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7 mai 2020

La téléconsultation est autorisée pour 18 mois, pour un animal déjà client vu en face-face depuis moins d'un an

par Eric Vandaële

Temps de lecture  13 min

Le smartphone indispensable à la télémédecine
La téléconsultation est réservée à ses seuls clients dont l'animal a déjà été vu depuis moins d'un an dans la clinique vétérinaire. Les nouveaux clients ne sont pas admis, tout comme des centres d'appels de vétérinaires qui se contenteraient de répondre au téléphone sans avoir vu en face-à-face les clients et leurs animaux. Photo LinkyVet.
Le smartphone indispensable à la télémédecine
La téléconsultation est réservée à ses seuls clients dont l'animal a déjà été vu depuis moins d'un an dans la clinique vétérinaire. Les nouveaux clients ne sont pas admis, tout comme des centres d'appels de vétérinaires qui se contenteraient de répondre au téléphone sans avoir vu en face-à-face les clients et leurs animaux. Photo LinkyVet.
 

L'Ordre des vétérinaires avait réclamé en urgence un décret autorisant la télémédecine depuis le début de la période de confinement « covid-19 ». Le ministre de l'agriculture, Didier Guillaume, l'avait promis aux vétérinaires au plus tard pour la fin avril. C'est finalement, le mercredi 6 mai que ce décret a été publié au Journal officiel pour une entrée en application le jeudi 7 mai, quatre jours avant le début du déconfinement le 11 mai. Il n'en sera pas moins utile et appliqué durant 18 mois avant d'être probablement pérennisé.

Un dispositif qui ne sera pas abrogé par la fin de l'état d'urgence

Pour des raisons juridiques, ce décret n'est pas formellement motivé par la crise sanitaire covid-19. De fait, il ne sera donc pas non plus abrogé à la fin de la période d'état d'urgence ou dans les mois qui suivront comme c'est le cas pour la plupart des mesures provisoires prises dans le cadre de l'état d'urgence.

Après le passage au Conseil d'État, l'expérimentation, prévue initialement sur une durée de 6 mois, a d'ailleurs été allongée à 18 mois avec un rapport de retour d'expérience rendue quatre mois avant la fin de la durée d'expérimentation, soit aux alentours du 7 juillet. Ce délai de quatre mois devrait permettre de prendre un nouveau texte pour inscrire définitivement ce dispositif dans le code rural.

Cette expérimentation de 18 mois a pour but d'évaluer l'intérêt de la télémédecine pour :

  • Améliorer le maillage territorial,
  • Renforcer les liens entre les détenteurs d'animaux et les vétérinaires,
  • Évaluer les difficultés et les risques de la télémédecine,
  • Prévoir les outils technologiques nécessaires,
  • Et, au final, définir une réglementation pérenne.

Réaliser à distance des actes de médecine vétérinaire

La télémédecine permet de réaliser, « à distance, au moyen d'un dispositif utilisant les technologies de l'information et de la communication, des actes de médecine et de chirurgie vétérinaire tels qu'ils sont définis à l'article L. 243-1 du code rural » (voir ce lien). Les définitions sont importantes.

Un « acte de médecine des animaux » a pour objet :

  • De déterminer l'état physiologique d'un animal ou d'un groupe d'animaux ou son état de santé,
  • De diagnostiquer une maladie, y compris comportementale, une blessure, une douleur, une malformation,
  • De les prévenir ou les traiter,
  • De prescrire des médicaments,
  • Ou de les administrer par voie parentérale.

Un « acte de chirurgie des animaux » est un acte qui affecte l'intégrité physique de l'animal dans un but thérapeutique ou zootechnique. Il apparaît évident que le vétérinaire ne peut pas effectuer à distance un acte de chirurgie. Néanmoins, à travers les définitions données à la téléassistance, qui entre dans ce cadre de la télémédecine, un vétérinaire plus compétent sur une chirurgie pourrait « à distance » concourir à la réalisation de certains actes de chirurgie réalisés par un autre vétérinaire moins expérimenté que lui.

Du suivi par téléphone à la téléconsultation par vidéo

Les actes de télémédecine sont réalisés à distance en utilisant les « technologies de l'information et de la communication ». Selon les définitions de cette locution donnée par le dictionnaire Larousse ou par Wikipedia, le champ est large et non restreint à l'emploi d'internet ni aux « nouvelles technologies de l'information ». Toutes les communications dites « électroniques », y compris les appels téléphoniques sans transmission d'images, entrent donc dans ce cadre. En revanche, une expertise sur des documents, des images ou des radiographies envoyés par simple courrier postal (et non par mail) ne rentre pas dans ce cadre, car elle n'utilise pas les « technologies de l'information et de la communication ».

