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Elanco & Proplan

31 juillet 2017

Cytopoint° (lokivetmab) : une injection par mois contre la dermatite atopique canine

par Eric Vandaële

Temps de lecture  8 min

Sur le score lésionnel Cadesi, la ciclosporine donne de meilleurs résultats que l'Ac monoclonal sur les chiens atteints de dermatite atopique dans cet essai clinique européen. Mais ce résultat ne remet pas en cause l'efficacité de Cytopoint°. D'après le rapport de l'Agence européenne du médicament.
Sur le score lésionnel Cadesi, la ciclosporine donne de meilleurs résultats que l'Ac monoclonal sur les chiens atteints de dermatite atopique dans cet essai clinique européen. Mais ce résultat ne remet pas en cause l'efficacité de Cytopoint°. D'après le rapport de l'Agence européenne du médicament.
 

Depuis quelques jours, le premier anticorps monoclonal autorisé comme médicament à usage vétérinaire est référencé dans les centrales. Il s'agit du lokivetmab Cytopoint° commercialisé par Zoetis depuis deux ans aux USA pour « réduire les signes cliniques de la dermatite atopique canine » sur la base d'une injection SC mensuelle.

C'est le troisième traitement de référence approuvé en Europe contre la dermatite atopique canine, après la ciclosporine autorisée depuis l'été 2002 et l'oclacitinib depuis 2013. Ces trois traitements ont des modes d'action très différents et non concurrents. Le site US de Zoetis précise d'ailleurs qu'il n'y a pas d'interaction négative à associer le lokivetmab à d'autres traitements de la dermatite atopique comme la ciclosporine (Atopica° ou génériques) ou l'oclacitinib (Apoquel°, Zoetis). Mais le coût mensuel de chacun de ces traitements « à vie », de l'ordre de 30 à 60 € par mois en prix HT centrale, ne permet sans doute pas de les combiner sur le long terme.

Trois molécules, trois modes d'action

Des trois traitements, le lokivetmab est celui dont le mode d'action est le plus étroit, ciblé sur une seule cytokine pro-inflammatoire : l'interleukine-31 (IL-31). Le suffixe mab de lokivetmab est l'acronyme de « monoclonal anti-body ». Il caractérise la dénomination internationale des Ac monoclonaux, dont une vingtaine sont autorisés en médecine humaine. Les Ac monoclonaux sont produits par une seule lignée cellulaire issue de la fusion d'un lymphocyte B avec une cellule cancéreuse de souris qui lui confère des propriétés de multiplication cellulaire illimitée. Cela en garantit la pureté et la spécificité.

Le lokivetmab cible et bloque uniquement l'interleukine-31 qui est à l'origine du prurit dans la dermatite atopique canine. Quand elle est liée à son Ac monoclonal, l'interleukine-31 ne peut plus se fixer à ses récepteurs et ne provoque donc plus son action pro-inflammatoire ni le prurit associé. L'action est si ciblée que ce médicament n'a pratiquement pas d'effets indésirables en dehors d'éventuelles réactions immunitaires. Ce mode d'action ciblé peut expliquer que quelques chiens répondent moins bien à ce médicament si le prurit n'est pas associé à la seule IL-31.

Disponible en France que depuis l'an dernier, l'oclacitinib Apoquel° est le premier inhibiteur vétérinaire de Janus kinase (JAK), plus précisément un inhibiteur sélectif de la Janus kinase de type 1 (JAK1). Les Janus kinases sont ainsi dénommées en référence au dieu grec Janus, le dieu au double visage, « allusion à une double activité de ces kinases ». En inhibant la Janus Kinase de type 1, l'oclacitinib s'oppose à la synthèse de cytokines pro-inflammatoires impliquées dans la réponse allergique et le prurit. « Cependant l'oclacitinib peut aussi avoir des effets inhibiteurs sur d'autres cytokines, par exemple celles impliquées dans la défense immunitaire ou dans l'hématopoïèse, et ainsi être à l'origine d'effets non souhaités », explique le résumé officiel des caractéristiques de ce médicament (RCP).

