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Elanco & Proplan

4 septembre 2025

Un tournant stratégique : pourquoi Mars se sépare de Whistle

par Timothée Audouin

Temps de lecture  3 min

Les colliers connectés Tractive® possèdent des fonctions GPS et de suivi de paramètres d'activité et de santé comme la fréquence cardiaque (cliché Tractive®)
Les colliers connectés Tractive® possèdent des fonctions GPS et de suivi de paramètres d'activité et de santé comme la fréquence cardiaque (cliché Tractive®)
 

Fin juillet 2025, la société Tractive, qui commercialise des colliers GPS, a annoncé l'acquisition auprès de Mars Petcare de Whistle, marque d'appareils connectés pour animaux de compagnie, et la fermeture de la plateforme éponyme au 31 août 2025, avec une offre de remplacement gratuit des appareils jusqu'au 30 septembre. Au-delà de l'actualité, le message semble clair : Mars Petcare, qui avait massivement investi dans ce domaine, recentre désormais ses efforts sur d'autres priorités.

Ce choix découle probablement aussi d'une déception sur le plan clinique : malgré quelques publications scientifiques encourageantes, les colliers ne permettent pas aujourd'hui de diagnostiquer des maladies courantes.

Retour sur une promesse XXL

En 2018, Mars Petcare lançait le Pet Insight Project : des centaines de milliers de chiens équipés de capteurs Whistle, et un couplage aux dossiers médicaux des chaînes de cliniques Banfield/VCA aux USA dans l'objectif de repérer les premiers signes de maladies à partir des comportements. L'idée était d'identifier des paramètres permettant de détecter précocement des affections comme l'arthrose, les cardiopathies ou les dermatites.

Malgré l'attribution de moyens considérables à ces recherches – plus de 200 000 chiens équipés, des dizaines de millions de jours de données enregistrées, une équipe de 50 experts mobilisée –, les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes, en témoigne le faible nombre de publications à la clé.

Un désengagement multifactoriel

Mais plusieurs autres facteurs expliquent probablement cette décision du groupe.

  • Un marché grand public très concurrentiel : les colliers connectés sont aujourd'hui dominés par des acteurs comme Tractive ou Weenect, qui misent avant tout sur la localisation GPS, une fonctionnalité plébiscitée par les propriétaires d'animaux.
  • Des défis techniques persistants : malgré les avancées, les algorithmes peinent à établir des corrélations fiables entre les données comportementales et les diagnostics médicaux. Les comportements des animaux sont influencés par de nombreux facteurs (environnement, humeur, interactions sociales), ce qui rend difficile l'interprétation des données brutes.
  • Un recentrage stratégique : Mars Petcare semble désormais privilégier des solutions plus directement liées à la médecine vétérinaire, comme les outils de télémédecine ou les plateformes de gestion de données cliniques, plutôt que les objets connectés grand public.

Colliers connectés : une utilité mais des limites

Aujourd'hui, les colliers connectés pour animaux de compagnie sont principalement utilisés pour trois fonctions :

  • La géolocalisation, une fonctionnalité essentielle pour retrouver un animal perdu, qui répond à une préoccupation majeure des propriétaires ;
  • Le suivi d'activité, utile pour surveiller le niveau d'exercice d'un animal, notamment dans le cadre de la prévention de l'obésité ou du suivi postopératoire ;
  • Le diagnostic médical, bien que malgré les promesses, ces dispositifs ne peuvent pas remplacer un examen vétérinaire. Les tentatives de détection de maladies via l'analyse des mouvements ou des comportements restent expérimentales et peu fiables sans validation clinique.

En effet, la marche du dispositif médical est encore haute, d'abord parce qu'un capteur d'activité mesure surtout du mouvement. Or, un même signal peut traduire des réalités très différentes selon l'animal, son environnement, la météo ou la routine familiale. La signature d'une dermatite, d'une douleur articulaire ou d'une cardiopathie ne se résume pas aisément à un pattern d'accélération. Ensuite, la donnée récoltée est massive, mais peu « labellisée » cliniquement : pour entraîner des algorithmes qui distinguent un grattage banal d'un prurit pathologique, il faut des diagnostics confirmés, des dates précises et des suivis standardisés. Enfin, les modèles isolés du contexte (anamnèse, examen clinique, imagerie, biologie) plafonnent : la multimodalité devient indispensable pour gagner en précision et en valeur actionnable.

Un outil complémentaire, pas révolutionnaire

Les colliers connectés peuvent donc fournir des indications (comme une baisse soudaine d'activité), mais ils ne permettent pas de poser ni même suggérer un diagnostic. Leur véritable valeur réside dans leur capacité à compléter les informations recueillies par les vétérinaires, plutôt que de s'y substituer.

Alors quel est l'avenir de ces dispositifs ? Si les colliers connectés ne sont pas (encore) des outils de diagnostic, ils pourraient jouer un rôle croissant dans le suivi médical des animaux, à condition de :

  • Mieux intégrer les données. En les associant aux dossiers médicaux des animaux, les vétérinaires pourraient utiliser ces informations pour affiner leurs diagnostics ou adapter leurs protocoles de soins ;
  • Développer des algorithmes plus précis. En ciblant des affections spécifiques (comme l'épilepsie ou le diabète), les colliers pourraient devenir des outils d'alerte pour des situations critiques ;
  • Collaborer avec les professionnels. Les fabricants gagneraient à travailler en étroite collaboration avec les vétérinaires pour garantir que leurs dispositifs répondent aux besoins réels de la pratique clinique.

En pratique aujourd'hui, certaines cliniques vétérinaires commencent à utiliser ces outils pour le suivi postopératoire : un collier connecté peut alerter si un animal hospitalisé ou rentré à domicile ne se déplace pas suffisamment après une intervention, permettant d'intervenir rapidement si nécessaire.