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Elanco & Proplan

7 février 2024

Le principal motif d'euthanasie des chiens âgés n'est pas l'âge (aux USA)

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Cause de décès et motif d'euthanasie telles que rapportées par les maîtres des chiens concernés, pour les sujets décédés en 2021, au sein du Dog Ageing Project aux USA (Pearson et coll., 2024).
Cause de décès et motif d'euthanasie telles que rapportées par les maîtres des chiens concernés, pour les sujets décédés en 2021, au sein du Dog Ageing Project aux USA (Pearson et coll., 2024).
 

Quel que soit l'âge du chien, la première raison d'une euthanasie est la douleur et/ou la souffrance. C'est ce qui ressort d'une étude sur un an, conduite dans le cadre du suivi de cohorte (> 30 000 chiens) au sein du Dog Ageing Project, aux USA.

Hypothèses de travail

Dans le cadre du suivi de cohorte, les maîtres qui ont accepté d'enrôler leur chien dans ce projet mais dont l'animal décède se voient proposer de remplir un questionnaire dédié, nommé “enquête fin de vie”. Il comprend des questions sur la cause de la mort (âge avancé, maladie/infection et autre), la principale raison ayant conduit à l'euthanasie si c'est le cas (8 possibilités, groupées en 4 réponses : faible qualité de vie, douleur/souffrance, mauvais pronostic et autres), et la qualité de vie du chien avant son décès. Les maîtres ont 40 jours après le signalement du décès de l'animal pour répondre à ce questionnaire, et les auteurs ont utilisé ceux remplis sur 2021 pour tester leur hypothèse : que la principale motivation de l'euthanasie serait associée à une cause de décès et à la qualité de vie sur les deux semaines précédant le décès. Dans ce dernier cas, les maîtres pouvaient noter cette qualité de vie de 1 (que des mauvais jours) à 7 (que des bons jours).

Près de 9 maîtres sur 10 répondent

Sur l'année 2021, le projet avait enrôlé 33 172 chiens, dont 8,7 % ont été signalés décédés dans l'année ; les plus jeunes étaient âgés entre 1 et 2 ans au moment du décès ; les plus âgés de plus de 17 ans. La grande majorité des maîtres (89,1 %) ont participé à l'enquête liée au décès de leur animal. La grande majorité des décès étaient liés à une euthanasie (85,4 %), ce qui est cohérent avec les rares études sur ce sujet : l'une réalisée au début du même projet estimait cette proportion à 83 %, l'autre, britannique, les évalue à 86 % des décès. Les deux principales causes de décès déclarées par les maîtres (tous modes de décès confondus) sont l'infection/maladie (58,1 %) et la vieillesse (30,9 %, voir l'illustration principale). Pour les sujets euthanasiés, la première raison est la douleur/souffrance (49,2 %), devant la qualité de vie dégradée (25,7 %) et le mauvais pronostic (16,5 %) ; les autres causes représentant chacune moins de 5 % des chiens. De fait, « la qualité de vie des chiens dont la raison principale de l'euthanasie était un mauvais pronostic était significativement meilleure que celle des chiens dont la raison principale d'euthanasie était une mauvaise qualité de vie. Cela suggère que les propriétaires de chiens différencient la qualité de vie actuelle des expériences futures anticipées, inhérentes à un mauvais pronostic ». Ce qui « met en lumière l'impact important que peut avoir le vétérinaire sur la réaction du maître à l'annonce du diagnostic de l'affection de son chien et souligne la nécessité de fournir des éléments pronostiques reposant sur la science ».

Qualité de vie prégnante chez le chien âgé

Tous types de décès confondus, la note la plus faible de qualité de vie (1 sur 7) n'était rapportée que par 1,9 % des répondants ; la note la plus fréquente était de 3/7 (plus de mauvais que de bons jours, 25,7 %). Près d'un chien sur dix avait une très bonne qualité de vie (7/7) au moment du décès, en lien probable avec le fait que 16,6 % des euthanasies sont liées à un mauvais pronostic. Lorsqu'ils réalisent un traitement statistique (analyse multivariée), les auteurs observent que plus le chien est âgé et plus la part de la mauvaise qualité de vie est importante dans le motif d'euthanasie. Inversement, pour toutes les autres raisons d'euthanasie, les chiens présentaient une qualité de vie significativement (p<0,001) supérieure. Et dans ces cas-là, la cause du décès était significativement plus souvent une maladie/infection (p<0,001). Lorsqu'ils n'observent que les chiens dont la cause de décès a été attribuée à la maladie/infection, alors le risque de décès par euthanasie était significativement supérieur (+ 40 % ; c'est l'inverse pour toutes les autres causes de décès).

Polyurie et incontinence

Les maîtres pouvaient aussi renseigner le nombre de signes cliniques présentés par leur chien avant le décès. Sans surprise, les chiens euthanasiés présentaient significativement plus de signes cliniques que les chiens décédés selon une autre modalité (p<0,001). Les signes cliniques le plus fortement (et significativement) associés à une euthanasie qu'à un décès par une autre modalité étaient, par ordre de sur-risque croissant : la léthargie (+ 32 %), la perte de poids (+ 36 %), la polyurie (+ 60 %) et l'incontinence urinaire et/ou fécale (+220 %). Les auteurs confirment ainsi les hypothèses ayant donné lieu à leur travail.

Avenir incertain

Au bilan, « l'âge à lui-seul n'est pas un raison primaire motivant l'euthanasie ». Les auteurs constatent aussi que, « au fur et à mesure que l'âge du chien augmente, la réduction de sa qualité de vie et le développement de comorbidités, indépendamment de la cause de cette moindre qualité de vie, semblent avoir plus d'impact sur la décision d'euthanasie que l'âge lui-même ». Certes, les maîtres engagés dans le Dog Ageing Project ne sont probablement pas représentatifs de la population des propriétaires de chiens aux USA, mais il est probable qu'elle s'approche de la proportion de maîtres dont les chiens sont médicalisés. Les auteurs soulignent que grâce au Dog Ageing Project, ils disposent à présent d'une « meilleure compréhension des facteurs associés à l'euthanasie des chiens de compagnie, [ce qui] permet d'améliorer la communication entre les vétérinaires et les propriétaires ». Toutefois, comme signalé par le New York Times le 11 janvier dernier, « le Dog Ageing Project pourrait voir sa propre vie écourtée. Environ 90 % du financement de l'étude provient de l'Institut américain du vieillissement [National Institute of Ageing], qui fait partie des Instituts nationaux de la santé [NIH, équivalent de l'Inserm], et qui a fourni plus de 28 millions de dollars depuis 2018. Mais cet argent sera épuisé en juin, et le NIA ne semble pas susceptible d'approuver la récente demande de renouvellement de la subvention pour cinq ans présentée par les chercheurs ».