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10 janvier 2022

Polyadénopathie et lésions cutanées : penser leishmaniose chez le furet aussi

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Le premier cas d'un furet atteint de leishmaniose a été diagnostiqué en 2019, faisant l'objet d'une publication début 2020 (voir références à la rubrique ‘En savoir Plus' – cliché Pixabay).
Le premier cas d'un furet atteint de leishmaniose a été diagnostiqué en 2019, faisant l'objet d'une publication début 2020 (voir références à la rubrique ‘En savoir Plus' – cliché Pixabay).
 

La leishmaniose chez le chien est bien connue. Elle est désormais mieux documentée chez le chat. Chez le furet en revanche, les connaissances sont parcellaires : seuls quelques cas ont été rapportés à ce jour.

Une équipe espagnole a effectué une revue de la littérature concernant la maladie dans cette espèce, et publie ses conclusions en libre accès dans Veterinary and Animal Science. Elle est à l'origine du premier cas rapporté chez un furet de compagnie, en Espagne donc (publication en 2020), puis d'une série de publications sur des rapports de cas ou des travaux réalisés sur la maladie dans cette espèce. Des arbres décisionnels sont proposés pour le diagnostic de l'infection lors de suspicion clinique (voir traduction ci-après) ou dans le cadre d'un dépistage.

23 cas rapportés, généralement asymptomatiques

Les auteurs n'ont identifié que 4 publications relatives à la leishmaniose chez le furet, en remontant jusque 1990 (mais en limitant aux revues en anglais), toutes de la même équipe. Elles totalisent 23 cas, dont 2 avec des répercussions cliniques.

Sur le plan épidémiologique, la contamination est essentiellement vectorielle (suite à la piqûre par un phlébotome infecté). Le risque se concentre ainsi dans les régions endémiques. Toutefois, le risque transfusionnel ne peut être écarté, car le parasite a été identifié dans le sang d'un furet leishmanien.

Les critères, notamment immunologiques, influençant la sensibilité du furet à Leishmania restent à explorer. Dans l'un des cas rapportés, l'animal présentait une inflammation chronique de l'intestin, traité avec des médicaments immunosuppresseurs (prednisolone, cyclosporine A).

Signes cliniques sans spécificité

Sur le plan clinique, les signes sont aspécifiques. Comme souvent chez le chien, les furets atteints cliniquement présentaient des lésions cutanées (érythème non prurigineux, papule douloureuse vraisemblablement au site d'inoculation, ulcère de la lèvre). L'examen histologique a révélé dans les deux cas une dermatite pyogranulomateuse diffuse chronique. L'un des furets présentait aussi une polyadénomégalie périphérique et une splénomégalie.

Les analyses de sang ont révélé dans les deux cas une hyperglobulinémie, ainsi que d'autres anomalies dans un cas : augmentation des marqueurs hépatiques (ALAT, PAL et GGT), mais dont le lien avec la leishmaniose n'a pas été confirmé. Pour les auteurs, la leishmaniose entre ainsi dans le diagnostic différentiel des cas d'hyperglobulinémie, d'étiologie multiple, chez le furet de compagnie. Réaliser une électrophorèse des protéines sériques apparaît donc intéressante en cas de suspicion

Démarche diagnostique similaire au chien et au chat

La confirmation du diagnostic utilise les mêmes techniques que pour le chien ou le chat : observation directe des parasites à la cytologie, immunohistochimie, culture et isolement. Le recours à la sérologie est possible, mais il reste à valider les seuils pour l'interprétation des résultats chez le furet.

La saison serait également à prendre en compte en zone d'endémie, car les titres en anticorps anti-Leishmania apparaissent généralement plus élevés chez les furets durant la période d'activité des vecteurs : en cas de résultat positif, renouveler l'analyse pendant la saison d'inactivité permettrait d'éviter de traiter inutilement des animaux séropositifs asymptomatiques.

La PCR est utile aussi, et intéressante en particulier pour évaluer la charge parasitaire.

Finalement, comme pour les autres espèces, la démarche diagnostique s'effectue en plusieurs étapes et associe différentes techniques. Les auteurs proposent un arbre décisionnel résumant la procédure à suivre face à un cas de suspicion clinique.

Démarche diagnostique lors de suspicion de leishmaniose chez un furet

D'après Villanueva-Saz et al., Vet. Anim. Sci., 2022.

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Traitements empiriques efficaces

Évidemment, avec seulement 2 cas d'atteinte clinique documentés, les données relatives au traitement sont plus que parcellaires. Les cas ont été traités différemment :

  • antimoniate de méglumine (8 semaines) et allopurinol (à vie),
  • ou miltéfosine (28 jours) et allopurinol (à vie).

Dans les deux cas, le protocole entrepris a permis de contrôler la maladie.

Selon les auteurs, le risque de xanthinurie comme effet secondaire de l'administration d'allopurinol existe toutefois, comme pour le chien (une xanthinurie a été observée chez le premier furet), et mérite ainsi la réalisation d'analyses urinaires régulières dans le suivi du cas.

Dépistage annuel en zones d'endémie

La leishmaniose est une zoonose. Les furets domestiques pouvant constituer un réservoir de la maladie, des mesures préventives seraient utiles en zone d'endémie, selon les auteurs. Néanmoins, les traitements prescrits pour les chiens ne sont pas disponibles pour les furets (vaccin, antiparasitaires externes) et leur tolérance est à valider avant utilisation. Pour prévenir les piqûres de phlébotomes, les furets pourraient toutefois, eux aussi, être gardés à l'intérieur des habitations en fin de journée (lorsque les insectes sont les plus actifs).

En zones d'endémie ou lors de séjour dans ces zones, un dépistage systématique est conseillé par les auteurs (chaque année par exemple, en saison d'inactivité des vecteurs), qui proposent un arbre décisionnel pour sa réalisation pratique. De même, face au risque de contamination lors de transfusion sanguine, ils recommandent de tester les furets donneurs.