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23 mars 2020

Masse isolée et indolore : un curieux pyogranulome stérile idiopathique est décrit chez trois chats

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Une néoplasie était fortement suspectée chez ce chat présentant une masse sous-cutanée au niveau de la face (cas n°1). Mais l'histologie sur biopsie révèle la nature de la lésion : un pyogranulome stérile (les flèches blanches désignent des neutrophiles et les noires des macrophages infiltrés). Image Giuliano et al., JSAP, 2020.
Une néoplasie était fortement suspectée chez ce chat présentant une masse sous-cutanée au niveau de la face (cas n°1). Mais l'histologie sur biopsie révèle la nature de la lésion : un pyogranulome stérile (les flèches blanches désignent des neutrophiles et les noires des macrophages infiltrés). Image Giuliano et al., JSAP, 2020.
 

Chez le chat, ils sont bien connus : les granulomes inflammatoires généralisés, comme dans la « forme sèche » de la PIF. Sont connus aussi : les granulomes cutanés ou sous-cutanés, habituellement associés à des infections mycobactériennes et fongiques, voire bactériennes ou parasitaires. Connues elles encore : les dermatites pyogranulomateuses stériles idiopathiques… Eux, en revanche, semblent nouveaux : des pyogranulomes stériles idiopathiques, se manifestant par la seule présence d'une masse sans atteinte cutanée visible. Nouveaux ou en tout cas jamais rapportés jusqu'à présent, selon des cliniciens de l'école vétérinaire de l'université de Cambridge (UK), qui en décrivent trois cas. Le détail de ces cas, tous d'évolution bénigne, est publié en libre accès dans le dernier numéro du JSAP (Mars 2020).

Le premier chat présente une déformation faciale

Le premier cas est un chat mâle castré de 5 ans, référé au motif de la présence d'une masse en région naso-maxillaire, dont l'apparition a suivi des soins dentaires (extraction d'une canine du même côté) et réfractaire au traitement antibiotique entrepris (amoxicilline et acide clavulanique). La masse, de consistance ferme et mal définie, entraîne une déformation de la face, sans toutefois sembler gêner l'animal. Elle est isolée, non associée à des ulcérations ou autre lésion cutanée. Les nombreux examens réalisés, dont un scanner pour explorer une possible origine cancéreuse, ne révèlent pas d'anomalie particulière. Les images montrent en revanche la présence de cette masse, associée à une lyse de l'incisive attenante et de l'os nasal. Et c'est l'examen microscopique sur biopsie qui révèle finalement la nature de la lésion : un pyogranulome stérile, idiopathique (voir résultat de l'histologie en illustration principale).

La masse n'a pas grossi de volume dans le temps. Mais le chat éternuait de plus en plus, ce qui a motivé une corticothérapie orale (prednisolone, 1 mg/kg/j). Après 12 mois (sans discontinuer le traitement), une quasi guérison est observée.

Masse abdominale indolore pour le second

Le second cas est une femelle (stérilisée) de 6 ans présentant une masse abdominale, détectée fortuitement à l'occasion du bilan de santé annuel. La masse était ferme, non douloureuse et partiellement mobile cette fois. Une néoplasie était encore ici l'hypothèse diagnostique première. Mais l'analyse d'une biopsie (reproduite sur prélèvement échoguidé) montre qu'il s'agit d'un pyogranulome, dont la cause reste inconnue malgré les investigations menées. Émanant du ganglion lymphatique mésentérique, la masse ne pouvait pas être reséquée. L'animal a donc vécu avec, sans évolution, pendant 2 ans, avant de décéder d'un traumatisme (accident de la route).

Nodules récidivants chez le troisième chat

Le troisième cas, un mâle castré de 6 ans, montre à nouveau une masse sous-cutanée, sous la mandibule droite. Indolore toujours, et sans autre signe associé, cette masse présente une croissance régulière, ayant doublé de volume en 5 mois pour atteindre 6 cm. Les traitements entrepris (AINS, antibiotiques) sont restés sans effet.

Comme pour les autres chats, une étiologie cancéreuse est suspectée en priorité. Mais elle est écartée par les résultats des examens complémentaires entrepris (radiographie, histologie sur biopsie), qui aboutissent à établir la nature pyogranulomateuse de la lésion. Une seconde analyse sur prélèvement après résection chirurgicale – car la masse continuait de grossir – le confirme, mais sans pouvoir y associer d'agent étiologie particulier (infectieux en particulier).

Quelques semaines après l'exérèse chirurgicale, de nouveaux nodules sont apparus le long des vaisseaux lymphatiques du cou et du ganglion préscapulaire. Les analyses de ces nouvelles lésions montrent qu'il s'agit encore de pyogranulomes stériles idiopathiques. La mise en place d'une corticothérapie (prednisolone à la dose de 2 mg/kg/j) a finalement abouti à l'amélioration puis la disparition de ces nodules en quelques mois. Après l'arrêt du traitement, aucune récidive n'a été observée.

Une possible cause inflammatoire à médiation immune

Au-delà de ses caractéristiques histopathologiques, cette forme inhabituelle de pyogranulome stérile apparaît ainsi similaire chez ces chats en termes démographique (des adultes d'âge moyen), descriptif (une masse isolée, indolore, mais de localisation variable), d'évolution (progression assez lente et bénigne, malgré une apparence clinique agressive) et d'étiologie (idiopathique malgré les analyses multiples et poussées réalisées).

Selon les rapporteurs de ces cas, la réponse à la prednisolone observée pour deux d'entre eux « indique une possible cause inflammatoire à médiation immune, comme chez le chien ».