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Elanco & Proplan

30 mars 2015

La métaphylaxie détrône la « prévention en milieu infecté »

 

par Eric Vandaële

L’Agence européenne du médicament (EMA) recommande de remplacer le terme de « prévention » par « métaphylaxie » dans les notices des antibiotiques vétérinaires. Photo de l’EMA à Londres dans le nouveau quartier de Canary Wharf.

L’Agence européenne du médicament (humain et vétérinaire) reconnaît deux usages possibles pour les antibiotiques vétérinaires : le « traitement », implicitement curatif, et la « métaphylaxie » destiné à remplacer le terme de « prévention » dans les notices.

 
L’Agence européenne du médicament (EMA) recommande de remplacer le terme de « prévention » par « métaphylaxie » dans les notices des antibiotiques vétérinaires. Photo de l’EMA à Londres dans le nouveau quartier de Canary Wharf.
 

Les médecins, croyait-on, ne comprendraient jamais la notion de « métaphylaxie », entre le traitement préventif en présence d’un facteur de risque et le traitement curatif. On se trompait. Car l’Agence européenne du médicament (humain et vétérinaire) vient, non seulement reconnaître le terme de « métaphylaxie », mais de recommander qu’il remplace celui de « prévention » dans les RCP (résumés officiels des caractéristiques du produit) des antibiotiques autorisés.

Les définitions 2015

Cette Agence reconnaît deux usages pour les antibiotiques vétérinaires : le « traitement », implicitement curatif, et la « métaphylaxie » destiné à remplacer le terme de « prévention ».

Les définitions européennes de 2015 sont donc les suivantes.

  1. « Traitement » : « traitement des animaux montrant des signes cliniques de la maladie infectieuse ». Il s’agit donc bien uniquement du traitement curatif et non préventif.
  2. « Métaphylaxie » (anciennement « prévention ») : « administration simultanée de l’antibiotique aux animaux sains présumés infectés car au contact des malades pour prévenir le développement des signes cliniques et la diffusion de la maladie. La présence de la maladie dans le groupe doit être établie avant cette administration ».

Dans les RCP, il est souvent utilisé la locution « traitement et prévention… ». À moyen ou long terme, cette locution devrait donc être remplacée « traitement et métaphylaxie… » selon l’empressement des autorités à ouvrir les procédures de modification des AMM dans ce sens.

La « prévention », mal comprise et mal traduite en Europe

Dès 2011, l’Agence européenne souligne que la « prévention » avec un antibiotique ne doit pas être comprise comme « un usage préventif en routine sur des animaux sains ».

C’est que les RCP des antibiotiques en production animales font souvent état dans leurs indications de « prévention » ou de « traitement préventif » contre les infections.

À l’évidence ce terme de « prévention » est compris différemment selon les pays, les cultures et les traductions dans les différentes langues de l’Union européenne.

Et l’Agence européenne est ennuyée que l’on puisse comprendre de la même manière la « prévention » des animaux sains par des vaccins ou par des antibiotiques.

En France, la « prévention en milieu infecté »

Les autorités françaises ont de longue date adopté le terme de « prévention en milieu infecté » dans les notices.

  • Il inclut le traitement « préventif » des animaux sains au contact de ceux malades, appelé depuis longtemps « métaphylaxie » par les anglo-saxons.
  • Mais, dans les filières hors-sol, il désigne aussi les élevages présumés infectés du fait de l’isolement par le passé, dans une bande précédente, d’un germe pathogène dont on va chercher à prévenir l’infection clinique dans les bandes suivantes.

L’antibioprophylaxie non chirurgicale

Fin 2011, l’Agence nationale du médicament vétérinaire a aussi donné ses définitions de l’antibioprophylaxie et de la métaphylaxie.

  1. « Antibioprophylaxie. Traitement préventif systématique à un âge donné ou dès l’arrivée des animaux dans l’élevage en l’absence d’expression clinique de la maladie ». À l’évidence, l’antibioprophylaxie chirurgicale n’est pas incluse dans cette définition.
  2. « Métaphylaxie. Traitement précoce associant un traitement curatif d’animaux atteints (malades ou en incubation) et une antibioprévention des animaux exposés » (d’où, probablement, les indications de « prévention en milieu infecté » dans les RCP).

Dans le rapport de 2014 de l’Anses sur les pratiques à risque, la métaphylaxie est aussi présentée comme « une combinaison de traitements qui, à l’échelle individuelle, sont,

  • Soit des traitements curatifs « classiques » d’animaux malades,
  • Soit des traitements curatifs précoces d’animaux en incubation, 
  • Soit des traitements préventifs d’animaux encore sains mais au contact des malades ».

« Au contact des malades »

La définition française de la métaphylaxie est donc un peu différente de celle de l’Agence européenne de 2015. Mais, elle recouvre au final les mêmes animaux sains ou apparemment sains « au contact des malades ».

La métaphylaxie ne semble donc pas correspondre à la prévention d’animaux sains dans un élevage présumé infecté du fait de la présence d’animaux malades dans l'une des bandes précédentes. Elle n’inclut que le traitement d’animaux sains présumés infectés car « au contact des malades », et non ceux présumés infectés parce qu’hébergés dans un bâtiment, qui, par le passé, a abrité des animaux malades dans des lots précédents.

Un risque plus élevé

Pour l’Anses, la métaphylaxie reste un traitement collectif et donc une pratique à risque « intermédiaire » : un risque plus élevé que le traitement curatif individuel en termes de sélection de résistance.

L’Agence française recommande donc de mieux l’encadrer par des indicateurs précis, comme le nombre ou le taux d’animaux malades qui justifie de traiter tout un lot, plutôt que les seuls animaux malades.

Dans le même rapport, l’antibioprévention est une pratique à risque « élevé » qu’il convient d’abandonner. Chez les animaux de compagnie, l’antibioprophylaxie chirurgicale est aussi une pratique qui devrait, selon l’Anses, être abandonnée.

Le bénéfice à démontrer

Du côté des essais cliniques, l’Agence européenne devrait aussi être particulièrement exigeante avant  d’accepter l’indication « métaphylaxie » pour les nouveaux antibiotiques. Ces derniers devraient prouver que la métaphylaxie présente bien un bénéfice par rapport au traitement curatif au cas par cas des seuls malades. Tout un challenge !