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Elanco & Proplan

29 septembre 2025

Sonde d'alimentation chez des animaux hospitalisés : les facteurs qui retardent la pose

par Pascale Pibot

Temps de lecture  5 min

Une consommation spontanée insuffisante pour couvrir le besoin énergétique au repos justifie la mise en place d'une alimentation entérale par sonde, chez les chiens comme chez les chats (image Pixabay).
Une consommation spontanée insuffisante pour couvrir le besoin énergétique au repos justifie la mise en place d'une alimentation entérale par sonde, chez les chiens comme chez les chats (image Pixabay).
 

Les effets délétères de la malnutrition chez les chiens et les chats hospitalisés anorexiques sont largement documentés : atrophie de la muqueuse intestinale, perte de masse maigre, carences en vitamines et en minéraux, diminution de l'hématocrite, etc. Inversement, la mise en place précoce d'une nutrition entérale peut accélérer la convalescence et améliorer le pronostic dans de nombreux cas.

Une étude sur 295 cas

En vue d'évaluer les facteurs associés au moment du placement de la sonde d'alimentation, des chercheurs américains ont analysé les dossiers médicaux de 89 chats et 206 chiens hospitalisés dans un centre de soins intensifs (Kansas State University Veterinary Health Center), soit 295 animaux au total. Une hyporexie avait été signalée chez tous ces animaux, et ils avaient été nourris via une sonde nasogastrique ou une sonde d'œsophagostomie.

Dans cette étude, l'hyporexie était définie comme une consommation énergétique inférieure au besoin énergétique au repos (BER), calculé selon l'équation suivante : BER = 70 x (poids en kg)0,75.

Les motifs les plus fréquents d'hospitalisation recensés chez les chats étaient, par ordre d'importance décroissante :  une affection hépatobiliaire (notamment une lipidose hépatique primaire), une maladie rénale, un trouble gastro-intestinal primaire, puis des maladies endocriniennes, infectieuses et pancréatiques. Chez les chiens, les troubles gastro-intestinaux venaient en premier, suivis par la maladie rénale et les affections hépatobiliaires et pancréatiques.

Les pratiques évoluent dans le bon sens

Dans cette étude rétrospective, le temps médian écoulé entre le début de l'hyporexie et la mise en place d'une sonde d'alimentation était de 6 jours : ce délai inclut l'hyporexie avant l'hospitalisation (3 jours en médiane chez les chats et 4 jours chez les chiens) et la durée médiane d'hospitalisation avant la mise en place de la sonde (1 jour chez les chats et 2 jours chez les chiens). Les données montrent cependant que le délai est variable, et que plusieurs facteurs l'influencent.

L'étude a été menée entre 2014 et 2023, et l'analyse des résultats indique que le délai de mise en place d'une sonde d'alimentation a nettement diminué au cours des 5 dernières années par rapport aux 5 premières. Cela s'explique probablement par le fait que les praticiens sont de plus en plus sensibilisés à l'importance de la nutrition entérale précoce chez les animaux hospitalisés.

Alimentation entérale plus précoce chez les chats

Chez les chats, une anorexie prolongée peut entraîner une accumulation de lipides dans les hépatocytes et une lipidose hépatique secondaire. Ce risque bien connu en médecine vétérinaire explique probablement pourquoi une sonde d'alimentation entérale est mise en place plus rapidement chez les chats que chez les chiens dysorexiques.

Dans cette étude, les maladies hépatobiliaires étaient d'ailleurs la cause sous-jacente la plus fréquente d'hospitalisation des chats, et le délai de mise en place de la sonde était corrélé (négativement) avec la durée de la dysorexie chez les chats, mais pas chez les chiens.

L'attention portée au statut nutritionnel joue un rôle

Des instructions précises concernant l'alimentation des animaux (type d'aliment, quantités à administrer…) n'étaient mentionnées sur les fiches de traitement que dans 18 % des cas. Lorsqu'elles étaient présentes, la pose de la sonde intervenait plus précocement que lorsqu'aucune indication spécifique n'était mentionnée. Les cliniciens les plus attentifs au statut nutritionnel des animaux hospitalisés auraient donc tendance à démarrer l'alimentation entérale plus tôt que les autres.

Mais attention aux hospitalisations pendant le week-end : dans cette étude, la pose d'une sonde d'alimentation intervenait plus tardivement chez les animaux hospitalisés du vendredi au dimanche que chez ceux admis du lundi au jeudi, sans doute par manque de temps ou de personnel qualifié en situation d'urgence.

Sonde nasogastrique privilégiée en 1e intention

Une sonde nasogastrique (SNG) offre la possibilité de nourrir l'animal pendant sa période de stabilisation clinique sans requérir une anesthésie générale. Il n'est donc pas surprenant d'observer que ce type de sonde a été posé en première intention chez 71 % des animaux de cette étude (53 % des chats et 78 % chiens). Choisir de poser une SNG permet aussi d'attendre de voir si l'animal recommence à s'alimenter spontanément – ce qui est idéal – avant de décider de placer une sonde d'œsophagostomie (SO). Une telle sonde a cependant été préférée d'emblée chez plus d'un chien sur 5 (22 %) et près de la moitié des chats (47 %).

Le type de sonde choisi initialement pour les animaux hospitalisés n'a pas influencé la mortalité : parmi les 23 % d'animaux inclus l'étude et décédés avant leur sortie, 24 % avaient initialement reçu une SNG et 19,5 % une SO.

Une SO a été posée en seconde intention chez 21 % des chats et 11 % des chiens (ayant donc d'abord reçu une SNG). La pose d'une SO en première ou seconde intention est donc plus fréquente chez les chats que chez les chiens. La deuxième sonde a été posée dans un délai médian de 3 jours après la mise en place de la première pour les chats, et de 4 jours pour les chiens.

Chez les animaux ayant initialement bénéficié d'une alimentation par SO, le délai médian de sortie de l'hôpital après la pose de la sonde était plus court que chez les animaux ayant d'abord été nourris via une SNG (2 jours versus 4).

Des cas de refus du propriétaire ?

La nature rétrospective de cette étude en limite les résultats, du fait qu'ils ne reflètent pas nécessairement l'ensemble du processus décisionnel clinique justifiant le type de sonde choisi et le moment de la pose. Il est possible que certaines données cliniques (nécessité d'une oxygénothérapie, vomissements réfractaires, coagulopathies, etc.) aient empêché la mise en place précoce d'une sonde d'alimentation chez certains animaux. Enfin, l'étude n'a pas tenu compte des cas où la mise en place d'une sonde a été refusée par les clients.

Malgré la connaissance des risques liés à la dénutrition, cette étude montre que le début de la nutrition entérale reste souvent trop tardif chez les chiens et les chats hospitalisés. Les auteurs en concluent que même dans les unités de soins intensifs, il est probablement nécessaire de mieux communiquer à propos des bonnes pratiques en la matière.