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Elanco & Proplan

3 février 2020

Les intoxications accidentelles canines aux opioïdes corrélées aux prescriptions… d'humaine

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Aux USA, les appels au centre antipoison vétérinaire pour cause d'accident avec les opioïdes chez les chiens ne sont pas en augmentation - contrairement à “l'épidémie” en cours en humaine (LeFil, d'après Howard-Azzeh et coll., 2020).
Aux USA, les appels au centre antipoison vétérinaire pour cause d'accident avec les opioïdes chez les chiens ne sont pas en augmentation - contrairement à “l'épidémie” en cours en humaine (LeFil, d'après Howard-Azzeh et coll., 2020).
 

Sur fond de crise des opioïdes en humaine en Amérique du Nord, des épidémiologistes de l'université vétérinaire de Guelph (Canada) viennent de publier une analyse rétrospective des facteurs de risque d'intoxication accidentelle chez le chien, à partir de 9 ans de données. Des publications récentes montrent qu'il y a une association significative entre l'usage d'opioïdes chez les adultes et la survenue d'empoisonnement accidentel aux opioïdes chez les enfants mineurs vivant dans le même foyer, d'autant que « les hospitalisations pédiatriques causées par des empoisonnements aux opioïdes ont presque doublé entre 1997 et 2012 ». Chez les chiens comme chez les enfants, ces intoxications « provoquent un large éventail d'effets négatifs sur la santé cardiovasculaire et neurologique, qui peuvent être fatals en l'absence d'intervention ».

Toys R' sports

Plus des deux tiers (70,5 %) des 190 000 appels à l'American Poison Control Center (APCC) entre 2006 et 2014 concernant un (suspicion d')intoxication chez un chien avaient été réalisés par des particuliers (le restant par des vétérinaires). Deux groupes de races sont sur-représentés : les toy (24,6 % des appels) et les chiens de sport (23,4 %), loin devant les terriers (10,8 %). Dans leur grande majorité (75,2 %) il s'agissait d'animaux castrés (en lien avec sa proportion dans la population canine). Moins de 3 % du total des appels (5 162 sur la période, soit 2,7 %) concernaient un incident en lien avec des opioïdes, « quelle que soit la voie d'administration » (puisque les vétérinaires peuvent aussi appeler) et la molécule (illégale, sur prescription ou en libre accès comme le lopéramide – qui l'est aux USA). Bien que le nombre d'appels reçus par l'APCC pour des chiens soit en croissance constante sur la période, il n'y avait pas de tendance nette à l'augmentation des appels en lien avec ces molécules (pic en 2008 à 3,6 % des appels, nadir en 2014 à 2,2 %). Pour les auteurs, cela pourrait être lié à une réelle réduction des incidents, en lien avec les mesures prises depuis 2012 pour réduire la prescription d'opioïdes aux humains.

Chien petit, jeune et entier

Le modèle statistique (régression mixte) construit à partir de ces éléments identifient plusieurs facteurs associés au risque d'un appel pour intoxications aux opioïdes chez un chien :

  • un sur-risque de 22 % lorsque le chien n'est pas castré/stérilisé (p<0,001), ce qui pourrait soit être en lien avec un changement de comportement des animaux stérilisés, soit refléter des usages différents des opioïdes chez les maîtres ne faisant pas stériliser leur animal (médicalisation de l'animal ?) ;
  • pour toutes les races, le risque diminue avec l'âge des animaux (plateau après 9 ans), et cette variable est associée au poids. Plus l'animal est petit et léger et plus le risque augmente (seuls les terriers ne semblent pas avoir d'effet du poids sur le risque d'appel pour un “incident opioïde”). Cela reflète probablement, selon les auteurs, « la relation accrue d'intimité » partagée entre le maître et l'animal de petit format. Mais aussi leur vulnérabilité plus importante à une faible dose d'opioïdes ;

Échelles cantonale et d'état

  • un sur-risque de 20 % si l'appel provient d'un vétérinaire (p<0,001), qui, selon les auteurs, pourrait refléter le scrupule de propriétaires à appeler quand l'intoxication est liée à des substances illégales – bien que les données suivantes aillent à l'encontre de cette hypothèse ; 
  • le risque augmente de manière linéaire et élevée avec le taux de prescription d'opioïdes aux humains à l'échelle du canton, entre 20 et 150 prescriptions p. 100 personnes. Ce taux diminue depuis 2012, ce qui se reflète aussi dans la moindre fréquence d'appels à l'APCC pour des chiens. Les auteurs soulignent aussi que cela reflète probablement une faible fréquence des incidents canins avec des opioïdes illicites puisque ceux-ci sont « en général consommés peu de temps après leur acquisition ».

Bonne nouvelle pour les chiens

Les auteurs ont repris les données de santé publique du nombre de décès par overdose d'opioïdes à l'échelle de chaque état des USA sur la période étudiée, mais ne trouvent pas ce taux associé (au plan statistique) à celui des empoisonnements de chiens signalés à l'APCC. « Comme le taux de mortalité des humains causés par les opioïdes obtenus illégalement augmente et que les prescriptions d'opioïdes aux humains diminuent, il serait utile de déterminer la proportion de chiens intoxiqués par ces deux » sources. Mais, préviennent-ils, « les appels [à l'APCC] en lien avec les opioïdes diminuent au total et en proportion des appels pour d'autres causes toxiques, ce qui suggère que, malgré l'épidémie des opioïdes qui s'intensifie, la situation pourrait être en amélioration pour les chiens ». Dans tous les cas, ils ne constituent pas une sentinelle de l'exposition au risque d'intoxication pédiatrique aux opioïdes.