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Elanco & Proplan

8 septembre 2025

Les poils des chiens, sentinelles de l'exposition environnementale à plusieurs métaux lourds

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une étude croate sur une zone polluée (ancienne mine) et une zone témoin non polluée (région lyonnaise) en France confirme que les poils de chiens, prélevés à l'encolure, sont un marqueur valide de l'exposition à plusieurs métaux lourds – et à l'arsenic. Cliché : Raoul Rives, Wikimedia, 2014.
Une étude croate sur une zone polluée (ancienne mine) et une zone témoin non polluée (région lyonnaise) en France confirme que les poils de chiens, prélevés à l'encolure, sont un marqueur valide de l'exposition à plusieurs métaux lourds – et à l'arsenic. Cliché : Raoul Rives, Wikimedia, 2014.
 

Pour évaluer la contamination environnementale en arsenic et quelques autres métaux lourds, les poils de leur chien représentent un témoin valide. C'est ce qui ressort de travaux réalisés sur le site le plus pollué par l'arsenic en France par des biologistes et chimistes croates. L'accumulation de l'arsenic dans les phanères humains est connue depuis le XIX siècle – et a donné lieu à diverses démonstrations d'empoisonnement chronique. Ce qui n'était pas connu, c'est s'il en va de même pour les chiens.

Plus grande mine d'or d'Europe

Ces universitaires croates ont travaillé sur le site de la mine d'or de Salsigne, dans l'Aude (à 15 km au nord de Narbonne), avec une population témoin dans la région lyonnaise. Cette mine, un temps la plus importante pour l'extraction aurifère en Europe, a été fermée en 2004 après un siècle d'activité. Au pic de son exploitation, elle a produit 25 % de l'arsenic mondial. Les minerais aurifères étant polymétalliques, ils sont exploités comme tels et cette exploitation a produit une pollution environnementale aux métaux lourds : outre l'arsenic, sont présents cadmium (Cd), cuivre (Cu), plomb (Pb), antimoine (Sb), thallium (Tl), vanadium (V) et zinc (Zn). Cette pollution se fait par voie particulaire (poussières), mais aussi par drainage (retenues acides) qui vont polluer les sols et les nappes. Au point que, dans la vallée de l'Orbiel, où se situe la mine, « la culture, la vente et la consommation de légumes, ainsi que l'utilisation de l'eau de la rivière sont interdites depuis 1997 ».

Pas d'études sur les poils de chiens

Toutefois, constatent les auteurs, peu d'études ont été consacrées à l'exploration de l'exposition humaine à l'arsenic, ou à d'autres métaux lourds. Certaines études ont porté sur la faune sauvage, mais la durée de vie moyenne de ces sujets (rongeurs) n'est pas comparable à celle des humains. Par ailleurs les effets indésirables consécutifs à une exposition à long terme des humains par voie orale ou par inhalation à des composés arsenicaux comprennent les effets cutanés, cardiovasculaires, respiratoires, reproductifs, développementaux, néphrotoxiques, neurotoxiques, mutagènes, cancérigènes et tératogènes. Et des effets comparables sont décrits dans la littérature pour les chiens et chats. Ils ont donc « cherché à vérifier l'hypothèse que les poils et les griffes de chiens de compagnie puissent servir de marqueurs à l'exposition à l'arsenic et à d'autres métaux lourds.

Griffes non validées

Pour cela, ils ont constitué deux groupes de chiens de compagnie :

  • Un groupe de 27 chiens dont le maître réside dans un rayon de 10 km autour de l'ancienne mine, et si possible, dont le chien se baigne régulièrement en rivière (n=15). En moyenne, ces chiens avaient vécu 6 ans sur place (de 0 à 14 ans) ;
  • Un groupe de 22 chiens dont le maître réside en région lyonnaise, dans une zone dénuée de pollution anthropique par l'arsenic.

En 2023, avec l'aide de praticiens et toiletteurs locaux, ces sujets ont fait l'objet d'un prélèvement de poils (couverture et duvet, sur le cou, 10 g), et certains d'entre eux de griffes (6 témoins et 8 exposés), en vue d'un dosage précise des différents métaux lourds possibles (16 en tout, dont l'arsenic), après lavage. Ces dosages fournissent une concentration moyenne en arsenic :

  • Pour les poils de 232,4 µg/kg pour le groupe exposé et de 70,9 µg/kg pour les témoins (p=0,035). Pour les 15 chiens nageant régulièrement dans l'Orbiel, les teneurs en plusieurs métaux lourds étaient significativement plus élevées par rapport aux autres chiens de cette zone de vie, mais pas pour l'arsenic ;
  • Pour les griffes, une absence de différence significative entre les deux groupes (p=0,094).

Ainsi, « l'hypothèse selon laquelle les poils et les ongles des chiens de compagnie seraient plus exposés à proximité de l'ancienne mine de Salsigne que dans la zone témoin n'a été confirmée que pour les poils ».

Pas d'effet sur la santé des chiens

Toutefois, les auteurs restent prudents quant à l'interprétation de ces résultats pour évaluer le niveau d'exposition des maîtres. En effet, « les niveaux d'arsenic mesurés dans les poils de tous les chiens sauf un, étaient inférieurs à 1 000 µg/kg, un seuil considéré comme normal pour les cheveux humains. L'exception était un chien vivant dans l'ancienne zone minière, partageant un foyer avec un autre chien qui présentait le deuxième niveau d'arsenic le plus élevé dans les poils (1 759 µg/kg et 961 µg/kg, respectivement). Les antécédents médicaux de ces deux chiens n'ont révélé aucun signe de maladie chronique ». Et comme la qualité de l'air est jugée bonne sur le site, et que la teneur de l'eau potable locale en arsenic est inférieure au seuil réglementaire, les auteurs n'ont pu hiérarchiser les sources d'exposition des chiens. Malgré ces limites, ils estiment que « le caractère non invasif du prélèvement de poils et leur capacité à refléter les différences spatiales d'exposition à l'arsenic offrent un outil prometteur pour les futures recherches en biosurveillance dans la zone concernée, mais également sur les sites contaminés par des métaux lourds liés à l'exploitation minière à l'échelle mondiale ».