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Elanco & Proplan

14 décembre 2021

L'hyperparathyroïdie secondaire au Cushing s'expliquerait par une fuite urinaire de calcium

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Comparaison des fractions excrétées de calcium et phosphates chez des chiens atteints d'un syndrome de Cushing spontané par comparaison à des chiens témoins sains. * différence significative. Source : Corsini et al., JVIM, 2021.
Comparaison des fractions excrétées de calcium et phosphates chez des chiens atteints d'un syndrome de Cushing spontané par comparaison à des chiens témoins sains. * différence significative. Source : Corsini et al., JVIM, 2021.
 

Le syndrome de Cushing spontané, d'origine hypophysaire ou surrénalienne, aurait des conséquences sur le métabolisme du calcium. Des lithiases urinaires contenant du calcium surviennent occasionnellement chez des chiens atteints, et une hyperparathyroïdie secondaire, caractérisée par une augmentation des taux de phosphate et de parathormone dans le sang, est assez fréquente. Cette hyperphosphatémie altère le pronostic du Cushing, mais suivant un mécanisme encore incompris.

Chez le chien, le Cushing d'origine hypophysaire est associé à une augmentation de l'excrétion urinaire de calcium et une diminution de celle de phosphate. Mais chez l'homme, l'excrétion urinaire des deux, phosphate comme calcium, est augmentée. Pour tenter d'expliquer le phénomène, une étude prospective a été menée chez des chiens nouvellement diagnostiqués avec un syndrome de Cushing. L'éventuelle influence de l'impact de la maladie sur le métabolisme de la vitamine D était notamment incluse dans les investigations. Car dans l'espèce humaine, il est l'un des facteurs à l'origine de l'ostéoporose observée chez les patients atteints d'hypercortisolisme.

Batterie d'analyses sanguines et urinaires

L'étude s'est déroulée à l'hôpital vétérinaire universitaire de Bologne en Italie. 23 chiens chez lesquels un diagnostic de syndrome de Cushing venait d'être confirmé ont été inclus, ainsi que 12 chiens en bonne santé, suivis dans l'établissement pour leur bilan de santé annuel, afin de former un groupe témoin comparable en termes d'âge, de sexe et de poids. Les cas de Cushing iatrogène étaient écartés. Seuls des Cushing spontanés étaient retenus : 19 d'origine hypophysaire et 4 d'origine surrénalienne.

Des prélèvements de sang et d'urine (par cystocentèse) étaient effectués au même moment après 12h de jeûne, afin de mesurer :

  • Les concentrations sériques en ACTH, cortisol, parathormone, 25-hydroxyvitamine D (25(OH)D ou calcifédiol, marqueur du statut en vitamine D), 1,25-dihydroxyvitamine D (calcitriol, forme active de la vitamine D), facteur 23 de croissance du fibroblaste (FGF-23),
  • Les fractions excrétées de calcium et phosphates,
  • Les gaz du sang (calcium ionisé en particulier).

Un bilan sanguin hématologique et biochimique complet était également pratiqué, ainsi qu'une analyse urinaire.

Calcium total et calcium ionisé restent comparables

Les résultats de toutes ces analyses montrent des différences significatives chez les cas de Cushing par comparaison aux témoins sur les principaux paramètres suivants :

  • Augmentation de la fraction excrétée de calcium (0,43 % contre 0,15 % en médiane) alors que le calcium total et le calcium ionisé ne sont pas différents (voir figure en illustration principale) ;
  • Augmentation de la phosphatémie (4,81 mg/dl contre 3,86 mg/dl en moyenne), avec 22 % des chiens (5/23) présentant une valeur supérieure aux normes usuelles (hyperphosphatémie) et aucun dans le groupe témoin ;
  • Augmentation du ratio protéines/créatinine urinaires (RPCU, 0,70 contre 0,16 en médiane) ;
  • Augmentation de la parathormone circulante (54,6 pg/ml contre 24,6 pg/ml en médiane), la valeur mesurée dépassant les normes usuelles chez 60 % des chiens (17 % dans le lot témoin) ;
  • Diminution du calcifédiol sanguin (70,2 pg/ml contre 106 pg/ml en moyenne), passant sous les normes chez 25 % des chiens, le calcitriol étant sans différence significative ;
  • Diminution du FGF-23 (316,6 pg/ml contre 448,7 pg/ml en médiane).

Les auteurs ont également séparé les chiens à Cushing en deux sous-groupes, selon la valeur de la parathormone circulante, anormalement élevée ou restant dans les normes. Et chez les premiers, le rapport calcitriol/calciférol est alors significativement augmenté (2,92 en médiane) par comparaison aux seconds (1,46) ou aux témoins (1,39).

Enfin, les auteurs ont recherché des corrélations entre ces paramètres. Et ils n'en établissent que deux, assez modérées, entre :

  • Le rapport calcitriol/calcifédiol et la concentration en parathormone dans le sang (corrélation positive),
  • Le rapport calcitriol/calcifédiol et la concentration en FGF-23 dans le sang (corrélation négative).

Hyperparathyroïdie secondaire aux troubles phosphocalciques

Ces résultats confirment la présence d'une hypercalciurie chez les chiens atteints d'un Cushing spontané. Cette fuite urinaire favorise probablement la formation de cristaux calciques urinaires tels que décrits occasionnellement.

La calcémie comme le calcium ionisé ne sont pas altérés ici. Ce qui suppose la mise en œuvre de mécanismes compensatoires, potentiellement par une mobilisation du calcium osseux (ce qui n'a pas été évalué ici), ou par une augmentation de l'absorption digestive, ce qui est moins probable étant donné que, chez l'homme au moins, une diminution de cette absorption s'observe lors d'hypercortisolisme.

L'hyperphosphatémie observée dans cette étude demeure inexpliquée. Elle pourrait toutefois être consécutive à une diminution de l'excrétion urinaire (non observée ici).

L'augmentation de la parathormone circulante conforte l'existence d'une hyperparathyroïdie secondaire au Cushing. L'une des principales fonctions de la parathormone étant la rétention urinaire du calcium et l'excrétion du phosphore, il apparaît plus probable que cette hyperparathyroïdie découle des déséquilibres du métabolisme du calcium induits par l'hypercortisolisme (mais ne la provoque pas). Ce serait donc la fuite urinaire de calcium qui stimulerait la sécrétion de parathormone. Entre autres, car le mécanisme serait plurifactoriel, au vu de l'absence de corrélation observée entre tous ces paramètres ici. Dans le cas d'une hyperparathyroïdie secondaire à l'hypercortisolisme (autre hypothèse envisagée), les auteurs rappellent qu'une hypercalcémie et une hypophosphatémie devraient être observées.

Le rôle de la vitamine D reste complexe à élucider. Les résultats observés ici confortent l'hypothèse que l'hydroxylation de la vitamine serait favorisée lors d'hypercortisolisme et de parathyroïdie associée, comme supposé chez l'homme. De même, la diminution du FGF-23 observée chez les chiens à Cushing pourrait jouer un rôle dans le développement d'une hyperphosphatémie (et potentiellement d'une hypophosphaturie).