Entre le 7 mai 2020 et le 7 novembre 2021, tous les actes vétérinaires réalisés en utilisant les « technologies de l'information et de la communication » entrent dans le cadre de l'expérimentation encadrée par ce décret. Cela inclut aussi certains actes qui pouvaient être déjà réalisés à distance de longue date, comme ceux relevant de la téléexpertise ou de la régulation médicale des urgences. Les vétérinaires qui les réalisent doivent désormais se déclarer au conseil régional de l'Ordre.

Cinq actes de télémédecine vétérinaire en miroir de l'humaine

Le décret définit cinq actes de télémédecine en miroir des cinq actes de télémédecine humaine (décrits aux articles L. et R. 6316-1 du code de la santé publique, voir ce lien)

1. La téléconsultation pour un animal déjà vu depuis moins d'un an

La téléconsultation permet à un vétérinaire de donner « une consultation à distance en temps réel » mais à un seul animal qu'il a déjà vu en « face-à-face » depuis moins d'un an. En d'autres termes, la téléconsultation n'est ouverte que pour ses clients et non pour attirer de nouveaux clients. L'animal peut avoir été vu depuis moins par un vétérinaire exerçant dans la même clinique que le praticien qui réalise la téléconsultation.

Pour les productions animales, la téléconsultation est aussi possible pour un élevage dont le vétérinaire assure déjà le suivi sanitaire permanent (BSE, protocole de soins, visite de suivi et actes réguliers). Dans ce cas, la dernière visite dans l'élevage doit dater de moins de six mois. Mais, par dérogation, le Conseil régional de l'Ordre peut porter ce délai à douze mois pour un vétérinaire si une telle prolongation apparaît justifiée.

2. La télésurveillance pour interpréter des données de suivi à distance

La télésurveillance permet à un vétérinaire d'interpréter à distance des données nécessaires au suivi médical d'un animal ou au suivi sanitaire d'une population animale. L'enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le propriétaire ou l'éleveur ou tout organisme qu'il a autorisé à cette fin.

3. La téléexpertise pour faire appel à un vétérinaire expert

La téléexpertise permet à un vétérinaire de solliciter à distance l'avis d'un ou plusieurs autres vétérinaires en raison de leur formation ou de leurs compétences. Cela n'est pas vraiment nouveau. Mais, cela est désormais bien encadré par ce décret.

Si le vétérinaire expert sollicité n'exerce pas en France, il doit s'agir d'un vétérinaire habilité à exercer dans l'état où il est domicilié pour cette téléexpertise.

4. La téléassistance pour assister un confrère

La téléassistance permet à un vétérinaire expérimenté d'assister à distance, au cours de la réalisation d'un acte — par exemple une chirurgie —, un autre vétérinaire moins expérimenté qui sollicite cette assistance.

Cette téléassistance peut aussi s'exercer auprès de personnes non-vétérinaires autorisées à pratiquer certains actes vétérinaires comme les élèves des écoles vétérinaires (dans le cadre de leur enseignement), les maréchaux-ferrants des équidés (et les pareurs bovins), les techniciens dentaires [équins] (anciennement les « dentistes équins »), les « ostéopathes des animaux » et certains techniciens aviaires ou porcins par exemple pour « des examens lésionnels descriptifs externes et internes des cadavres », etc.

5. La régulation des urgences déjà pratiquée de longue date par téléphone

La régulation médicale vétérinaire permet de fournir, dans une situation présumée d'urgence par le demandeur de soins, une conduite à tenir au vu des commémoratifs recueillis souvent par téléphone. Cette régulation est évidemment pratiquée de longue date pour la gestion des urgences vétérinaires, sans doute depuis le développement du téléphone dans les années 1960.

Indispensable : se déclarer auprès du conseil régional de l'ordre

Le vétérinaire qui souhaite participer à cette expérimentation de télémédecine doit « adresser à son conseil régional de l'ordre » une déclaration en ce sens en précisant les catégories d'actes vétérinaires qu'il entend pratiquer. Cette déclaration est accompagnée d'une « attestation indiquant que les outils utilisés disposent d'une qualité de son et d'image adaptée aux types d'actes de télémédecine pratiqués, notamment pour les téléconsultations ».

Un formulaire est prévu par l'Ordre des vétérinaires pour faciliter cette déclaration. Une attestation sera envoyée en retour au vétérinaire déclarant. Cette attestation pourra utilement être transmise à son assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP). Le vétérinaire pourra ainsi vérifier que son assurance accepte de couvrir les dommages qui seraient causés en lien avec des actes de télémédecine.

Le vétérinaire s'engage alors à répondre aux sollicitations de l'Ordre pour faire part de ses retours d'expériences dans la cadre du bilan de cette expérimentation. La liste des vétérinaires ayant fait cette déclaration sera publiée et mise à jour sur le site internet du conseil régional de l'ordre des vétérinaires.

La télémédecine : de la seule responsabilité du vétérinaire,

« La télémédecine relève de la seule responsabilité du vétérinaire, qui doit s'assurer que l'acte de télémédecine ne compromet pas le pronostic médical de l'animal. » Les vétérinaires ne sont donc pas dans l'obligation d'accepter une téléconsultation s'ils estiment que le cas relève d'une consultation en « face-à-face » et d'un examen clinique rapproché et non « à distance ».

