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21 décembre 2020

Télémédecine : « inscrivez-vous ! »

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

Deux sessions étaient proposées pour participer au webinaire du 17 décembre, à 12h30 ou à 20h, pour une durée d'1h30.
Deux sessions étaient proposées pour participer au webinaire du 17 décembre, à 12h30 ou à 20h, pour une durée d'1h30.
 

« Inscrivez-vous à la phase expérimentale » ! C'est sur ce souhait que s'est achevé le webinaire sur la télémédecine, organisé jeudi dernier par le groupe de travail des organismes professionnels vétérinaires. Ce groupe associe l'Ordre des vétérinaires, la DGAL, deux syndicats (SNVEL et SNVECO) et trois associations professionnelles (Afvac, Avef et SNGTV). Deux sessions étaient proposées au choix, sur le temps du déjeuner ou en soirée, dans l'objectif affiché de motiver les praticiens à participer à l'expérimentation de la télémédecine vétérinaire.

Interdite jusqu'à présent, la télémédecine vétérinaire est en effet autorisée depuis quelques mois, mais à titre expérimental afin d'en évaluer l'intérêt, la faisabilité et les limites voire les risques, ainsi que les outils technologiques nécessaires à sa mise en application. L'objectif est de la pérenniser (ou non !) au travers d'un nouveau décret qui en fixe définitivement le cadre.

Encore 6 mois pour tester

Le recours à la télémédecine aurait été bien utile en période de confinement. Et nombre de praticiens l'ont d'ailleurs fait, partiellement au moins, pour limiter les contacts. La situation a accéléré le projet d'accepter cette télémédecine vétérinaire en France, aboutissant à une autorisation temporaire – pendant 18 mois – afin que les vétérinaires, mais aussi les propriétaires ou éleveurs, la testent et partagent leur avis sur son utilisation. Car la télémédecine est vue comme une opportunité pour certains (d'apporter un service correspondant à un besoin) mais une menace pour d'autres (un service inadapté et avec un risque de dérives, de la part d'opérateurs développant des plateformes ne proposant finalement que des consultations à distance, par exemple).

L'expérimentation a débuté le 7 mai 2020. Avant son issue (le 7 novembre 2021), le groupe de travail en remettra un rapport au Conseil d'État, destiné à ajuster les dispositions actuelles aux réalités de l'usage de terrain. Ce calendrier nécessite alors de commencer la rédaction du rapport dès l'été prochain, a-t-il été expliqué lors du webinaire… Ce qui ne laisse finalement plus qu'environ 6 mois d'expérimentation. Et à ce jour, seuls 350 DPE (soit environ 930 praticiens) se sont inscrits, n'ayant rapporté qu'un faible nombre d'actes de télémédecine (quelques centaines) et peu de retours clients (invités eux-aussi à évaluer leur satisfaction du service). C'est insuffisant pour espérer une analyse représentative.

Des retours d'expérience formalisés

Le webinaire a été l'occasion de rappeler les modalités pratiques du dispositif actuel, qui commence donc par la déclaration d'activité en médecine vétérinaire auprès du Conseil régional de l'Ordre (un formulaire en ligne est disponible sur le site de l'Ordre, rubrique espace personnel).

Le cadre de la télémédecine a également été rappelé. Pour les téléconsultations (car la télémédecine comprend aussi la télésurveillance, la téléexpertise, la téléassistance et la télérégulation), celles-ci ne sont possibles que dans le cadre d'un contrat de soins (pour un animal vu en consultation dans les 12 mois précédents, pour un élevage en suivi sanitaire permanent). Hors de question, donc, de commencer la relation client par une consultation à distance. L'échange aboutit à un diagnostic et, le cas échéant, une prescription, dont les antibiotiques critiques sont exclus puisque nécessitant la réalisation d'un antibiogramme.

Durant la phase expérimentale, mais pas ensuite dans le dispositif pérenne, chaque acte de télémédecine doit faire l'objet d'un retour systématique : un formulaire disponible en ligne (ou un tableur à compléter et renvoyer) permet de récolter des données sur son objet et sa réalisation (date, espèce, motif de consultation, qualité de la connexion, etc.).

