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15 mars 2023

Quel protocole de sédation pour un chat non coopératif

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Pour leur étude, les cliniciens ont sélectionné 18 chattes errantes, trappées pour stérilisation, dont la manipulation sans sédation était impossible du fait de leur niveau de stress ou leur agressivité (cliché Pixabay).
Pour leur étude, les cliniciens ont sélectionné 18 chattes errantes, trappées pour stérilisation, dont la manipulation sans sédation était impossible du fait de leur niveau de stress ou leur agressivité (cliché Pixabay).
 

La détection d'une myocardiopathie subclinique chez le chat s'effectue par échocardiographie, idéalement sur animal vigil. Idéalement seulement car l'examen impose une bonne coopération de l'animal. Pour les (nombreux) chats peu ou pas coopératifs, une tranquillisation est nécessaire.

L'administration d'un seul sédatif ne procurant généralement pas un effet suffisant sur un chat très difficile, une équipe italienne (université de Milan) a testé deux protocoles de tranquillisation multimodale, et en a comparé les résultats à double titre : sur la qualité de sédation obtenue ainsi que sur les paramètres hémodynamiques cardiaques. En effet, chez ces chats, l'augmentation des doses requises pour une sédation suffisante est susceptible d'affecter les paramètres mesurés à l'échocardiographie.

18 chattes nerveuses voire agressives

Pour cette étude prospective, dont les résultats sont publiés en libre accès dans le JFMS, les auteurs ont recruté 18 chattes non sociabilisées (chattes errantes trappées pour stérilisation avant relâchage) : nerveuses voire agressives lorsque manipulées. Les animaux ont été placés sous diète hydrique puis totale (depuis 6 et 12 heures, respectivement), en vue de leur stérilisation par ovariectomie. Leur bon état de santé a été établi suivant les résultats des analyses de sang effectuées (bilan hématologique et biochimique, dépistage du FeLV et du FIV), un prélèvement de sang ayant donc été rendu possible post-sédation !

Dexmédétomidine ou alfaxalone

En effet, les chattes ont été réparties au hasard en 2 groupes de 9, recevant l'un des  deux protocoles de sédation suivants, administrés par voie intramusculaire (dans le muscle quadriceps, le chat étant maintenu en cage de contention).

  • Groupe D (pour dexmédétomidine) : kétamine (2 mg/kg) + méthadone (0,3 mg/kg) + dexmédétomidine (7 µg/kg).
  • Groupe A (pour alfaxalone) : kétamine (2 mg/kg) + méthadone (0,3 mg/kg) + alfaxalone (2 mg/kg).

Sédation satisfaisante

Le niveau de sédation de l'animal a été évalué à l'aveugle toutes les 5 minutes pendant 20 minutes (T5 à T20) : score de sédation sur une échelle de 0 (alerte) à 15 (sédation profonde), basé sur des paramètres comme la posture, le réflexe de clignement à la menace, la réponse au positionnement en décubitus latéral.

Les résultats montrent un bon niveau de sédation, sans différence significative entre les groupes à chacune des 6 mesures.

Dans le groupe D, le score de sédation a atteint un pic à T15, et s'est maintenu à T20 (score de 12/15 en médiane). Dans le groupe A, le pic a été obtenu dès T10, avec un score médian de 11/15. Quelques effets indésirables comme des tremblements ou une hyperréactivité aux stimuli ont été observés chez 5 chattes de ce groupe, ce qui a déjà été rapporté suite à l'administration d'alfaxalone chez le chat dans d'autres études.

Selon les auteurs, les deux protocoles testés apportent ainsi une sédation satisfaisante de ces chats difficiles. Ils signalent toutefois que les chattes de l'étude étaient de jeunes adultes (âgées de 2 ans au maximum) et que l'évaluation de l'effet sédatif sur des chats plus âgés serait intéressante. La sécurité de ces protocoles n'a pas non plus été évaluée ici chez des chats atteints de myocardiopathie (ce qui n'était pas l'objet de l'étude).

Pose du cathéter sans difficulté

À T20, un cathéter intraveineux a été posé sur l'une des veines céphaliques. La facilité du geste a été évaluée, avec une note entre 0 (très difficile) et 3 (très facile), ne révélant pas de difficulté et sans différence entre les groupes. Au besoin, une dose supplémentaire de dexmédétomidine (2 µg/kg) ou d'alfaxalone (1 mg/kg) pouvait être administrée, ce qui n'a pas été nécessaire. Le cathéter a permis de prélever du sang pour analyses.

La fréquence cardiaque et la pression artérielle systémique ont également été mesurées à ce moment. La fréquence cardiaque était alors significativement plus basse dans le groupe D (89 bpm versus 173). En revanche, la pression artérielle était significativement supérieure (pression artérielle systolique de 125 mmHg vs 105 par méthode Doppler), probablement suite à l'effet vasoconstricteur de la dexmédétomidine.

Du propofol IV en plus pour l'échocardiographie

Une première échocardiographie a été réalisée 10 minutes après la pose du cathéter. La facilité de contention de l'animal a également été évaluée pour cet examen (note de 0 à 3). Elle a été significativement meilleure dans le groupe D (score médian de 2 versus 1).

Toutefois, le niveau de sédation n'était globalement pas suffisant pour réaliser l'examen : au besoin, du propofol était administré à effet par voie IV, ce qui a été effectué chez 7/9 chats du groupe D et tous ceux du groupe A, à une dose médiane toutefois inférieure dans le premier groupe (7 mg contre 10 mg dans le groupe A).

Préférence à l'alphaxalone pour l'échocardiographie

À la suite de l'examen, les chattes ont été placées sous anesthésie générale (induction au propofol IV puis maintenance à l'isoflurane), afin de pratiquer l'ovariectomie.

À l'issue de l'intervention (5 minutes après l'arrêt de l'anesthésie), une seconde échocardiographie a été effectuée (soit environ 50 minutes après la première). La fréquence cardiaque a été mesurée à nouveau, montrant encore une fréquence cardiaque plus élevée dans le groupe A (122 bpm versus 104). Les mesures de la pression artérielle systémique, réitérées elles aussi, n'ont en revanche pas montré de différence entre les groupes.

Lors des examens échocardiographiques, les mesures effectuées sont restées dans les valeurs de normalité, et globalement sans différence entre le premier (préopératoire) et le second (postopératoire). Toutefois, les auteurs relèvent de plus nombreux changements entre les deux mesures chez les chattes du groupe D, et de plus nombreux paramètres modifiés, pouvant ainsi amener à surestimer le diamètre ventriculaire gauche et sous-estimer la fonction ventriculaire, gêner le diagnostic d'une myocardiopathie obstructive, par exemple, ou détecter à tort un sur-risque de thromboembolie, ce qui n'apparaît pas dans le groupe A. Ces observations les amènent à recommander de préférer l'alfaxalone pour la sédation en vue d'une échocardiographie, afin d'optimiser la fiabilité de l'examen.