titre_lefil
Elanco & Proplan

18 août 2025

Coupe des griffes pour raison médicale : souvent de jeunes chiens

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

D'après Ahmed et al., JSAP 2025.
D'après Ahmed et al., JSAP 2025.
 

Couper les griffes est un soin « du quotidien » chez les chiens, afin de conserver une longueur appropriée, préservant la bonne santé et la fonction des doigts. La pousse est effectivement permanente et un défaut d'usure naturelle est corrigé par cette coupe. C'est un acte alors réalisé au moins deux fois par an, par le propriétaire ou le toiletteur, ou le vétérinaire.

Dans une nouvelle étude du programme britannique VetCompass, une équipe associant des universitaires d'Édimbourg (Écosse) et de Hatfield (Angleterre) s'est penchée sur ces soins réalisés en consultation vétérinaire, dans un contexte le plus souvent médical – de précédents travaux ont montré qu'une pousse excessive des griffes est l'un des troubles le plus souvent rapporté en consultation. Or, une croissance anormale peut occasionner un inconfort, voire des blessures, une douleur, une infection…, et gêner la mobilité. Dans leur analyse, les scientifiques ont surtout cherché à en identifier les facteurs de risque démographiques. Ils publient leurs conclusions en libre accès dans Journal of Small Animal Practice.

L'âge (et le sexe), facteurs de risque significatifs

Les chercheurs ont suivi le protocole habituel de cette série d'études épidémiologiques, appuyé sur les données des dossiers médicaux des chiens vus en consultation vétérinaire « généraliste » sur une année (2019 ici). Plus de 1200 cliniques participent au projet, et plus de 2,2 millions de chiens y ont été examinés en 2019.

La sélection puis l'analyse de ces données a permis d'évaluer à 5,64 % la proportion de consultations au cours desquelles une coupe des griffes (au moins une griffe coupée) a été réalisée.

La répartition de ces « cas » (n=3380) entre mâles et femelles est équivalente. Ces chiens sont de divers poids et âges (11 kg et 5 ans en médiane).

L'analyse des facteurs de risques montre toutefois que les jeunes adultes sont significativement plus souvent concernés par ces soins en consultation : par comparaison aux 12 ans et plus, les chiots (moins de 1 an) sont les moins à risque, mais les 1-2 ans sont les plus à risque. Cette observation est inattendue : une croissance excessive des griffes a été associée aux chiens séniors, généralement moins actifs et mobiles que les jeunes adultes. Les lésions traumatiques en revanche (griffes cassées ou retournées) sont logiquement plus fréquentes chez les individus les plus actifs. Il est possible aussi que la vitesse de croissance des griffes décline avec l'âge, ce qui reste à confirmer.

Le sexe représente par ailleurs un facteur significatif, en faveur des mâles, lesquels sont effectivement moins à risque mais en faible proportion (odds ratio de 0,94).

8 races plus fréquemment concernées et 11 à risque

L'analyse par races a également mis en évidence celles chez lesquelles la proportion de cas est sensiblement élevée. Ainsi, 8 races sont identifiées comme davantage concernées par ces soins, avec une proportion supérieure à celle des croisés (pour lesquels la proportion dépasse légèrement 6 %) :

  • Le chihuahua (proportion de 13,3 %),
  • Le beagle (12,6 %),
  • Le lévrier anglais (12,0 %),
  • Le carlin (9,4 %),
  • Le whippet,
  • Le Jack Russel terrier,
  • La cavapoo (croisé cavalier King-Charles et caniche nain),
  • Le bouledogue français.

Parmi les races moins concernées (moins de 3 % des consultations) figurent en particulier le cocker anglais, le springer, le golden retriever, le berger allemand.

Dans l'analyse multivariée, 11 races sont significativement plus à risque (par comparaison à celui des croisés), en particulier les 5 en tête de fréquence (chihuahua, beagle, lévrier, carlin, whippet), avec un surrisque (odds ratio) de 2,21 à 1,80. À l'inverse, le cocker et le springer sont significativement moins à risque (OR respectifs de 0,38 et 0,42).

Parmi les paramètres associés à la race, l'analyse montre que :

  • les races pures sont légèrement moins à risque que les croisés,
  • les chiens de chasse et les races naines sont les plus à risque (parmi les groupes de races),
  • les chiens à pelage mi-long sont moins à risque que ceux à poil court,
  • les chondrodystrophiques sont plus à risque que les non-chondrodystrophiques,
  • et les chiens de petit format (moins de 10 kg) sont plus à risque que les très grands (40 kg et plus).

La médicalisation de l'animal entre toutefois aussi en ligne de compte (les chiens de compagnie de petit format sont généralement plus faciles à emmener chez le vétérinaire), tout comme l'expérience du maître.

Coupe de convenance ou ciblant les griffes lésées

Dans 6 cas sur 10, les soins des griffes représentaient le motif de consultation ; dans les autres cas, l'examen du chien, présenté pour d'autres raisons, les a motivés. Les principales anomalies ou lésions ayant occasionné la coupe des griffes sont ainsi une croissance excessive ou anormale (12,7 % des cas) et une griffe ou ergot cassé (8,8 %). Une coupe préventive est effectuée à 1,1 %, et les soins visent à faciliter la mobilité à 0,7 % (voir figure en illustration principale). Dans 70 % des cas toutefois, le vétérinaire n'avait pas précisé la cause de l'acte.

Lorsque le propriétaire venait pour ce motif, la coupe des griffes s'inscrivait généralement dans le cadre d'un suivi de santé (bilan de routine, suivi de soins), plus rarement pour des troubles médicaux. Ainsi, toutes les griffes sont coupées dans environ un tiers des cas (34 %). Dans les autres, la coupe concerne les griffes affectées, en particulier les ergots (5e doigt, voir figure ci-dessous).

 

D'après Ahmed et al., JSAP 2025.

°

Sensibiliser les propriétaires, former les professionnels

Les auteurs jugent ces observations préoccupantes, notamment en termes de bien-être animal, affecté par des griffes mal entretenues. La proportion de consultations durant lesquelles le vétérinaire coupe les griffes apparaît en effet élevée, dans toutes les catégories de chiens, et elle pourrait probablement diminuer par de meilleurs soins au quotidien. Ils incitent donc les vétérinaires à être plus proactifs : ils proposent de davantage sensibiliser les propriétaires sur cette problématique, et de les former, ainsi que les étudiants vétérinaires et les toiletteurs, à les réaliser régulièrement et correctement (technique et matériel adaptés, afin de minimiser aussi le stress et l'inconfort du chien durant la procédure). Ces soins pourraient aussi être proposés en routine en clinique vétérinaire (effectués par les ASV), sans les réaliser seulement de manière sporadique, à l'occasion d'une sédation ou d'une anesthésie pour un autre motif.

Toutefois, il conviendrait au préalable de déterminer scientifiquement la taille optimale des griffes, et de préciser la marche à suivre selon les races : la race est effectivement identifiée comme un facteur de risque majeur d'anomalies des phanères. De nouvelles recherches seraient aussi nécessaires afin d'évaluer les autres facteurs de risques de lésion des griffes, notamment biologiques, environnementaux et comportementaux, l'usure naturelle des griffes étant particulièrement favorisée par l'exercice physique du chien.