Selon les organisateurs, mais aussi les témoignages de confrères et consœurs déjà testeurs, ce formulaire est pratique et facile à compléter. Il ne prend « que quelques minutes ».

La couleur mais pas l'odeur

Car le webinaire proposait à des praticiens d'activité variée (équine, animaux de compagnie et animaux de rente) de présenter l'usage qu'ils font personnellement de la télémédecine. Il ressort que celle-ci est particulièrement adaptée pour du suivi, post-chirurgical ou nutritionnel, par exemple. Pour les troubles du comportement, il apparaît aussi intéressant d'évaluer l'animal dans son environnement de vie.

L'acte a néanmoins ses limites. Ainsi, une consœur rapporte le cas d'une lésion dermatologique pour laquelle le traitement prescrit semblait efficace, selon les images vidéo et la description du propriétaire, alors que l'examen ultérieur de l'animal revenu à la clinique a révélé une évolution « catastrophique ». L'odeur des lésions, leur brillance, n'avaient pas pu être évaluées à distance…

Contractualiser et facturer

D'une manière générale, les expérimentateurs ont constaté, parfois avec surprise, l'attente des clients d'un tel service à distance (pour sa praticité, le gain de temps qu'il apporte), et l'absence de frein à ce qu'il soit rémunéré. La facturation de la consultation ou de la chirurgie initiale peut ainsi comprendre un forfait de suivi à distance, bien accepté par le propriétaire. Un service auparavant « gratuit » (le conseil par téléphone) gagne ainsi à être contractualisé et valorisé financièrement.

Tous rapportent aussi les avantages de travailler avec une plateforme dédiée (et non les réseaux sociaux ou des outils en libre accès comme WhatsApp, Skype ou Zoom), qui représente un coût mais qui facilite le paiement et sécurise les échanges. L'enregistrement et la sauvegarde de ces derniers peut aussi trouver son utilité en cas de litige ultérieur, la responsabilité du vétérinaire étant engagée de la même façon en cas de consultation ou de téléconsultation. Ces outils évitent aussi de travailler avec son propre téléphone, permettant ainsi de préserver son organisation personnelle.

Pas d'ordonnance numérique

Parmi les questions posées se trouve celle de la prescription. Une téléconsultation peut effectivement aboutir à un diagnostic et une prescription. Trois solutions sont alors possibles :

  • Préparer l'ordonnance que le propriétaire ou l'éleveur passera prendre à la clinique, avec (ou non) les médicaments prescrits,
  • L'envoyer par courrier,
  • Ou expédier les médicaments par colisage, l'ordonnance étant ajoutée au colis.

Selon la DGAL, l'envoi de l'ordonnance par voie électronique n'est pas possible à ce jour. En d'autres termes, il n'est pas autorisé de transmettre l'ordonnance sous format pdf par messagerie (même signée puis scannée), la personne pouvant en effet l'imprimer plusieurs fois et se faire délivrer autant de fois les médicaments prescrits.

De même, les examens aboutissant à une certification vétérinaire ne doivent pas se dérouler à distance, les circonstances de leur réalisation augmentant le risque de « cacher » ou de « ne pas voir » certaines choses.

Partager les difficultés

Les intervenants insistent sur la « chance » que représente cette phase expérimentale, qu'il ne faut pas voir comme une contrainte, mais comme l'opportunité de construire un dispositif valide, et pour cela de l'importance de rendre compte des difficultés rencontrées : par exemple de ne pas pouvoir effectuer d'emblée une téléconsultation de référé, ou d'être limité par la mauvaise qualité de la connexion. La faiblesse du réseau Internet est une gêne dans certains territoires, notamment les déserts ruraux où la télémédecine est justement censée représenter une solution pour améliorer le maillage territorial. Le décret actuel évoque une « qualité de son et d'image » qui semble écarter la possibilité de téléconsulter par téléphone… Mais son texte a pour vocation d'évoluer, à l'issue de l'expérimentation.