titre_lefil
Elanco & Proplan

20 juin 2025

Chuuut ! Baissez la lumière et laissez-les dormir en hospitalisation

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Un chat hospitalisé en soins intensifs dort (encore) moins bien qu'un chien selon les résultats de cette étude (cliché Pixabay).
Un chat hospitalisé en soins intensifs dort (encore) moins bien qu'un chien selon les résultats de cette étude (cliché Pixabay).
 

En médecine humaine, la qualité de sommeil des patients hospitalisés en unité de soins intensifs fait l'objet de travaux de recherches depuis une quarantaine d'année. Les facteurs qui l'altèrent sont intrinsèques, liés à la gravité de la maladie, au traitement, à la douleur, à l'anxiété, à la perturbation du rythme circadien… Ils sont également extrinsèques, relatifs à l'environnement hospitalier : bruit, lumière, activités de soins.

Des cliniciens américains, de l'école vétérinaire de Raleigh (en Caroline du Nord) ont mesuré l'activité de chiens et chats hospitalisés dans leur unité de soins intensifs, afin d'évaluer le temps passé à dormir. Leurs résultats (publiés en libre accès dans le JEVCC) confirment que ces animaux présentent un sommeil perturbé également et en identifient les mêmes facteurs, extrinsèques au moins.

112 animaux observés toutes les heures

Cette étude observationnelle a été menée sur une période de 4 semaines. Elle a inclus de manière prospective les chiens et chats hospitalisés durant plus de 24 heures, pour des motifs très divers : 96 chiens et 16 chats au total.

Outre les données démographiques et médicales des animaux (notamment leurs traitements, anesthésiques, sédatifs ou analgésiques en particulier), leur niveau d'activité était renseigné environ toutes les heures : actif, couché (avec les yeux ouverts) ou endormi. Pour les chats, il était précisé s'ils étaient cachés (une boîte est placée dans certaines cages), mais ce n'est pas arrivé au cours de l'étude. La durée du séjour (jusqu'à 6 jours) était prise en compte et les données (souvent incomplètes) du premier et du dernier jour ont été exclues des analyses.

Des paramètres relatifs à l'environnement étaient également relevés au même moment : emplacement, lumière (atténuée ou non), bruit (sur une échelle de 1 à 3), nombre de personnes présentes dans la pièce, et usage d'un spray de phéromones apaisantes pour les chats (ce qui n'a jamais été observé dans l'étude). Les animaux hospitalisés étaient recensés deux fois par jour ; ils étaient 9 en médiane à 11 heures le matin.

Tous ces renseignements étaient pris au moment de la ronde des soignants, mais avant les soins.

Durées inégales de sommeil

La période nocturne a été arbitrairement fixée à 21h-6h. Et la durée journalière de sommeil s'entendait sur la période 8h-8h.

Indépendamment de l'espèce, les animaux ont passé en médiane 37,5 % du temps à dormir. Cette durée est bien plus longue pour les chiens – 40 % du temps en médiane – que pour les chats – 11 % seulement (la différence est significative). Ce dernier chiffre pourrait même être surévalué : un chat stressé fait souvent « semblant de dormir ».

Ces durées étaient variables selon les individus (18-54 % pour les chiens et 0-19 % pour les chats). La plus longue période de sommeil (sommeil continu sur plusieurs observations) était aussi plus courte chez les chats, de 1,1 heure en moyenne par comparaison aux chiens.

Le sommeil apparaît ainsi « fortement altéré », selon les auteurs. En effet, il est rapporté que les chiens dorment 8 à 13 heures par jour (10 heures en moyenne), suivant des périodes d'environ 45 minutes, et surtout la nuit. Les chats dorment davantage (environ 13 heures) mais selon des cycles plus variables (50 à 110 minutes) et souvent de préférence durant la journée. Ici toutefois, l'heure n'a pas influencé significativement l'activité des animaux.

Une habituation à l'environnement

Le jour d'hospitalisation comme le nombre de chiens et chats hospitalisés n'affecte pas leur activité dans cette étude. En revanche, la durée d'hospitalisation l'influence : le temps de sommeil journalier augmente à mesure des jours (+ 0,4h par jour supplémentaire), mais pour se stabiliser après quelques jours. Le premier jour, les animaux dorment 0,7h de moins que par la suite.

Une acclimatation à l'environnement semble ainsi se produire. Elle demande toutefois plus d'une journée, et n'empêche donc pas la carence en sommeil initiale.

Favoriser un environnement calme

Sans surprise, l'éclairage et le bruit sont des facteurs d'influence du sommeil.

  • La lumière était forte (blanche, intense) la plupart du temps (82,5 % des observations), y compris la nuit (62 % du temps). Et le sommeil des animaux était significativement plus fréquent lorsqu'elle était atténuée (verte ici).
  • De même, bruit et sommeil des animaux étaient inversement corrélés. Le niveau de bruit était réparti comme suit : faible (1) à 62,5 %, moyen (2) à 35,8 % et élevé (3) à 1,6 % ; il était globalement plus élevé à 7h et 8h (qui coïncident avec les rondes avec les étudiants), et lorsque les soignants ou les animaux hospitalisés étaient plus nombreux. Le nombre de personnes présentes dépassait 10 lors de 5,6 % des relevés et inversement, ils étaient moins de 5 à 35,4 %. En clinique vétérinaire, l'effectif des équipes soignantes est évidemment plus réduit que dans un établissement d'enseignement, où les étudiants étoffent les effectifs.
  • La place dans le chenil et, plus étonnamment, l'administration de sédatifs ou une anesthésie générale n'ont pas influencé la durée journalière de sommeil des animaux. La durée d'action de ces médicaments est toutefois variable et l'objectif de l'étude n'était pas d'évaluer spécifiquement leur impact sur le sommeil.

Ainsi, et comme déjà mis en œuvre dans certaines cliniques récentes, une attention peut être portée sur les options d'éclairage et l'insonorisation des chenils et chatteries d'hospitalisation dans leur conception. La séparation des chiens et des chats (espèce plus sensible), voire la répartition dans plusieurs pièces plutôt qu'une grande salle unique, sont également à considérer lorsque possible. D'autres chercheurs ont proposé l'usage de portes en plexiglas teinté, qui isole les animaux (notamment les chats) tout en les conservant visibles de l'extérieur (pour les surveiller). Le confort des cages est évidemment un point crucial pour favoriser le repos.

Dans l'étude, l'unité de soins intensifs était séparée de la salle des soins d'urgence, ce qui peut favoriser le sommeil des animaux. Inversement, les traitements en hospitalisation se déroulaient principalement 4 fois par jour (à 7h, 13h, 19h puis 1h), entraînant beaucoup d'activité dans l'heure qui précède (donc le « dérangement » fréquent des animaux), et des périodes de calme n'étaient pas spécifiquement prévues. Une heure précise pour atténuer la lumière n'était pas non plus définie (l'éclairage étant laissé à la préférence des équipes soignantes). Autant de pistes pour améliorer les conditions de repos des animaux hospitalisés.

Quel impact sur la convalescence ?

Le manque de sommeil pourrait affecter la convalescence chez ces animaux. En effet, chez les patients humains en soins intensifs, il a été montré qu'il entraîne un défaut des fonctions de ventilation, cardiovasculaire, immunologique, hormonale… et altère l'homéostasie métabolique ; il augmente aussi le stress psychologique, l'ensemble influençant la morbidité et la mortalité. Des effets délétères similaires sont une hypothèse qui reste à vérifier chez les chiens et les chats hospitalisés.