titre_lefil
Elanco & Proplan

21 décembre 2021

Arrêt cardiaque : le premier trouble du rythme en cause est une tachycardie ventriculaire à l'origine d'une fibrillation fatale

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Enregistrement du holter ECG chez un bulldog anglais de 9 ans souffrant de myocardiopathie arythmogène
La première partie du tracé est caractérisée par une tachycardie ventriculaire monomorphe, brusquement suivie d'un probable choc vagal consistant en un rythme sinusal ralenti suivi d'un rythme ventriculaire accéléré, ralentissant progressivement, une bradycardie sinusale et une dissociation auriculo-ventriculaire. À 11h55, une nouvelle série de tachycardie ventriculaire monomorphe survient, suivie d'un épisode de tachycardie ventriculaire polymorphe qui s'aggrave finalement en fibrillation ventriculaire (chaque ligne correspond à 20 secondes). Source : Santilli et al., Vet. Cardiol., 2021.
Enregistrement du holter ECG chez un bulldog anglais de 9 ans souffrant de myocardiopathie arythmogène
La première partie du tracé est caractérisée par une tachycardie ventriculaire monomorphe, brusquement suivie d'un probable choc vagal consistant en un rythme sinusal ralenti suivi d'un rythme ventriculaire accéléré, ralentissant progressivement, une bradycardie sinusale et une dissociation auriculo-ventriculaire. À 11h55, une nouvelle série de tachycardie ventriculaire monomorphe survient, suivie d'un épisode de tachycardie ventriculaire polymorphe qui s'aggrave finalement en fibrillation ventriculaire (chaque ligne correspond à 20 secondes). Source : Santilli et al., Vet. Cardiol., 2021.
 

À la différence de l'homme, chez qui les décès par arrêt cardiaque s'expliquent 8 fois sur 10 par une maladie coronaire, un trouble du rythme, congénital ou acquis, secondaire à une myocardiopathie, semble plus souvent en cause chez les carnivores domestiques. Une fibrillation ventriculaire est suspectée être le plus probablement à l'origine de l'arrêt cardiaque chez le chien (comme chez l'homme cette fois). Afin de le confirmer, une étude rétrospective a été menée chez des chiens morts par arrêt cardiaque, et pour lesquels un enregistrement ECG de la période précédant l'arrêt du cœur était disponible.

Population hétérogène

Les 19 chiens de l'étude portaient en effet un holter ECG au moment de leur décès par arrêt cardiaque, ce qui a permis d'en analyser les tracés afin de déterminer le rythme cardiaque dominant pour chaque animal, ainsi que les arythmies présentées, surtout celles précédant l'arrêt cardiaque (dans les 30 minutes précédentes). Les propriétaires avaient renseigné en parallèle l'activité de leur chien (afin de distinguer les tachycardies physiologiques notamment, en cas d'exercice par exemple). Les informations du dossier médical, les signes cliniques présentés, le diagnostic échocardiographique, toute maladie concomitante, etc. étaient également pris en compte.

Ces chiens étaient 11 mâles et 8 femelles, âgés de 6 mois à 16 ans au moment du décès, de diverses races et de divers formats (de 3 à 65 kg). Tous présentaient une anomalie du rythme cardiaque lors de leur présentation en consultation référée, et 5 une insuffisance cardiaque congestive. Ils étaient référés pour divers motifs : syncopes (7 cas), auscultation anormale (8 cas), insuffisance cardiaque (2 cas), intolérance à l'effort (1 cas), bloc atrioventriculaire (1 cas).

Une majorité de cardiopathies structurelles

Pour 12 chiens sur les 19 (63 %), une cardiopathie structurelle avait été diagnostiquée ou suspectée : myocardiopathie dilatée (5 cas soit 26 % de l'effectif entier), dysplasie ventriculaire droite arythmogène (4, 21 %), maladie valvulaire dégénérative mitrale (2, 10 %), myocardite (1, 5 %). Les auteurs regrettent qu'aucun cas de sténose subaortique ne soit inclus ici (dont les formes graves peuvent se rapprocher de la maladie coronaire chez l'homme).

Aucun animal n'a fait l'objet d'une autopsie qui aurait pu confirmer ou affiner le diagnostic posé.

3 causes d'arrêt cardiaque

L'enregistrement ECG avant l'arrêt cardiaque était d'une durée de 10 heures en médiane (de 37 minutes à 21h30). Il a permis d'identifier comme rythme dominant : un rythme sinusal à 47 % (9/19 dont 2 cas d'arythmie sinusale), une tachyarythmie supraventriculaire à 21 % (4/19 dont 2 cas de fibrillation atriale) et une tachycardie ventriculaire monomorphe (lorsque les complexes QRS sont tous identiques) à 26 % (5/19). Le dernier chien présentait un bloc atrioventriculaire complet et persistant.

Le rythme terminal, observé dans les 30 minutes précédant le décès, distingue trois causes principales de l'arrêt cardiaque :

  • Une arythmie ventriculaire monomorphe (tachycardie ventriculaire monomorphe ou extrasystole ventriculaire), évoluant vers une fibrillation ventriculaire, est observée chez 8 chiens (42 % du groupe) ;
  • Une arythmie ventriculaire polymorphe (tachycardie ventriculaire polymorphe, c'est-à-dire avec des complexes QRV variables, éventuellement une torsade de pointes qui en est une forme particulière), évoluant là encore vers une fibrillation ventriculaire, est observée chez 4 autres chiens (21 %) ;
  • Une insuffisance cardiaque globale (asystole), ou un rythme agonique, est observé dans 7 cas (37 %). Chez ces 7 chiens, un réflexe vagal inapproprié (choc vagal) est suspecté, associé à une bradyarythmie grave, durable et/ou progressive, dans les minutes précédant l'arrêt cardiaque final. Mais l'hypothèse d'une bradycardie maligne, secondaire à l'hypoperfusion, ne peut être écartée, selon les auteurs.

Ces résultats montrent ainsi que le mécanisme le plus fréquent aboutissant à l'arrêt du cœur est une tachycardie ventriculaire, monomorphe ou polymorphe, évoluant en fibrillation fatale. Dans certains cas, la tachycardie monomorphe évolue en tachycardie polymorphe avant la fibrillation. Toutefois, un choc vagal est également suspecté dans plusieurs cas, et pourrait ainsi être impliqué dans la pathogénie des arrêts cardiaques lors de cardiomyopathie.