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26 mai 2015

Sultan a contracté la rage en Algérie. D'où l'intérêt de vacciner encore en France.

 

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Risque rabique selon l'OMS
Ce nouveau cas de rage importé sensibilise sur l'intérêt de la vaccination antirabique même chez les chiens et les chats qui ne voyagent pas à l'étranger.
Risque rabique selon l'OMS
Ce nouveau cas de rage importé sensibilise sur l'intérêt de la vaccination antirabique même chez les chiens et les chats qui ne voyagent pas à l'étranger.
 

Rage importée ou rage autochtone ? Ce cas de rage sur un chien résidant en France peut sans doute être considéré comme un cas de rage importé et non autochtone. La France pourrait donc conserver son statut de pays indemne de rage. Ce cas démontre à nouveau l'intérêt de vacciner contre la rage même si les animaux ne sortent pas du territoire français.

Un virus qui vient d'Afrique

Sultan, un Bull-Terrier âge de six mois, a séjourné en Algérie pendant 10 jours, du 21 avril au 7 mai, avant de revenir en France à Le Chambon-Feugerolles, près de Saint-Étienne.

Il est décédé de la rage dans la nuit du dimanche 17 au lundi du 18 mai après avoir mordu son propriétaire et le chien d'un voisin.

L'Institut Pasteur a confirmé l'origine africaine du virus (type Africa 1).

Le propriétaire était prévenu

Le propriétaire s'est heureusement rendu chez son vétérinaire ce qui a permis le diagnostic de rage. Le jeune Bull-Terrier, importé illégalement des pays de l'Est, n'était pas vacciné contre la rage avant de partir de 10 jours en Algérie, un pays où la rage est enzootique. Avant ce voyage, un vétérinaire avait pourtant prévenu son propriétaire que la vaccination antirabique était obligatoire pour un tel séjour.

« Une question de vie ou de mort »

Dix-neuf personnes ont été recensées comme ayant été en contact avec le chien depuis le retour du chien d'Algérie le 7 mai. Treize sont déjà traitées préventivement. Six autres âgées d'une trentaine d'années sont recherchées. « C'est une question de vie ou de mort » a indiqué la Directrice départementale de la protection des populations (DDPP) de la Loire lors d'une conférence de presse le 22 mai. Elle insiste pour que les personnes ayant été en contact avec le chiot se déclarent en urgence au 04 77 48 47 58.

L'intérêt de la vaccination

Ce nouveau cas de rage importé — le dernier datait de 2013 sur un chaton en Seine-Saint-Denis — sensibilise sur l'intérêt de la vaccination antirabique même pour les chiens et les chats qui ne voyagent pas à l'étranger.

C'est donc l'occasion de rappeler la police sanitaire antirabique applicable lorsque des cas de rage sont suspectés ou confirmés en France. Cette police sanitaire a été modifiée par trois arrêtés datés du 9 août 2011.

Les définitions réglementaires des « animaux reconnus enragés, suspects de rage, contaminés de rage, ou éventuellement contaminés de rage » sont rappelées dans le tableau 1 (article R. 223-25). Elles concernent les « animaux des espèces sensibles à la rage », les mammifères carnivores, herbivores domestiques ou en captivité.

Tableau 1. Définitions réglementaires.

 

L'article R. 223-25 du Code rural définit les « animaux reconnus enragés, suspects de rage, contaminés de rage, ou éventuellement contaminés de rage ».

 

La vaccination permet d'éviter l'euthanasie

Les chiens et les chats ayant été en contact avec un animal enragé sont des animaux « contaminés de rage ». Ils sont normalement « abattus » selon l'article L. 223-9 du code rural.

  • Aucune dérogation à l'euthanasie n'est possible s'ils ne sont pas vaccinés à la date du contact avec l'animal (avant le 7 mai dans le cas de Sultan).
  • En revanche, s'ils sont vaccinés, leur propriétaire peut demander une dérogation à l'abattage.

Surveillé pendant six mois à un an

Un arrêté du 9 août 2011 précise dans quelles conditions les animaux vaccinés et « contaminés de rage » sont conservés en vie en étant placés sous surveillance sanitaire pendant six mois à un an.

  • L'animal déjà « valablement vacciné » contre la rage au moment du contact avec l'animal reconnu enragé subit un rappel de vaccination, normalement dans les 48 heures suivant la date de confirmation officielle du cas (soit au plus tard le 23 mai dans le cas de Sultan).
  • Le propriétaire accepte de prendre l'entière responsabilité des conséquences résultant de la conservation de son animal qui fait l'objet d'un arrêté préfectoral.
  • Le propriétaire s'engage à ne pas « se dessaisir » de son animal pendant un an. Et, il le place, à ses frais, sous surveillance sanitaire pendant six mois. En pratique, un examen clinique vétérinaire est réalisé à la fin de chaque mois pendant trois mois, puis à la fin du sixième mois.
  • Tout signe de maladie, la mort ou la disparition de l'animal doit être signalé, sans délai, pendant un an. En cas de décès de l'animal, un diagnostic de rage est demandé à partir de la tête de l'animal.

