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10 avril 2015

Vers l’abandon de la prophylaxie antirabique post-exposition lors de morsure

par un chien autochtone

par Vincent Dedet

Séance de vaccination antirabique à l'Ecole Normale Supérieure en 1886. Le docteur Grancher vaccine tandis que Louis Pasteur fait l'appel des mordus russes, anglais, francais. Dessin signé Bayard, en 1886 (source : Gallica, Bibliothèque Nationale de France, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b3200012r/f34.item)

Une équipe multidisciplinaire a construit un modèle décisionnel à partir des données de 10 ans de traitements post-exposition rabique en France métropolitaine. Elle montre que, lorsque le chien mordeur ne provient pas ou n’a pas été en contact avec un animal d’une région enzootique pour la rage, la meilleure prévention est de ne rien faire…

 
Séance de vaccination antirabique à l'Ecole Normale Supérieure en 1886. Le docteur Grancher vaccine tandis que Louis Pasteur fait l'appel des mordus russes, anglais, francais. Dessin signé Bayard, en 1886 (source : Gallica, Bibliothèque Nationale de France, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b3200012r/f34.item)
 

Une équipe multidisciplinaire d’experts vient de publier une série d’arguments solides pour que les personnes exposées à un chien mordeur en France métropolitaine ne fassent plus l’objet d’une prophylaxie post-exposition (PPE). Bien sûr, sont exclus de cette analyse les chiens revenant des zones d’enzootie rabique, ou ayant été en contact avec un tel animal.

Mordu, traité

Le dernier cas autochtone de rage humaine en France métropolitaine date de 1924 : les centres antirabiques font du bon travail. Jusqu’à présent, la démarche appliquée était qu’à moins d’avoir été léchouillé sur une peau intacte, tout patient peu ou prou “mordu” reçoive une PPE lorsqu’il se présente à un centre antirabique. Le protocole principalement appliqué en France consiste en 4 injections de vaccin antirabique au cours de trois visites (voir le tableau).

77 % de traitements à terme

De 2001 à 2011, ce sont 30 875 personnes (en moyenne 2 807 personnes par an) qui se sont présentées à un centre antirabique et ont reçu une telle PPE. Elles avaient des lésions de catégorie 2 ou 3 (voir le tableau). Dans plus de la moitié des cas (54,7 %), le chien (et donc son statut) n’était pas connu/traçable. En outre, près du quart de ces personnes n’a pas fini le protocole de quatre injections vaccinales (77 % l’ont réalisé jusqu’au bout). En moyenne, un patient est domicilié à 30 km d’un cantre antirabique. Les experts ont utilisé ces données dans un modèle du risque de développer la rage après une morsure par un chien autochtone au regard du risque d’accident mortel de la route en venant se faire traiter.

Stratégies de prophylaxie post-exposition tel qu’elles sont actuellement majoritairement appliquées  par les centre antirabiques en France. À noter qu’au Royaume-Uni, aucune prise en charge post-exposition n’est réalisée pour les contacts de catégorie 2 (d’après Dumas et al., 2015).

 

Risque de mourir de rage

Le risque de décès par accident de la circulation en France est estimé à 3,9 10-9/km. Comme il y a trois visites pour un protocole complet de PPE, la probabilité pour un sujet de décéder dans un accident de la route alors qu’il se rend ou revient du centre antirabique est de 7,02 10-7. Or ce risque est supérieur au risque calculé de mourir de rage quel que soit le scénario envisagé pour le protocole de PPE (5 options testées). C’est donc la stratégie de ne pas traiter les patients (quelle que soit la catégorie d’exposition) qui se révèle la plus efficace. C’est aussi — logiquement, la plus économe puisqu’aucun traitement n’est fait.

Surveillance

Ainsi, ces experts estiment que « la PPE de routine n’est pas indiquée après exposition à un chien en France métropolitaine ». Le modèle montre aussi que le risque de rage devient supérieur au risque d’accident mortel en route pour le centre antirabique si la probabilité qu’un chien soit enragé venait à augmenter. Plus précisément s’il y avait plus de 315 chiens enragés par an en métropole. Raison pour laquelle le maintien d’un dispositif de surveillance de la rage animale, dont les praticiens sont la pierre angulaire,est indispensable. C’est sur cette surveillance vétérinaire que s’appuiera une éventuelle décision officielle d’allégement des mesures de prophylaxie antirabique chez l’Homme.