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Elanco & Proplan

4 août 2023

Chien à orchite bilatérale, brucellose et contamination probable d'un salarié de clinique vétérinaire

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

L'analyse phylogénétique de la souche allemande de Brucella suis biovar 1 identifiée chez un chien (en rouge) la rapproche de souches humaines détectées dans la région du Pacifique (les Tonga, en vert) et dans une moindre mesure des USA (en bleu). Aurich et coll., 2023.
L'analyse phylogénétique de la souche allemande de Brucella suis biovar 1 identifiée chez un chien (en rouge) la rapproche de souches humaines détectées dans la région du Pacifique (les Tonga, en vert) et dans une moindre mesure des USA (en bleu). Aurich et coll., 2023.
 

La chaîne de transmission décrite par une équipe de bactériologistes, biologistes et épidémiologistes allemands, avec les praticiens de la clinique correspondante, à Duisbourg (Rhénanie du nord-Westphalie), est le fruit d'un volumineux travail d'enquête. Elle concerne une Brucella inhabituelle en Europe et part probablement de kangourous, passe par un chien allemand et s'achève par l'infection – là aussi probable – d'une employé de clinique vétérinaire.

Castration sur orchite bilatérale

L'histoire commence en juillet 2021, avec la présentation dans une clinique vétérinaire généraliste d'un Rhodesian Ridgeback mâle de 2 ans. Le motif de consultation était apathie et inappétence.  « Il présentait une boiterie, une réticence à se coucher et un gonflement douloureux bilatéral des testicules ». Après deux jours de traitement antibiotique (amoxicilline/acide clavulanique), et faute d'amélioration, le chien a été castré. Il présentait alors un exsudat purulent des testicules et un cordon spermatique hypertrophié ; ils ont été prélevés pour bactériologie. Le praticien a alors doublé la dose de l'association antibiotique et ajouté une fluoroquinolone. Il a aussi envoyé la collection purulente prélevée pour analyse bactériologique.

Puis laparotomie exploratrice

L'état du chien empirant (perte de poids, fièvre et vomissements), il a été référé, quatre jours après l'intervention, à une clinique d'urgence. L'échographie abdominale a identifié de l'ascite et une prostate de taille augmentée, non homogène. Le bilan sanguin confirmait un tableau inflammatoire : leucocytose, neutrophilie, monocytose, avec hypoalbuminémie, hypochlorémie et un niveau élevé en protéine C-réactive. L'analyse urinaire retrouvait des niveaux élevés de leucocytes, d'érythrocytes et de protéines, avec des bactéries coccoïdes. Les urgentistes ont donc réalisé une laparotomie exploratrice le lendemain… Qui a permis d'observer une péritonite, des abcès sur le restant de cordon spermatique et de collecter 2 l d'exsudat. Un prélèvement sanguin a été réalisé pour sérologie de brucellose à Brucella canis, ainsi que de l'exsudat et du pus, et l'animal a été placé au chenil contagieux. Le traitement antibiotique a été modifié, avec des sulfamides potentialisés et de la doxycycline ; l'animal s'est rétabli en 7 jours.

Transmission alimentaire ?

C'est à ce moment que le laboratoire de diagnostic a obtenu « une croissance abondante de petites colonies (>200) brillantes, non hémolytiques, sur la gélose au sang ». L'identification en Maldi-Tof a identifié qu'il s'agissait du genre Brucella, l'espèce restant à confirmer. La souche a été envoyée (avec les précautions d'usage) au laboratoire nationale de référence.  En PCR, celui-ci a identifié Brucella suis biovar 1. Ce biovar (bv) est celui des 5 biovars de l'espèce qui présente la virulence la plus importante, qu'il s'agisse du porc (ou du sanglier) ou de l'humain. Du fait du risque zoonotique élevé, le chien, bien qu'alors en bonne santé, a été euthanasié. Le biovar 1 est rare en Europe : seuls trois cas humains et 2 cas canins ont été décrits à ce jour. Il est en revanche prévalent en Asie méridionale, dans les deux Amérique et en Océanie. Pour les cas canins européens, mode de transmission probable la consommation de viande crue : importée d'Europe de l'est dans le premier cas, et d'Argentine (viande de lièvres) dans le second. Dans le cas présent, le maître alimentait son chien avec différentes viandes, conservées au congélateur, et dont toutes n'ont pas pu être prélevées. Parmi elles, de la viande de kangourou, dont des échantillons ont été testés, mais aucune Brucella n'a été détectée. Comme l'incubation de la brucellose peut s'étendre sur 2 mois, le lot analysé n'était pas celui aliment à l'animal sur la période de contamination. Le LNR a réalisé le séquençage intégral du génome de la souche et la trouve apparentée à des souches de la région Pacifique. Le chien n'avait pas voyagé et le maître n'était pas chasseur. Il n'est pas possible d'exclure que cette viande, provenant d'un pays et d'une espèce où ce biovar est enzootique, soit à l'origine de la contamination. L'hypothèse alimentaire reste la plus probable.

Un cas humain probable

Dès l'identification de Brucella, « l'évaluation du risque zoonotique a porté sur les cabinets vétérinaires et le laboratoire de microbiologie », où les personnes présentant un risque élevé d'exposition « ont été informées et soumises à un contrôle sérologique. Un membre du personnel du cabinet vétérinaire généraliste qui avait été en contact étroit avec l'animal a présenté une valeur légèrement accrue d'anticorps IgM (…) environ 14 jours après le premier contact avec le chien. L'employé concerné a également signalé des symptômes tels que la fatigue et des sueurs nocturnes qui ont duré environ une semaine. Les symptômes se sont rapidement améliorés sous doxycycline ». Le contrôle sérologique effectué six semaines plus tard a montré des valeurs d'IgM légèrement élevées sans augmentation des valeurs d'anticorps IgG. Un an et-demi plus tard, cette personne est restée asymptomatique. Prudents, les auteurs estiment que l'employé de la structure vétérinaire est un cas probable, mais non confirmé (pas d'IgG et pas de test PCR réalisé). Pour les auteurs, « ces résultats soulignent l'importance de considérer des espèces de Brucella moins courantes comme des causes possibles de la brucellose canine » et dont comme pouvant résulter dans une transmission zoonotique.