Les animaux « éventuellement contaminés de rage » ne sont pas automatiquement abattus mais aussi placés sous surveillance sanitaire. Ils peuvent être abattus s'ils se montrent dangereux ou si les mesures de police sanitaire ne sont pas appliquées.

Six mois sans sortie libre

Autour de chaque cas d'animal enragé, il est établi une zone de restriction pour six mois. Il s'agit de la zone où l'animal a pu circuler librement durant la période où il aurait pu contaminer un autre animal, soit durant les 15 jours précédant le début des symptômes et jusqu'à sa mort, soit durant les 20 jours précédant la mort (si la date de début des symptômes n'est pas connue).

Pour Sultan, cette zone est celle où le chiot a circulé depuis son retour en France le 7 mai, soit le quartier de la Romière du Chambon-Feugerolles d'environ 500 mètres à 1 km de long. La zone inclut un hôpital et le square Louis Pasteur (!).

Seuls les animaux vaccinés peuvent sortir

Dans la zone dite de restriction, seuls les chiens vaccinés peuvent circuler librement sous la surveillance de leur maître dans la zone et ainsi entrer et sortir de la zone (voir tableau 2).

Les chiens non vaccinés de la zone ne peuvent sortir que muselés et tenus en laisse. Pendant six mois, ils ne peuvent ni sortir de la zone ni y entrer.

Les chats, vaccinés ou non, doivent rester enfermés. Ceux vaccinés peuvent circuler, entrer ou sortir en cage ou paniers fermés.

Tableau 2. Circulation des animaux vaccinés ou non dans la zone de restriction

Dans le cas de Sultan, l'arrête préfectoral a aussi interdit la primovaccination antirabique dans la zone de restriction pendant six mois.

Recenser les animaux « contaminés de rage »

Dans la zone de restriction, tous les détenteurs de chiens, de chats ou d'autres mammifères ayant été en contact avec l'animal enragé doivent le déclarer immédiatement à un vétérinaire sanitaire ou en mairie. Ces derniers, dits « contaminés de rage », seront alors euthanasiés s'ils ne sont pas vaccinés (voir ci-dessus). Les autorités incitent donc les propriétaires à se déclarer dans ce cas, sans toutefois les prévenir que leur animal sera alors probablement euthanasié.

L'euthanasie des animaux errants

Les chiens et les chats errants dans la zone de restriction sont placés en fourrière ou en refuge. La préfecture de la Loire a même organisé une opération de capture des chats errants.

  • Les animaux identifiés et vaccinés peuvent être récupérés par leurs propriétaires.
  • Sinon, les propriétaires peuvent néanmoins réclamer leurs animaux à la condition de les faire identifier et de les placer sous surveillance sanitaire pendant un mois, avec interdiction de s'en dessaisir durant ce délai.
  • Les chiens et chats errants non récupérés par les propriétaires sont euthanasiés à l'expiration d'un délai de huit jours ouvrés.

Le cas des chiots et des chatons

Des dérogations sont prévues pour les chiots et chatons nés moins de trois mois et trois semaines avant le début de la période de « contamination » ou nés durant cette période (soit les animaux nés entre le 24 janvier et jusqu'au 17 mai dans le cas de sultan).

Ces jeunes animaux peuvent être cédés et donc sortir de la zone de restriction à deux conditions.

  1. Ils sont identifiés et sont (primo)vaccinés.
  2. L'acquéreur s'engage par écrit à signaler tout signe de maladie, la mort ou la disparition et à ne pas s'en dessaisir pendant une durée d'au moins un mois (sauf euthanasie par un vétérinaire sanitaire) avec alors un prélèvement pour recherche de rage.

Dixième cas de rage depuis 2007

Depuis 2007, Sultan est le dixième cas de rage confirmé en France sur un chien ou un chat. Dans neuf cas sur dix, ils sont directement ou indirectement lié à l'importation irrégulière d'un chien ou d'un chat en provenance d'un pays où sévit cette maladie.

Les derniers cas de rage confirmés et rendus public en France depuis 2007 sont les suivants.

  • Novembre 2013. Argenteuil (Val d'Oise). Cas isolé de rage sur un chaton importé du Maroc.
  • Août 2011. Challans (Vendée). Cas isolé de rage sur un chiot importé du Maroc
  • Nov 2008. Isère. Cas isolé de rage sur un chiot importé du Maroc.
  • Mai 2008. Guyane. Cas humain et mortel de rage dans ce DOM.
  • Avril 2008. Var. Cas de rage sur un chiot importé de Gambie par la Belgique.
  • Février 2008. Seine-et-Marne… Trois cas de rage, un cas importé du Maroc (dans le Gers) et deux cas autochtones en Seine-et-Marne. La France perd pour deux ans son statut de pays indemne de rage.
  • Novembre 2007. Vendée. Un cas de rage sur un chat de Fontenay-le-Comte (contamination par une chauve-souris par un virus rabique habituellement peu contagieux pour les carnivores domestiques et l'homme).