3 juillet 2025
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« Mâchouiller des os, ce qui est si apprécié par les prédateurs, n'est pas tant la dégustation d'un mets délicat, que la récolte d'un matériel nécessaire au maintien en bonne santé » résument des chimistes et biologistes russes, dans une étude décrivant « une nouvelle voie de détoxification de l'hème, jusque-là inconnue, dans le tractus digestif des chats » domestiques.
Ils rappellent que l'hème à l'état libre « est une molécule hautement toxique » : lipophile, il peut « pénétrer dans les cellules, y favoriser la formation des radicaux libres et provoquer le dysfonctionnement de nombreuses structures cellulaires ». Dans l'organisme, l'hème libre n'est formé qu'à l'occasion de la destruction des érythrocytes et lors de la digestion de viandes/sang. La voie la plus étudiée de sa détoxification est « une cascade catabolique d'oxydation et décomposition aboutissant à la formation de la bilirubine et d'autres dérivés [stercobiline et urobiline], excrétés avec les fèces ». Les insectes hématophages ont développé une autre stratégie, en inactivant l'hème absorbé lors du repas de sang par une cristallisation le rendant inerte (l'hémozoïne), mais cette voie n'est pas identifiée chez les vertébrés. Une alimentation excessivement carnée peut « déborder la voie de détoxification » vers la bilirubine, et entraîner des perturbations de la flore intestinale, voire participer aux processus conduisant au cancer côlorectal.
« Pourtant, de nombreux animaux sont carnivores (mammifères, oiseaux, reptiles) et ne paraissent pas s'intoxiquer malgré leur régime alimentaire ». Les chercheurs russes ont donc émis l'hypothèse que d'autres voies de « neutralisation des effets toxiques » de l'hème ont été développées chez ces espèces. Ils ont décidé de travailler avec les animaux qu'ils avaient à disposition : des chats domestiques de propriétaires (probablement ceux de certains auteurs). Leur hypothèse impliquait que, dans les fèces des chats, carnivores exclusifs, devrait figurer de l'hème libre, sous forme inactive différente des dérivés de la bilirubine.
Ils ont donc alimenté 4 chats adultes et en bonne santé, pendant 3 semaines, selon le régime exclusif suivant :
Les maîtres ont collecté les crottes des chats dans les 30 à 40 minutes après leur émission, dans des pots plastiques « transférés dans l'heure au laboratoire ».
Ces crottes ont été soumises à un protocole d'extraction chimique, puis à quatre méthodes d'analyses, à la recherche de l'hème nu : spectrométrie UV, chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse, spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) et microscopie électronique à transmission. Les extraits aqueux et alcooliques des crottes « contenaient de faibles fractions d'hème libre », qui n'était pas dissous par la soude – écartant la possibilité qu'il s'agisse d'hémozoïne. Par les trois premières méthodes, les auteurs confirment la présence d'hémine dans ces crottes, mélangée à de faibles quantités d'urobiline. Ce qui, pour les auteurs, « indique que l'hème d'origine nutritionnelle n'est pas majoritairement détoxifié par la voie de la bilirubine ».
Ils ont donc exploré la possibilité que l'hème soit neutralisé, dans la lumière intestinale, par une matrice. En dissolvant l'extrait contenant l'hème dans du méthanol et de l'HCl, ils identifient une matrice d'hydroxyapatites carbonatées – le composant minéral essentiel des os et de l'émail dentaire. Ces hydroxyapatites se présentent selon les conditions physicochimiques « soit sous forme cristalline, soit sous forme de microparticules amorphes ». Ils supposent que le procédé libérant l'hydroxyapatite des os ingérés et « encapsulant » ces microparticules à l'hème libre « se produit dans le chyme, lors du passage de l'estomac aux intestins ». En reproduisant ces conditions physicochimiques in vitro, ils observent la formations de microparticules de 50 à 70 nm de diamètre en microscopie électronique, et les mêmes spectres que ceux mesurés pour l'hémine dans sa matrice amorphe dans les extraits de fèces. Les auteurs ont enfin observé la même ultrastructure pour ces extraits obtenus in vivo. Pris ensemble, ces éléments « suggèrent fortement la formation de complexes insolubles entre l'hème libre et les hydroxyapatites carbonatés, dans le tractus gastro-intestinal de l'animal », conduisant à inactiver ce composé toxique.
Les dosages réalisés sur les crottes des chats selon les régimes alimentaires contraints montrent aussi que (voir le graphique ci-dessous) , « même pour un régime alimentaire riche en hème et sans os, la plupart de l'hème est [ainsi] détoxifié, soit par décomposition en urobiline, soit par encapsulation dans [ces] complexes. Cependant, la présence d'hème libre dans la fraction soluble dans le méthanol indique que la détoxification est incomplète dans le régime dénué d'os ».
Teneurs des différentes formes d'hème, libre ou lié, mesurées dans les fèces de chats adultes bien portants sur trois semaines d'un même régime alimentaire carné, contenant ou non des os (LeFil, d'après Duzhak et coll., 2021).
Il reste que c'est une voie de détoxification de l'hème inconnue jusque-là et qui est une convergence évolutive avec le mécanisme de cristallisation de l'hème développé par les arthropodes hématophages.
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