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12 mai 2020
La téléconsultation des animaux de compagnie est autorisée en phase expérimentale sous réserve de s'être inscrit pour participer
« La date du 6 mai 2020 ne manquera probablement pas de faire partie de l'histoire de l'évolution de notre profession ! », a entamé Didier Fontaine, secrétaire général de l'Afvac, en introduction de la webconférence organisée par l'association le lendemain, jeudi 7 mai, au sujet de la télémédecine vétérinaire. Cette date est en effet celle de la publication au Journal officiel du décret autorisant son expérimentation en France : voir LeFil du 7 mai 2020, qui en présente les dispositions réglementaires.
Car il s'agit bien d'une période transitoire de 18 mois afin d'évaluer son intérêt et sa mise en œuvre pratique avant, sauf échec, de la pérenniser (sous une forme aménagée, le cas échéant, selon les résultats observés). Et cela explique aussi une autorisation semblant étonnamment tardive par rapport à l'instauration du confinement en France le 17 mars. En effet, les dispositions du décret ne sont pas directement liées à la crise sanitaire actuelle – même si cette crise en a accéléré la signature. La mise en place de la télémédecine vétérinaire en France était déjà un projet à l'étude, depuis plusieurs années (des propositions de textes réglementaires datent de fin 2018). « La crise du covid-19 aura eu le bénéfice de le faire aboutir ! ».
La téléconsultation vétérinaire est donc autorisée en France depuis quelques jours. C'est sans doute celui des 5 actes de télémédecine (avec la télésurveillance, la téléexpertise, la téléassistance et la régulation des urgences) qui était le plus attendu par les vétérinaires.
Attendu au moins par une partie d'entre eux. Car d'après une récente enquête de l'institut Imago (avril 2020), seulement 46 % des praticiens libéraux français, et 41 % de ceux d'activité animaux de compagnie, s'y déclarent favorables, à l'image de ce qui se fait en santé humaine (la téléconsultation est remboursée par l'assurance maladie depuis septembre 2018).
Ce clivage entre les vétérinaires qui accueillent la téléconsultation comme un progrès et ceux qui s'y opposent ou en redoutent les conséquences a été identifié par les représentants de la profession. La webconférence Afvac a été l'occasion d'effectuer un sondage en direct auprès des 340 participants pour évaluer la place des avantages et inconvénients perçus.
La téléconsultation permet en outre d'observer l'animal dans son milieu de vie, ce qui peut être intéressant lors de troubles du comportement.
Selon l'Académie vétérinaire, la télémédecine vétérinaire est une forme de pratique médicale vétérinaire à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication.
Contrairement à la téléexpertise (déjà pratiquée par les vétérinaires en France), qui peut se dérouler de manière synchrone ou asynchrone, la téléconsultation est une consultation à distance en temps réel. « En temps réel » est une composante sur laquelle insistent les intervenants du webinaire, Annick Valentin-Smith (du think-tank Vet IN Tech) et Pascal Fanuel du Conseil supérieur de l'Ordre. Cela exclut en effet un dispositif qui se baserait par exemple sur l'analyse a posteriori de photos envoyées par le propriétaire par e-mail ou par SMS. La téléconsultation impose un échange en live avec la personne et son animal.
Le texte du décret ne précise pas les outils technologiques à utiliser pour téléconsulter. Mais ceux-ci « disposent d'une qualité de son et d'image adaptée aux types d'actes de télémédecine pratiqués, permettant notamment, pour les téléconsultations, un échange entre le client et le vétérinaire de telle sorte que ce dernier puisse en tirer les informations utiles à la qualité de la consultation ». De l'avis d'Annick Valentin-Smith, seule la vidéo répond à ces exigences de qualité. L'un des objectifs de l'expérimentation qui débute est toutefois d'évaluer les outils technologiques nécessaires.
L'Ordre des vétérinaires a édité un « vade-mecum de télémédecine », ainsi que des fiches pratiques téléchargeables sur son site. Il y précise ainsi que « en général, les moyens utilisés mettent en œuvre l'image et le son » (sans mentionner spécifiquement la vidéo).
Par ailleurs, la présence de l'animal apparaît aussi indispensable, comme pour une consultation classique…
La conférence a également été l'occasion de signaler que l'objectif d'une téléconsultation n'est pas différent de celui d'une consultation classique en présentiel. Notamment, une téléconsultation n'a pas nécessairement pour but de poser un diagnostic ; elle peut s'inscrire, par exemple, dans le cadre de la médecine préventive.
En revanche, elle ne doit pas compromettre le pronostic médical et entraîner une perte de chance pour l'animal. Il est ainsi de la responsabilité du vétérinaire de juger si la téléconsultation est adaptée au cas. Ce n'est pas un choix du propriétaire (qu'il aurait à assumer). Inversement toutefois, un propriétaire à qui le vétérinaire propose une téléconsultation est libre de préférer se déplacer à la clinique ou au cabinet.
Pour garantir leur couverture en cas de problème, l'Ordre des vétérinaires incite d'ailleurs fortement les praticiens à avertir leur assureur en responsabilité civile. À cette fin, il propose de transmettre l'attestation reçue par les vétérinaires qui déclarent pratiquer des téléconsultations.
