titre_lefil
logo_elanco

12 décembre 2018

Il y a bien une glycosurie basale chez le chat, dépendant de l'âge, indétectable par bandelette classique

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Résultat des mesures quantiatives urinaires chez la population de chats euglycémiques prise en référence, et chez celles souffrant de différentes affections (Zeugswetter et coll., 2018).
Résultat des mesures quantiatives urinaires chez la population de chats euglycémiques prise en référence, et chez celles souffrant de différentes affections (Zeugswetter et coll., 2018).
 

En médecine humaine, il est à présent acquis qu'un individu ayant une glycémie considérée comme normale excrète du glucose dans ses urines en quantité mesurable. Au point que cette excrétion, pour « un sujet euglycémique et avec une fonction tubulaire normale, cette excrétion est baptisée “glycosurie basale” » (< 15 mg/dl) depuis le milieu des années 2000. En est-il de même chez les chats en bonne santé ? Pour répondre à cette question, des cliniciens et biologistes de la faculté vétérinaire de Vienne (Autriche) ont fait du “data-mining”. Ils ont rétrospectivement extrait de la base de données de la clinique de leur université les résultats de dosages quantitatifs du glucose dans l'urine de chats, effectués entre août 2006 et août 2016. Les analyseurs utilisés avaient une limite de détection de 0,11 mmol/l.

132 chats en référence

Pour inclure un dossier dans l'étude, il fallait également disposer des résultats d'analyse sanguine concomitante à l'analyse d'urine. En excluant tous les sujets dont le dossier médical comportait mention d'une affection pouvant entraîner une glycosurie (15 sujets diabétiques) ou une fructosurie, une maladie rénale (n=67) ou un traitement susceptible d'affecter la clearance urinaire en glucose ou en créatinine (thyroxine, corticoïdes…), ils obtiennent 132 mesures différentes correspondant à autant d'animaux a priori en bonne santé (population de référence). La majorité de ces échantillons d'urine (n=128) avait été obtenue par pression vésicale ; le restant par cystocentèse. Ces chats étaient âgés de 9,1 +/- 5,1 ans. En grande majorité (88 %) il s'agissait d'Européens.

Jusque 1,67 mmol/l

La valeur la plus faible de glycosurie mesurée était inférieure à la limite de détection (un seul des 132 chats) ; la plus élevée de 1,67 mmol/l (voir l'illustration principale). La valeur médiane du ratio glucose/créatinine urinaires était de 24,1. Les auteurs confirment donc qu'il « y a une glycosurie chez les chats euglycémiques ». Ils estiment qu'il est donc approprié d'utiliser le terme de « glycosurie basale » chez le chat, même si la valeur en est faible (moyenne à 0,48 mmol/l, soit 5,76 mg/dl). Ni la race ni le sexe des chats n'avaient d'influence mesurable sur la mesure de la glycosurie ou du ratio glucose/créatinine urinaires (p=0,706 et p=0,257, respectivement). En revanche, il y a une corrélation négative entre l'âge et la mesure de glucose urinaire, les vieux chats présentant une concentration significativement plus faible (p=0,019). Cet effet est attribué par les auteurs à la dilution des urines car il n'y a pas de corrélation avec l'âge pour le ratio glucose/créatinine urinaires (p=0,344).

Les auteurs retiennent donc comme limites supérieures de référence :

  • pour le glucose dans l'urine : 1,48 mmol/l (26,68 mg/dl) ;
  • pour le ratio glucose/créatinine urinaires : 0,081.

Ils appellent toutefois à « les utiliser avec prudence » car la mesure de la glycémie avait été réalisée sans conservateur, au moins 5 heures après la prise de sang puisque ces prélèvements avaient été réalisés pour un motif clinique . Or « la glycémie peut chuter jusque de 7 % par heure en l'absence d'agents anti-glycolytiques » dans le prélèvement. Ils ne sont donc pas absolument certains que tous les sujets inclus dans la population de référence étaient bien euglycémiques…

Bandelettes négatives

Pour aucun des 132 chats pris en référence, l'évaluation qualitative de la glycosurie par bandelette n'avait été trouvée positive. Les auteurs précisent toutefois que la limite de détection des bandelettes urinaires varie selon leur marque, ce qui est « largement méconnu ». Cette variation va « d'environ 1 mmol/l (ou 20 mg/dl) à environ 5,5 mmol/l (100 mg/dl) ». En médecine féline, « la bandelette la plus sensible validée pour cette mesure fournit un changement de coloration positif pour une concentration urinaire en glucose de 2,78 mmol/l (50 mg/dl) ». C'est la marque qui était utilisée à l'université de Vienne. Vu que la valeur de glycosurie la plus élevée obtenue ici était de 1,67 mmol/l, il est donc logique qu'aucune bandelette n'ait fourni de résultat positif. Si la bandelette la plus sensible avait été utilisée (1,1 mmol/l, 20 mg/dl), 7 % des chats auraient théoriquement été trouvés positifs.

Enfin, les auteurs ont classé les 67 chats à maladie rénale pour leur stade IRIS : 7 d'entre eux étaient en stade 4. Ce sont ces chats dont la glycosurie et le ratio glucose/créatinine urinaires étaient les plus élevés dans cette population. Or « seules trois publications évoquent une glycosurie acquise chez le chat », en lien avec des xénobiotiques. Comme aucune de ces molécules n'avait été utilisée chez ces animaux, les auteurs souhaitent donc pousruivre les investigations sur cet aspect.