas d'infection humaine (à gauche, en rouge) et équine (à droite, en orange) par le virus West Nile en Europe depuis le début 2018, à la date du 5 octobre. En gris foncé les régions/pays n'ayant pas notifié de cas; en gris clair, les pays non inclus dans la surveillance européenne (source : E-CDC).
Distribution des cas d'infection humaine (à gauche, en rouge) et équine (à droite, en orange) par le virus West Nile en Europe depuis le début 2018, à la date du 5 octobre. En gris foncé les régions/pays n'ayant pas notifié de cas; en gris clair, les pays non inclus dans la surveillance européenne (source : E-CDC).
 

Le virus West Nile (WNV) n'est pas une nouvelle connaissance : il est étroitement surveillé en Europe, à la fois en médecine équine (le cheval constitue une sentinelle fiable du risque pour l'Homme) et en médecine humaine. Même les années exceptionnelles, comme en 2015 (voir LeFil du 8 octobre 2015), il restait confiné au pourtour méditerranéen. Ce cadre a été pulvérisé cet été, et les flambées observées sont inédites par le nombre de sujets atteints, la dispersion géographique des cas (voir l'image principale) et les espèces concernées : cela inclus un chien (en Grèce) et un vétérinaire (en Allemagne).

Premiers cas en Corse

Au 5 octobre, 222 cas équins de WNV ont été recensés, en majorité en Italie (n=120), Hongrie (n=79) et Grèce (n=13), répertorie le Centre européen de surveillance et de contrôle des maladies (E-CDC). Il y a eu 5 cas détectés en France, 2 en Roumanie et un dans chacun des pays suivants : Autriche, Allemagne et Slovénie. Les quatre premiers cas français ont été confirmés « suite à des suspicions cliniques, dans le Gard – sur les communes du Cailar (n=1) et de Saint Laurent d'Aigouze (n=2), et en Haute Corse (n=1) – sur la commune de Lucianna ». Ce cas est le premier identifié sur l'île, et a été annoncé le 10 septembre sur le Réseau d'épidémiosurveillance en pathologie équine (RESPE). « Les animaux de Corse et d'une des deux exploitations du Gard n'avaient pas bougé de leur exploitation au cours du dernier mois (pour le Gard) ou des trois derniers mois (pour la Corse), ils sont donc considérés comme des cas autochtones et soulignent l'existence d'une circulation virale dans leur zone », précise la plateforme d'épidémiosurveillance animale (PESA). Le site du RESPE fait état d'un second cas en Haute-Corse, à Aléria, en date du 3 octobre. Dans les premier cas, l'animal avait été euthanasié du fait des signes cliniques ; dans le second cas, il s'agit d'un diagnostic sérologique.

Aussi l'avifaune…

Le WNV est transmis par les moustiques du genre Culex sp. Son réservoir sauvage est constitué par les oiseaux, dont certaines espèces semblent plus sensibls à l'infection que d'autres, et les moustiques. De fin juin à fin septembre, de nombreux cas de West Nile ont été détectés dans l'avifaune en Europe : 38 en Allemagne (y compris au Nord du Pays, ce qui est une première à cette latitude pour l'Europe), 4 en Grèce, 2 en Croatie, un en Slovénie et un autre en France (une buse – Buteo buteo, dans les Alpes-Maritimes). Ainsi, la PESA signalait fin septembre que « même si les oiseaux sont le plus fréquemment porteurs asymptomatiques, la surveillance des oiseaux trouvés morts a été renforcée, début août, dans le cadre du réseau Sagir. En complément, l'ONCFS a récemment mobilisé les services de voirie et des autoroutes dans les départements des Alpes-Maritimes et du Var afin d'augmenter les chances de collecter des oiseaux morts (corvidés notamment) pour analyse systématique » à la recherche du génome viral. En Allemagne, la première description du WNV a eu lieu cet été et a concerné « une chouette lapone mâle de 3,5 ans (Strix nebulosa) retrouvée morte dans sa volière d'un parc animalier à Halle [au Sud de la Saxe-Anhalt, au Centre-Est du pays] à la mi-août ».

… et un vétérinaire aviaire

Or le 6 octobre, une virologiste de l'Institut de Microbiologie de l'Armée allemande à Munich signalait qu'un vétérinaire d'une clinique aviaire qui avait autopsié une chouette de la même espèce, en Bavière, avait lui aussi contracté l'infection par le WNV (voir le site d'archives de Promed, avec le numéro 20181006.6074497). L'animal avait été trouvé mort dans un parc aviaire dans le même Land. « Trois jours après l'autopsie, le vétérinaire [de 31 ans] a développé un syndrome grippal durant 4 à 5 jours, avec un rash cutané maculopapulaire suivi d'un second épisode fébrile une semaine plus tard ». Le diagnostic sérologique réalisé un mois plus tard a confirmé une forte séroconversion (IgM et IgG) vis-à-vis du WNV (et pas à d'autres arbovirus). Le vétérinaire ne se souvient pas d'avoir eu un contact mucosal, ni de blessure, avec des fluides de l'oiseau.

Plus de 1 300 cas humains

Ce signalement est trop récent pour qu'il fasse partie des 1 317 cas humains enregistrés par l'E-CDC au 5 octobre, qui débordent largement du pourtour méditerranéen pour remonter vers l'Europe centrale (voir l'image principale). Car « le nombre de cas détectés cette année dépasse le total cumulé des 5 années précédentes » signale l'E-CDC (voir le graphique ci-dessous). Le taux de létalité est supérieur à 10 % (142/1317).

Evolution comparée des cas humains d'infection par le virus West Nile sur les 5 dernières années, à mi-septembre. La courbe repart ensuite à hausse, mais n'a pas été actualisée (source : E-CDC).

 

Alerte DGS

Là encore, le pays le plus touché est l'Italie (495 cas dont 36 fatals), devant la Grèce (283 cas, dont 34 fatals), la Roumanie (256 cas, dont 36 fatals) et la Hongrie (197 cas, dont 1 fatal). La France a identifié 16 cas, et ne déplore aucun cas fatal. Trois régions ont été nouvellement infectées début octobre : en Bulgarie, Tchéquie et Serbie. En France, la Direction Générale de la Santé a lancé une alerte le 5 octobre, demandant un « renforcement de la surveillance humaine sur l'ensemble du territoire ». Cette alerte fait part de 22 cas détectés (la différence par rapport à l'E-CDC est probablement liée au délai de déclaration des cas entre les pays et l'Europe), avec « 2 formes asymptomatiques, 16 formes fébriles et 4 formes neuro-invasives », toutes survenues en région PACA : « 19 cas domiciliés dans les Alpes-Maritimes, à Nice (12), Antibes (5), Villeneuve-Loubet (1) et Le Cannet (1), un cas domicilié hors région PACA mais ayant séjourné dans les Alpes-Maritimes, un cas dans le Vaucluse à Caumont-sur-Durance, [et] un cas dans les Bouches-du-Rhône à Marseille ». Si le dernier cas symptomatique détecté remonte à la mi-septembre (14 septembre à Marseille), la DGS souligne que « les conditions climatiques toujours propices à la prolifération et à la survie du moustique dans le Sud de la France appellent au maintien de la vigilance de tous sur le territoire national » — elle est habituellement limitée aux départements du pourtour méditerranéen.