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13 mars 2018
Médicaments espagnols en bande organisée. Le trafic d'ordonnances reste illégal. Un décret espéré fin juin.
La décision inattendue de relaxe des éleveurs du sud-ouest par la Cour d'appel de Pau n'a pas fini d'agiter les vétérinaires établis en France (voir LeFil du 5 mars 2018). La surprise était d'autant plus grande que, sur des faits similaires, voire moins graves car ils n'étaient pas commis en bande organisée comme dans cette affaire, la Cour d'appel de Bordeaux avait condamné les éleveurs (voir LeFil du 16 janvier 2018). Explications sous forme de questions-réponses.
Non, car l'affaire est désormais devant la cour de cassation. Parties civiles, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires (CNOV) et le Syndicat des vétérinaires libéraux (SNVEL) ont déposé un pourvoi en cassation pour faire dire le droit face à des décisions de justice divergentes. En 2017, trois décisions de justice, à Bordeaux, Lorient et Vannes, ont toutes condamné les éleveurs ou les techniciens qui réalisaient des importations de médicaments espagnols sans autorisation de l'Agence de médicament vétérinaire (Anses-ANMV). La cour de cassation est aussi saisie de la condamnation des éleveurs par la Cour d'appel de Bordeaux.
Les deux jugements des cours d'appel de Bordeaux et de Pau montrent qu'il est sans doute aujourd'hui inutile de poursuivre ces éleveurs pour importation illégale de médicaments vétérinaires espagnols s'ils sont identiques à ceux autorisés en France.
Mais, dans un communiqué de presse du 8 mars 2018, les organisations vétérinaires mettent en garde des éleveurs qui pourraient croire, à tort, que les médicaments espagnols sont en vente libre ou peuvent être achetés avec des ordonnances de complaisance d'un vétérinaire espagnol.
Que le prescripteur soit français ou espagnol, il ne peut rédiger une ordonnance qu'après avoir établi un diagnostic, soit après un examen clinique des animaux, soit sur la base d'un suivi sanitaire permanent de l'élevage, ce qui lui impose d'y réaliser des soins réguliers (BSE, protocole de soins, visite de suivi).
Le vétérinaire qui rédige une ordonnance de complaisance, tout comme l'éleveur qui en profiterait pour contourner la loi, commettent des délits sanctionnés par la loi jusqu'à 2 ans de prison et 150.000 € d'amende voire, si ces délits sont commis en bande organisée (ce qui était le cas dans l'affaire jugée par la Cour d'appel de Pau), jusqu'à 7 ans de prison et 750.000 € d'amende.
Sur ce point, les cours d'appel de Pau et de Bordeaux convergent. Notre droit national n'est pas conforme aux articles 34 et 36 du traité européen sur la libre circulation des marchandises.
La justice française reproche donc au code de santé publique d'exclure implicitement les éleveurs du bénéfice économique potentiel des importations parallèles. Car, selon ses articles R. 5141-123-6 à -19 introduits par un décret du 29 mai 2005, la procédure d'autorisation importation parallèle n'est accessible qu'aux établissements pharmaceutiques vétérinaires. Elle s'apparente donc à une distribution en gros. Certes, il n'est pas interdit à un éleveur de monter un établissement pharmaceutique vétérinaire. Mais cela est apparu comme une exigence « disproportionnée » par rapport aux éleveurs qui se contenteraient d'acheter des médicaments moins chers en Espagne pour leurs propres besoins, sans chercher à les revendre à d'autres éleveurs en France.
Les deux cours s'appuient sur un arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) du 27 octobre 2016 qu'elles ont consultée. Selon la cour de Luxembourg, « les États membres sont impérativement tenus d'octroyer, par une procédure simplifiée, une autorisation d'importation parallèle, aux éleveurs désirant importer des médicaments vétérinaires pour les besoins de leurs propres élevages, sauf pour des considérations de santé publique ou animale ». Mais cette autorisation n'est « ni automatique ni inconditionnelle ». Elle peut être refusée si les exigences de santé publique ou animale ne sont pas remplies.