En effet, toute structure vétérinaire qui souhaite pratiquer la télémédecine, notamment la téléconsultation, doit au préalable désigner un praticien référent, puis s'inscrire auprès de son Conseil régional de l'Ordre (un formulaire à compléter est disponible en ligne). Une attestation de participation est envoyée en retour. L'expérimentation prévoit en effet le recueil d'informations issues du terrain sur la mise en œuvre pratique du dispositif. Ce retour d'expérience fera l'objet d'un rapport, rédigé par l'Ordre avec la contribution des différentes organisations professionnelles, et transmis aux autorités de tutelle afin de définir le cadre du dispositif définitif. Pascal Fanuel insiste sur ce point : la pérennité du dispositif dépendra de la qualité de cette phase d'expérimentation, et donc de l'engagement des vétérinaires.
La déclaration est à effectuer à l'échelle du DPE (domicile professionnel d'exercice), et non à celle de la société (une chaîne de clinique par exemple)
Les seuls propriétaires à qui une téléconsultation peut être proposée sont ceux dont l'animal a été vu en consultation (classique) dans les 12 mois précédents, quel qu'en soit le motif (en d'autres termes les clients de la structure). L'existence de cette consultation suffit à justifier qu'un contrat de soins est établi.
Cette disposition interdit ainsi de proposer une téléconsultation en première intention sur un cas référé. Elle s'y oppose de la même manière dans le cadre d'un tour de garde : une éventuelle problématique à remonter dans le retour d'expérience !
La mesure empêche aussi le détournement de clientèle, exprimée comme un danger potentiel de la télémédecine, et rend illégaux les « téléconseils personnalisés » proposées par certaines plateformes en ligne et qui s'apparentent à des téléconsultations selon la définition qu'en donne le décret.
Des conseils sur la mise en place en pratique d'un service de téléconsultation ont été donnés par Annick Valentin-Smith. Ils sont également développés dans le « Livre blanc » sur la télémédecine vétérinaire publié le 11 mai par Vet IN Tech et disponible en téléchargement libre.
La préparation du service demande notamment :
En termes de tarification, il est conseillé d'appliquer à la téléconsultation le prix habituel d'une consultation en présentiel. En effet, la durée et la qualité sont les mêmes. Et le service apporte un gain de temps et l'économie du déplacement au propriétaire, et moins de stress à l'animal. La téléconsultation dans le cadre d'un suivi post-chirurgical peut évidemment être offerte, comme elle le serait en face à face.
Certaines fonctions, comme l'archivage, la prise de photos durant un enregistrement vidéo, la potentielle interopérabilité avec le logiciel métier, mais aussi les aspects relatifs à la sécurité et la confidentialité, la nature du service après-vente, et le coût bien sûr, figurent parmi les éléments à considérer dans le choix de l'outil et son fournisseur. Une présentation des solutions vétérinaires existantes à ce jour est proposée dans le Livre blanc de Vet IN Tech.
Pour se « roder », il est également proposé de débuter par de « bons » cas (un propriétaire sympathique, demandeur et à l'aise avec les nouvelles technologies, un animal docile, un cas simple et court comme un suivi ou l'annonce des résultats d'examens de laboratoire sans anomalie majeure), en organisant les premières téléconsultations à des créneaux horaires calmes et sans les enchaîner pour prendre le temps de compléter la fiche de l'animal, d'éditer l'éventuelle prescription, etc.
De son côté, le propriétaire disposera d'un smartphone (ou d'une tablette) dont la batterie est suffisamment chargée et de tous les documents nécessaires à portée de main. Dans l'idéal, il est accompagné d'une tierce personne qui tient l'animal (ou le téléphone). Il sera prêt quelques minutes avant l'heure du rendez-vous. Si l'échange est enregistré, l'accord du propriétaire est évidemment indispensable.
La France n'est pas le seul pays où la crise sanitaire du covid-19 a précipité la mise en œuvre des téléconsultations vétérinaires. Jusqu'à présent, celles-ci étaient surtout pratiquées dans les pays anglo-saxons : Canada, USA (où 40 % des vétérinaires en proposent, mais où la réglementation varie selon les États), Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande… La pandémie y a favorisé leur recours.
D'autres pays, comme en Europe l'Espagne, l'Italie ou la Suisse, les ont autorisées au moins temporairement, en urgence pour pallier les difficultés liés au confinement (voir cartes en illustration principale). L'avenir dira si cette pratique est amenée à s'installer durablement.
En France, le confinement a également entraîné un fort développement des téléconsultations en médecine humaine. Depuis leur prise en charge par l'assurance maladie en septembre 2018, leur déploiement était bien inférieur à celui attendu, s'établissant timidement à environ 10 000 consultations par mois au bout d'un an (loin des 500 000 projetés). En avril 2020, leur nombre est passé à 1 million par semaine (réalisées à 80 % par des généralistes)… Selon Annick Valentin-Smith, une étape a été franchie, et la téléconsultation va rester dans les habitudes. Les trois quarts des médecins libéraux utilisateurs ont l'intention de poursuivre. Et 8 patients sur 10 également, appréciant d'obtenir un rendez-vous plus rapidement, et de pouvoir consulter d'où ils sont sans se déplacer.
Néanmoins, 25 % des médecins ne souhaitent donc pas continuer à téléconsulter. Le motif principal est d'ordre relationnel : la perte du contact humain avec le patient.
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