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23 septembre 2022

Obésité : la moitié des propriétaires en sont au stade du déni et seulement 6 % dans l'action

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

 

Il est bien inutile de conseiller un propriétaire sur la mise en œuvre d'un programme d'amaigrissement de son animal obèse si, malgré l'évidence, il ne « voit » pas que son animal est en surpoids. Or, selon une étude canadienne, plus de la moitié des propriétaires en sont au stade de déni du problème… autant dire qu'ils ne sont pas près d'agir. Car pour passer de l'intention à l'action, changer ses habitudes évolue par étapes. Et faire maigrir son animal impose souvent des changements majeurs, en termes d'alimentation, d'activité, etc.

Les 5 étapes du changement

Pour leur étude, publiée en libre accès dans le VetRecord, les auteurs (de l'école vétérinaire de Guelph en Ontario) se sont inspirés des 5 étapes du changement de comportement décrites par les psychologues Prochaska et DiClemente au début des années 1980 dans le cadre de la prise en charge des addictions chez l'homme, en l'occurrence par l'observation de patients fumeurs. Selon le résultat de ces observations, le changement intentionnel de comportement ou d'habitudes suit généralement les étapes suivantes.

  1. La pré-contemplation, « il n'y a pas de problème ». Cette étape correspond au stade du déni, dans lequel il n'existe aucune intention de changer. La personne n'est pas consciente du problème, ou le minimise, elle se focalise sur ses aspects positifs, se satisfait finalement de la situation. C'est le « j'arrête quand je veux » de l'alcoolique mondain, ou le « ah ça il profite bien » du propriétaire de chien obèse.
  2. La contemplation, « il y a un problème, mais… ». Ce stade est ambivalent : la personne reconnaît l'existence du problème (qu'elle attribue souvent à des causes extérieures, contextuelles), mais elle oscille entre avantages et inconvénients du changement. L'intention est là mais la personne est indéterminée. C'est le « je devrais arrêter de fumer mais j'ai peur de grossir », le « on va supprimer les friandises mais il va être malheureux ». À ce stade, la personne peut envisager de changer dans les mois qui viennent, ou effectuer des tentatives se révélant souvent improductives (car elle souhaite réduire les inconvénients mais conserver les avantages : on mange léger pour mieux s'autoriser des écarts).
  3. La préparation, « oui, il faut que ça change ». Les inconvénients ont pris le dessus, la décision est prise, la personne se prépare à l'action, recherche des informations, et de l'aide. C'est le « je suis trop mal, j'entame une thérapie », et le « comment faire Docteur ? ». Cette fois, le changement est planifié dans un futur proche, de petits changements peuvent avoir commencé.
  4. L'action, « je fais quelque chose pour que ça change ». L'intention se traduit en actes, le changement est effectif et important, c'est un objectif prioritaire (avec toutefois des résultats variables). C'est le « je n'ai pas pris un verre depuis une semaine », le « on l'a passé aux croquettes light le mois dernier ».
  5. La consolidation. Le changement se maintient. Les nouvelles habitudes sont ancrées, généralisées quel que soit le contexte. C'est le « j'ai arrêté de fumer il y a plus de 6 mois », le « on va à l'agility tous les dimanches depuis cet été ». Attention toutefois aux rechutes, qui peuvent d'ailleurs survenir à chaque étape.

L'évolution se déroule aussi à un rythme variable selon les individus. Et elle n'est pas linéaire, des retours en arrière sont fréquents ; il est important de s'y attendre.

À chaque stade correspond une action thérapeutique adaptée (sensibilisation, argumentation, encouragements, prescription, suivi…). D'où l'intérêt pour le vétérinaire d'identifier où en est le propriétaire, afin d'éviter d'être en décalage dans ses échanges avec lui. Le risque est en effet d'être inefficace, voire d'altérer les relations entretenues ; l'obésité est souvent un sujet sensible. Les clients précontemplatifs peuvent être considérés comme « difficiles » ou « résistants » par l'équipe vétérinaire, qui propose en fait un plan d'action à un moment qui n'est pas opportun dans le processus. Et les contemplatifs opposent des contre-arguments aux arguments avancés par leur vétérinaire, ce qui fait partie du processus, mais peut être interprété comme de l'immobilisme. Or, selon les résultats de l'étude, la très grande majorité des propriétaires se situent à ces deux stades.

Des participants informés du surpoids de leur animal

L'objectif de l'étude était en effet d'évaluer la proportion de propriétaires correspondant aux diverses étapes du changement. Un premier questionnaire a permis d'identifier des propriétaires de chien ou de chat en surpoids : il s'agit de ceux qui ont évalué le score corporel de leur animal à au moins 6 sur une échelle de 1 à 9 (à partir des images non légendées qui leur étaient présentées), ce qui a été le cas pour 29 % des participants (18,6 % des chiens et 50 % des chats concernés).

Ces propriétaires ont alors été informés que leur animal est en surpoids ou obèse. Et ils ont participé (sur une base volontaire, acceptée à 78 %) à un questionnaire additionnel permettant de les situer comme appartenant de manière plus simplifiée aux 3 stades suivants : pré-contemplation, contemplation et dans l'action (qui inclut le stade de consolidation).

119 propriétaires (canadiens en majorité, ou américains) ont ainsi été finalement inclus, interrogés entre mi-novembre 2020 et fin janvier 2021.

Moins de 6 sur 10 aux stades actifs

Les résultats montrent la répartition suivante (voir aussi le tableau en illustration principale).

  • Pré-contemplation : 62/119 soit 52 % ;
  • Contemplation : 50/119 soit 42 % ;
  • Action/consolidation : 7/119 soit 6 %.

À la fin, deux questions supplémentaires étaient posées pour évaluer l'intérêt des propriétaires pour prendre en en charge le (sur)poids de leur animal, puis leur degré de confiance dans leur capacité à le faire (évaluation sur des échelles de 0 « nul » à 10 « extrême »).

100 participants (sur les 119) ont répondu à cette partie. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant.

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L'analyse de ces résultats ne montre pas de différence significative selon l'espèce animale (chien ou chat). En revanche, l'intérêt porté à faire maigrir son animal est significativement inférieur chez les personnes au stade de déni (pré-contemplation) par comparaison à celles de chacun des autres stades. Il n'y a pas de différence ensuite entre les contemplatifs et les actifs sur ce point.

Plus étonnamment, aucune différence n'est identifiée sur la confiance en soi pour agir parmi les propriétaires des trois différents stades. Cette confiance en soi n'est pas plus élevée chez les propriétaires dans l'action, alors qu'elle permet souvent de persévérer lorsque des difficultés apparaissent. Les auteurs proposent de travailler sur les moyens d'encourager la confiance et l'optimisme des propriétaires quant à leur capacité de réussir à faire maigrir leur animal.

Ils proposent surtout de développer des outils pratiques et rapides pour que le vétérinaire évalue le niveau d'intention du propriétaire à effectuer le changement proposé, afin d'adapter son approche de la problématique en termes de communication.