Ces exigences européennes de santé publique sont au moins au nombre de trois :
Compte tenu de ces jurisprudences, il semble désormais inutile de chercher à poursuivre des éleveurs pour « importation illégale » si les médicaments qu'ils achètent en Espagne sont identiques à ceux autorisés en France. Mais il reste possible de les poursuivre sur d'autres infractions graves et flagrantes au code de la santé publique, comme l'absence d'ordonnance valable rédigée par un vétérinaire après examen des animaux ou dans le cadre du suivi sanitaire permanent (BSE, protocole de soins…).
Si les deux cours d'appel convergent pour considérer le droit national comme incompatible avec le droit européen, elles divergent sur les conclusions qu'il convient d'en tirer dans ces affaires.
Au nom de la primauté du droit européen sur le droit national, la Cour d'appel de Pau estime qu'il n'est pas possible de condamner les éleveurs sur des exigences de santé publique. Car, en droit français, les obligations de pharmacovigilance et d'une notice en français ne sont pas, à ce jour, applicables aux éleveurs, mais aux entreprises pharmaceutiques et, pour la pharmacovigilance, aussi aux vétérinaires.
La Cour d'appel de Pau n'a pas non plus sanctionné l'absence d'ordonnance valable. Car cette infraction, pourtant flagrante, ne faisait pas partie des délits poursuivis initialement.
À l'inverse, pour la Cour d'appel de Bordeaux, les éleveurs cachent délibérément ces importations à leur vétérinaire habituel. A Bordeaux, les « pratiques occultes » des éleveurs constituent « des dérives très préoccupantes » avec un risque « certain » pour la santé publique. Il est décrit « des ordonnances sans le moindre diagnostic, un surstockage et une surconsommation sans aucun contrôle ». Au final, Bordeaux condamne les éleveurs pour leur mépris des obligations de santé publique en rattachant ces délits à de l'importation illégale.
Le directeur de l'Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) indique dans la presse vétérinaire qu'un projet de décret « vient juste d'être transmis au Conseil d'État » avec une publication envisageable à la fin du premier semestre 2018. Ce décret devrait permettre aux éleveurs de solliciter des autorisations d'importations parallèles avec de fortes garanties sur la pharmacovigilance et sur l'identité des médicaments importés par rapport à ceux autorisés en France.
Ce décret ne devrait donc pas encourager les éleveurs à multiplier les achats de médicaments en Espagne.
L'arrêt de la cour d'appel de Pau décrit dans le détail le système mis en place pour encourager les ventes de médicaments espagnols auprès de la venta Peio Landizoo de la frontière basque, dont 70 % de la clientèle est française.
En Espagne, les fournisseurs de la Venta Peio sont trois sociétés de vétérinaires espagnols, localisées à la même adresse en Navarre (dans la ville de Irurtzun) :
La Venta Peio vend au détail les médicaments aux éleveurs qui viennent eux-mêmes les chercher en fournissant l'ordonnance correspondante présignée par Erneta Azanza. Le plus souvent, ce vétérinaire ne connaît ni les élevages, ni les animaux. Le chiffre d'affaires de la venta Peio est de 1000 à 1500 € par jour en médicaments vétérinaires.
La Venta Peio ajoute à la facture 3 % de « frais de justice » destiné à financer la défense juridique à travers les associations d'éleveurs solidaires (AES) ou d'éleveurs bretons (AEB).
Cette défense est assurée par Daniel Roques, le président de l'association Audace, et le gérant de la société de conseil juridique Phytheron 2000. Ancien technicien agricole, mais perçu par les éleveurs comme un avocat, Daniel Roques facture ses honoraires (environ 15 à 30.000 € par an) à la Venta Peio ou à l'association d'éleveurs AES, voire, à l'origine, directement à Albaitaritza.
Les éleveurs poursuivis savaient, pour la plupart, que ces importations étaient illégales au regard du droit français. Ils n'ignoraient pas qu'une commission de 3 % était prélevée pour défendre ces achats devant la justice française et européenne.
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