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3 février 2022

USA : troisième lancement du Dog Ageing Project

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Structure démographique de la principale cohorte (la meute) de l'étude sur le vieillissement des chiens (DAP) en cours aux USA, et qui accepte encore des candidats, pour un objectif de 30 000 sujets (https://dogagingproject.org/).
Structure démographique de la principale cohorte (la meute) de l'étude sur le vieillissement des chiens (DAP) en cours aux USA, et qui accepte encore des candidats, pour un objectif de 30 000 sujets (https://dogagingproject.org/).
 

Ce n'est pas souvent que la médecine vétérinaire a les honneurs de Nature… C'est le cas, pour la canine, dans l'édition du 2 février du prestigieux journal scientifique, avec la présentation sur 7 pages de l'étude DAP, pour ‘Dog Ageing Project', sur le vieillissement des chiens. Car cet ambitieux projet nord-américain est une « étude longitudinale de long terme », lancée en 2011 à titre préliminaire, puis relancée en 2019 pour inclure 10 000 chiens. Pour ce troisième lancement, en 2022, c'est le suivi de 30 000 chiens dans le pays qui est annoncé. L'étude va collecter pour chaque individu « des données biologiques, des informations environnementales, le dossier médical électronique, la totalité de sa séquence génomique, les phénotypes clinicopathologique et moléculaire à partir des cellules sanguines, du plasma et d'échantillons fécaux ».

Modèle animal puissant

Pourquoi ces vétérinaires, médecins, généticiens et autre chercheurs des universités de Washington, du Texas et de Princeton ont-ils choisi le chien ? « L'essentiel de ce que nous savons sur la biologie du vieillissement provient d'espèces animales adaptées au laboratoire et consanguines, dont des levures, des helminthes, des mouches et des souris ». Par rapport à elles, « le chien partage l'environnement humain, a un système de soins sophistiqué, mais a une durée de vie beaucoup plus courte que celle de l'Homme. Il offre donc une opportunité unique d'identifier les facteurs génétiques, environnementaux et de mode de vie associés à une durée de vie saine ». C'est pourquoi DAP « change le chien de compagnie en modèles animal puissant », afin de « découvrir les mécanismes moléculaires sous-jacents des facteurs influençant le vieillissement ».

Science participative

Ce projet scientifique repose sur la participation des propriétaires de chiens, et sera accompagné par « une équipe de plus de 100 employés, étudiants, professeurs et vétérinaires de plus de 20 établissements universitaires, et de plus de 30 000 participants canins ». Les auteurs ont donc créé une plateforme consacrée à l'étude, qui sera en “open data” « dans les prochains mois », dont les objectifs sont :

  • de rendre disponibles pour leur étude les données sur les « déterminants génétiques et environnementaux du vieillissement en bonne santé chez les chiens de compagnie »,
  • de « fournir aux chercheurs un accès aux échantillons biologiques par le biais de la biobanque DAP, ainsi qu'aux données longitudinales détaillées associées à chaque échantillon biologique »,
  • de « construire et entretenir une infrastructure de recherche permettant l'ajout de nouvelles études dans le cadre du DAP »,
  • et d'étudier et promouvoir « des approches éthiques pour la recherche sur les animaux de compagnie ».

Cohortes emboîtées

Tous les chiens sont éligibles car les auteurs veulent capturer l'espèce dans sa diversité : sexe, âge, races et croisés… Il y aura donc cinq cohortes emboîtées :

  • La plus importante (30 000 sujets) est dite celle de la “meute DAP”. Y figureront les sujets dont les maîtres auront participé à toutes les étapes du protocole de suivi et de prélèvement (un chien inclus y reste toute sa vie, si son maître est d'accord car il doit mettre à jour annuellement le questionnaire de vie du chien, très détaillé). L'inclusion repose sur la validation du consentement éclairé, en plusieurs étapes, y compris l'engagement à obtenir le soutien du vétérinaire traitant (communication du dossier médical électronique de l'animal). Les chiens de toutes les régions des États-Unis sont éligibles. Cette cohorte vise à fournir des « normes du vieillissement des chiens » et à identifier des caractères corrélés à des caractéristiques de l'âge. Les pilotes du projet produisent une lettre d'information mensuelle et on crée une communauté sur un média social, Dog Park, où les participants peuvent se retrouver. Fin 2020, il y avait « près de 20 000 chiens » inclus dans cette cohorte ;
  • Vient ensuite la cohorte de fondation (lancée en 2019), de 10 000 chiens. Les maîtres sélectionnés reçoivent le matériel pour prélèvement (écouvillon de la paroi jugale), pour le séquençage du génome du chien. Les prélèvements biologiques (sang, urine, fèces, poils) sont réalisés par le vétérinaire traitant. Cette cohorte vise à identifier des gènes/loci associés à des paramètres de morbidité et de mortalité liés à l'âge, et à identifier des interactions gène/environnement. « Nous sommes en passe d'atteindre le séquençage des 10 000 chiens d'ici fin 2022 », indiquent les auteurs. Seront aussi identifiés, annuellement, le métabolome, l'épigénome et le microbiote des chiens. Les fractions non utilisées des prélèvements sont archivées (université Cornell) et seront à disposition des chercheurs qui en feront la demande ;
  • La cohorte de précision ne compte que 1 000 chiens et visera à identifier des marqueurs des caractéristiques du vieillissement et les mécanismes par lesquels les gènes et l'environnement affectent le vieillissement ;
  • Une sous-cohorte baptisée ‘triad', de 350 chiens et déjà existante (juin 2021), explore les effets de la rapamycine sur le vieillissement et l'espérance de vie (une administration hebdomadaire à faible dose à partir de l'âge adulte). Les auteur espèrent identifier les biomarqueurs de la réponse de l'organisme des chiens à la rapamycine (essai randomisé en double aveugle contre placebo). Les garde-fou éthiques (médication d'un animal en bonne santé) ont été validés et inspirés de ceux en vigueur en humaine. Un comité éthique indépendant, dirigé par un vétérinaire, supervise cet essai (et les autres s'il y en a) ;
  • Enfin, une cohorte de 300 chiens « centenaires » sera l'objet de la recherche d'association entre le génome et les durées de vie extrêmes.

Transformer la médecine vétérinaire

2022 sera la première année de l'exploration des données “omiques” (génome, métabolome, etc.) pour les cohortes ‘précision' et ‘triad'. Tous les chiens sont géolocalisés pour leurs résidences. Principale et secondaire (codes postaux). Et les données environnementales (taux de microparticules dans l'air, taux d'ozone, SO2, CO, météo etc.) et sociales (catégorie socioprofessionnelle du quartier, accessibilité de zones de promenade…) provenant de banques de données publiques, y seront rattachées. Les auteurs espèrent ainsi « créer une ressource capable de transformer la médecine vétérinaire, la recherche sur le vieillissement et de nombreux domaines d'enquête scientifiques et non scientifiques ». Il faut leur souhaiter que ce troisième lancement sera le bon…