Dans le respect du code de déontologie, les vétérinaires peuvent communiquer sur le fait qu'ils acceptent de réaliser des actes de télémédecine. Cette communication « doit être loyale, honnête et scientifiquement étayée. Elle ne doit pas induire le public en erreur, abuser sa confiance ou exploiter sa crédulité, son manque d'expérience ou de connaissances. Quand le vétérinaire fait état d'aptitudes professionnelles ou de capacités techniques, il doit être en mesure de les justifier. Il ne peut utiliser de procédés comparatifs ou utiliser le témoignage de tiers. L'information relative au prix doit être claire, honnête et datée ; elle doit être liée à une offre de services précise et comporter l'ensemble des prestations incluses dans l'offre. Toute offre de services risquant d'entraîner un surcoût pour le client doit donner lieu à une information précise » (art. R. 242-35, voir ce lien).

Le passage par une plateforme n'est pas obligatoire

Plusieurs plateformes proposent aux vétérinaires des services de télémédecine qui se sont beaucoup développés avec la période de confinement. Il s'agit notamment des plateformes suivantes (liste non exhaustive) :

Le passage par une telle plateforme n'est pas obligatoire. Les outils communs habituels de transmission de bonne qualité du son et des images peuvent aussi être utilisés sans qu'il soit nécessaire de passer par une plateforme. Néanmoins, si le vétérinaire utilise une plateforme pour le paiement des honoraires, « il lui appartient de s'assurer que celle-ci respecte la sécurité des données personnelles et bancaires du client ».

La téléconsultation permet de prescrire des médicaments

Ce décret ne modifie aucune disposition sur la prescription et la délivrance des médicaments.

Le vétérinaire peut prescrire des médicaments après la téléconsultation de l'animal (ou, sans changement, dans le cadre du suivi sanitaire permanent d'un élevage en BSE).

  • Selon l'article R. 5141-111 de code de la santé publique, l'ordonnance est rédigée « après un diagnostic » sans aucune autre précision. En particulier, aucun délai entre la date d'établissement du diagnostic et la date de l'ordonnance n'est précisé. La date de l'ordonnance n'est nécessairement confondue avec la date du diagnostic, mais toujours postérieure.
  • Selon le code de déontologie (art. R. 242-43 du code rural), « le vétérinaire établit un diagnostic à la suite de la consultation comportant notamment l'examen clinique du ou des animaux ». Là aussi, la date du diagnostic n'est pas nécessairement la date de la consultation.
  • « Dans tous les cas, il est interdit au vétérinaire d'établir un diagnostic vétérinaire sans avoir au préalable procédé au rassemblement des commémoratifs nécessaires et sans avoir procédé aux examens indispensables ».

La téléconsultation est donc un acte vétérinaire qui permet, le cas échéant, d'établir un diagnostic puis de prescrire les médicaments. Le décret précise que la prescription des antibiotiques critiques n'est pas possible après un acte de télémédecine, mais nécessite une consultation en « face-à-face » (et un antibiogramme !).

La téléconsultation permet aussi de (dé)livrer des médicaments

Pour la délivrance, le vétérinaire ne tient pas officine ouverte. Il ne peut pas donc délivrer des médicaments qu'ils soient ou non soumis à une ordonnance obligatoire sans lien avec des « soins » : un examen clinique ou toute autre intervention médicale ou chirurgicale du vétérinaire.

La téléconsultation constitue un acte de médecine donc de soins vétérinaires. Elle permet la délivrance des médicaments nécessaires qu'ils soient ou non soumis à prescription obligatoire, qu'il s'agisse ainsi de vermifuges sans ordonnance ou d'AINS avec ordonnance…

  • La délivrance peut alors se faire au cabinet ou à la clinique du vétérinaire qui a réalisé la téléconsultation. Si elle est nécessaire, l'ordonnance sera alors remise avec les médicaments correspondants.
  • L'article R. 5141-112 du code de la santé publique permet aussi au vétérinaire de faire du colisage, c'est-à-dire un envoi des médicaments par la poste ou par un autre service de livraison, dans un délai maximal de 10 jours entre la date des soins — ici la date de la téléconsultation — et la date d'envoi. Les médicaments sont alors envoyés avec l'ordonnance dans une enveloppe ou un paquet scellé et opaque. Sur l'ordonnance il est ajouté la mention : « médicaments remis par la Poste [ou une autre entreprise de messagerie] ».
  • L'ordonnance peut aussi être envoyée au client sans les médicaments en vue d'une délivrance dans la pharmacie de son choix.

Avec la parution de ce décret, l'Afvac organise ce soir, entre 20 heures et 21 heures 30 une formation on line sur la télémédecine (voir ce lien).