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Elanco & Proplan

10 août 2020

La bandelette urinaire n'est pas fiable pour dépister une protéinurie chez le chat

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Répartition des résultats d'analyses urinaires réalisées chez 121 chats, selon l'indication de la bandelette urinaire (en abscisse) et en fonction du RPCU (en ordonnée). La bande bleue indique un RPCU douteux (entre 0,2 et 0,4). Le chat est protéinurique si le RPCU dépasse 0,4 (source Perez-Accino et al., JSAP, 2020).
Répartition des résultats d'analyses urinaires réalisées chez 121 chats, selon l'indication de la bandelette urinaire (en abscisse) et en fonction du RPCU (en ordonnée). La bande bleue indique un RPCU douteux (entre 0,2 et 0,4). Le chat est protéinurique si le RPCU dépasse 0,4 (source Perez-Accino et al., JSAP, 2020).
 

Quelle est la fiabilité de la bandelette urinaire pour détecter la présence de protéines dans les urines du chat ? Déceler et quantifier une protéinurie est effectivement l'un des objectifs premiers de cet examen. Notamment dans le cadre d'un bilan de santé – et particulièrement chez le chat âgé –, pour dépister une maladie rénale, ou pour en évaluer la gravité.

La technique de référence, quantitative, est la mesure du rapport protéines sur créatinine urinaires (RPCU), réalisée le plus souvent par un laboratoire d'analyse (externe). En première intention, la bandelette est une alternative semi-quantitative simple, rapide et économique. Encore faudrait-il qu'elle soit fiable. C'est ce que les auteurs d'une étude rétrospective, publiée en libre accès dans le JSAP, ont cherché à vérifier. Et leurs conclusions ne sont pas favorables, même en tenant compte de la densité urinaire pour interpréter le résultat.

Analyse rétrospective de 121 cas

Les auteurs ont en effet sélectionné 121 chats dont le dossier médical comprenait une analyse urinaire complète (y compris une mesure du RPCU), effectuée à partir d'un échantillon prélevé par cystocentèse et n'ayant pas révélé d'anomalie à l'examen microscopique du culot urinaire ainsi qu'à la bactériologie. La densité urinaire avait été mesurée « manuellement » à l'aide d'un réfractomètre.

Les résultats de la bandelette urinaire (de 0 à 4+) ont été comparés à ceux de la mesure du RPCU en retenant les seuils suivants :

  • RPCU < 0,2 : chat non protéinurique ;
  • Entre 0,2 et 0,4 : résultat douteux ;
  • RPCU > 0,4 : chat protéinurique.

Et ils montrent que leur corrélation est faible, que l'on considère comme positif (présence de protéines) un résultat de la bandelette de 1+ à 4+, mais aussi de « traces » à 4+ (voir aussi figure en illustration principale).

Ces observations ne sont pas une surprise. Elles sont conformes aux connaissances actuelles selon lesquelles la bandelette urinaire seule n'est pas recommandée. Elle manque en effet de spécificité (31 % ici) : de faux-positifs sont particulièrement observés lorsque les urines sont concentrées ou alcalines (pH de plus de 7,5 ; mais un pH très alcalin était un critère d'exclusion ici), ou riches en cauxine (peptidase naturellement excrétée dans les urines chez le chat). Elle manque également de sensibilité (81 % ici) : de faux-négatifs surviennent, à l'inverse, avec des urines diluées ou acides.

Coupler à la densité urinaire augmente la fiabilité chez le chien…

Le principal objectif de l'étude était alors d'évaluer l'intérêt d'associer la densité urinaire pour interpréter le résultat de la bandelette : ce dernier serait plus fiable lorsque la densité urinaire est faible. Les auteurs rappellent d'ailleurs que chez le chien, il a été montré que cette combinaison représente une alternative au RPCU pour détecter de manière fiable une protéinurie. Mais il n'existe pas de données pour l'affirmer chez le chat.

Ainsi, pour l'évaluer, les 121 cas retenus ont été répartis en quatre groupes selon la densité urinaire des urines prélevées :

  • < 1,008 (hyposthénurie, aucun cas ici),
  • Entre 1,008 et 1,012 (isosthénurie),
  • Entre 1,012 et 1,035 (urines légèrement concentrées),
  • > 1,035 (urines concentrées).

… Mais pas chez le chat

Et non, le traitement des données ainsi regroupées montre que la prise en compte de la densité urinaire n'améliore pas significativement la corrélation entre les résultats de la bandelette et ceux du RPCU. La sensibilité de la bandelette est de 82 % au maximum. Sa spécificité atteint toutefois 74 % au maximum, pour des échantillons dont la densité est inférieure à 1,035 et si la détection de traces n'est pas considérée comme un résultat positif (sensibilité et spécificité sont de l'ordre de 90 % chez le chien).

Les auteurs en concluent que « la bandelette urinaire est un indicateur inexact de la présence d'une protéinurie chez le chat, même combinée à la densité urinaire ». Selon eux, « les vétérinaires praticiens ne devraient pas se fier à ce test […], le recours à des méthodes quantitatives appropriées, comme le RPCU, devrait être systématique pour la détection d'une protéinurie dans l'espèce féline ».