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Elanco & Proplan

11 août 2023

Tumeurs de la thyroïde : bon pronostic après thyroïdectomie chez le chien

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Courbes de Kaplan-Meier estimant la survie et l'incidence cumulée des décès liés ou non à la maladie tumorale. D'après Enache et al., JVIM 2023.
Courbes de Kaplan-Meier estimant la survie et l'incidence cumulée des décès liés ou non à la maladie tumorale. D'après Enache et al., JVIM 2023.
 

Une thyroïdectomie est le traitement de choix des tumeurs thyroïdiennes lorsqu'elles sont bien individualisées et mobiles. Elle peut s'envisager aussi dans les autres cas, souvent en complément d'une radiothérapie et/ou d'une chimiothérapie. Mais le bénéfice de ces traitements adjuvants n'est pas bien établi, et de nombreux facteurs semblent affecter le pronostic, comme le caractère invasif de la tumeur, sa taille, la présence de métastases, etc.

Une étude rétrospective multicentrique a donc été menée pour évaluer la durée de survie des chiens après chirurgie, et les facteurs influençant le pronostic.

144 cas opérés et suivis

L'étude a inclus 144 cas pris en charge dans 4 écoles vétérinaires (Turin) ou centres de référés italiens, entre 1994 et 2018. Une tumeur de la thyroïde avait été diagnostiquée et traitée par chirurgie au moins, et le suivi du chien devait être disponible.

Le plus souvent, ces tumeurs sont unilatérales. Lors de thyroïdectomie bilatérale (13 cas ici), l'une des glandes parathyroïdiennes, voire les deux, avait été transplantée.

Les tumeurs thyroïdiennes touchent plus fréquemment des chiens âgés. Et en effet, l'âge médian des chiens au moment de la chirurgie était de 10 ans dans cette étude.

Dans les trois quarts des cas (109/144), la chirurgie s'est limitée à une thyroïdectomie. Elle a été complétée pour les autres chiens d'une chirurgie plus large (exérèse des ganglions lymphatiques locaux, résection musculaire et de la veine jugulaire, par exemple).

Une chimiothérapie adjuvante a été administrée chez 40 chiens (soit 28 % du groupe), associée à une radiothérapie dans un cas. Une supplémentation en lévothyroxine (12 cas), en calcitriol (vitamine D) et calcium (14 cas), a également été prescrite.

Chez le chien, les carcinomes de la thyroïde sont les plus fréquents, répartis généralement à 70-30 % entre carcinomes folliculaires et carcinomes médullaires, et généralement invasifs. Ici, l'analyse histopathologique, lorsque réalisée (141 cas), a identifié un carcinome différencié dans 128 cas. Une thrombose de la veine jugulaire a été observée chez 40 chiens ; des métastases locales ont été mises en évidence dans 12 cas (locales ou pulmonaires).

20 % de mortalité liée à la tumeur

La durée du suivi des chiens est de 610 jours en médiane (1,7 ans). Sur la période, 89 chiens sont décédés, dont 29 décès liés à l'évolution de la tumeur (soit 20 % de l'effectif total) et 60 d'autres causes.

Les 55 autres chiens étaient toujours en vie à la fin de l'étude, ou perdus de vue.

Ainsi, la durée de survie médiane postopératoire est de 802 jours (soit 2,2 ans), et plus des trois quarts des chiens ont survécu au moins 500 jours (1,4 ans).

La probabilité de décéder des suites de la tumeur thyroïdienne est estimée à 10,4 % après 1 an, voisine de celle de mourir d'autres causes (10,8 %). Après 2 ans, cette probabilité atteint 18,6 %, puis environ 26 % après 5 ans et 28,6 % après 6 ans, tandis que la probabilité de décéder d'autres causes augmente – assez logiquement – plus rapidement, atteignant environ 60 % après 5 ans (voir figure en illustration principale). En d'autres termes, les chiens qui survivent à la thyroïdectomie meurent finalement plus souvent d'autre chose par la suite.

Carcinome agressif et dissémination altèrent le pronostic

L'analyse des cas identifie plusieurs facteurs augmentant le risque de mortalité.

  • La présence de métastases au moment du diagnostic augmente significativement le risque de mortalité liée à la maladie tumorale (risque x6). La médiane de survie descend à 540 jours, et aucun des 12 chiens concernés n'a survécu plus de 2 ans et demi. Toutefois, 6 chiens ont survécu plus de 500 jours, ce qui amène les auteurs à encourager d'évaluer l'intérêt d'une chirurgie dans les cas de tumeur métastasée.
  • La nature de la tumeur affecte également le risque de décès d'origine tumorale, un carcinome non folliculaire (indifférencié) étant de moins bon pronostic (risque x4). Ces carcinomes sont réputés plus agressifs, mais d'autres travaux, sur des effectifs plus petits, n'avaient pas trouvé de lien entre la nature de la tumeur et la survie.
  • La présence d'une thrombose est associée à un plus grand risque de décès, mais de cause indépendante de la tumeur, sans hypothèse d'explication évidente. La présence de métastases est associée à celle de thrombose.
  • Une chimiothérapie est également associée à un risque plus élevé de décès lié à la tumeur, mais ces cas sont probablement initialement plus graves, et déjà associés à un pronostic plus sombre.

Les autres traitements (chirurgie plus large, supplémentations orales), la taille de la tumeur ou la concentration en T4 sérique ne sont pas associés au risque de décès, indépendamment de la cause.

Sans surprise, le risque de décès d'autres causes que tumorale augmente aussi avec l'âge et le format de l'animal (grande taille), mais ces derniers ne sont pas associés à la mortalité d'origine tumorale. Les autres paramètres démographiques (sexe, race) ne sont pas associés au risque de décès, indépendamment de la cause.

Enfin, avec le temps, probablement en lien avec les progrès de la médecine vétérinaire, le pronostic s'améliore (survie plus longue) !