La ciclosporine est un immunosuppresseur, utilisé de longue date dans la dermatite atopique, pour ses effets anti-inflammatoires et antiprurigineux. Son spectre d'action est plus large. Elle inhibe les lymphocytes T qui sont activés par l'atopie et une stimulation antigénique (l'atopie). Elle inhibe ainsi la synthèse d'interleukine 2 et d'autres cytokines dérivées de lymphocytes T. La ciclosporine s'oppose aussi à la présentation de l'antigène au niveau du système immunitaire cutané. Elle bloque le recrutement et l'activation des éosinophiles, la production de cytokines par les kératinocytes, les fonctions des cellules de Langerhans, la dégranulation des mastocytes et donc la libération d'histamine et de nombreuses cytokines pro-inflammatoires. « La ciclosporine ne déprime pas l'hématopoïèse et ne modifie pas la fonction phagocytaire » selon son RCP.

Une seule injection SC par mois

Dans la pratique, le lokivetmab Cytopoint° se distingue surtout par son mode d'administration. Une seule injection SC par mois à (au moins) 1 mg/kg agit « rapidement, dans les 8 heures, et longtemps, 28 jours » selon l'Agence européenne du médicament. Les flacons unitaires d'un ml se présentent en quatre dosages :

  • 10 mg pour un chien de 3-10 kg (soit une dose comprise entre 1 et 3,33 mg/kg selon le poids du chien), pour un coût mensuel HT centrale entre 25 et 30 € le flacon de 10 mg,
  • 20 mg pour un chien de 10-20 kg (1 à 2 mg/kg), pour un coût HT centrale à près de 40 € le flacon de 20 mg,
  • 30 mg pour un chien de 20 à 30 kg (1 à 1,5 mg/kg) à environ 55 € HT centrale et,
  • 40 mg pour 30 à 40 kg (1 à 1,33 mg/kg) à environ 65 € HT centrale le flacon.

Les flacons, vendus par boîte deux, se conservent deux ans au réfrigérateur entre +2 °C et +8 °C. Comme les vaccins, ils ne se divisent pas et ne se conservent pas après ouverture.

Efficace en huit heures et pendant 28 jours.

Deux essais en laboratoire sur des chiens beagles, comparatifs contre placebo, confirment l'efficacité sur un mois de ce schéma posologique sur un modèle expérimental de prurit déclenché par des injections IV d'interleukine 31. Les chiens du groupe placebo, non traités par le lokivetmab, déclenchent un violent prurit durant les deux heures qui suivent les challenges IV d'IL-31. Chez les chiens traités par le lokivetmab, l'Ac monoclonal bloque l'IL-31. Le score de prurit (évalué de 0 à 100) est diminué de 85 % à 90 % à partir de huit heures post-traitement et jusqu'à 28 jours. En revanche, après 56 jours, le lokivetmab n'est plus efficace avec des scores de prurit peu différents entre les deux groupes : 53 pour le groupe traité versus 67 pour le placebo (voir figure).

À J28, le taux de réduction rapporté est de 88,9 % en prenant en compte la stratification par bloc. Un bloc est composé d'un chien Beagle traité apparié à un chien témoin. Les chiens sont appariés sur leurs scores habituels de prurit avant traitement (et challenge). Source : d'après le rapport de l'Agence européenne du médicament.

Ces essais confortent aussi une corrélation entre les concentrations sériques « efficaces » en lokivetmab (2,3 mcg/ml en moyenne sur 28 jours) et l'efficacité antiprurigineuse. Un chien qui a mal répondu au traitement après le challenge d'IL-31 présentait une teneur moyenne à seulement 0,37 mcg/ml. Pour ce chien, l'hypothèse du développement d'Ac anti-lokivetmab à l'origine du manque d'efficacité après J7 n'est ni exclue, ni confirmée.

Si la réponse clinique n'est pas satisfaisante après la première injection, il reste recommandé d'en réaliser une seconde après un mois. Si après deux injectons, la réponse n'est toujours pas satisfaisante, un autre traitement est à envisager.

Lokivetmab versus ciclosporine : double aveugle et double placebo

Les preuves d'efficacité sont aussi apportées par un essai clinique européen comparatif versus Atopica° réalisé dans 43 cliniques vétérinaires de quatre pays sur 274 chiens atteints de dermatite atopique. Pour garantir l'aveugle, les 142 chiens traités par Cytopoint° pendant trois mois (trois injections SC à 1 mg/kg de lokivetmab) reçoivent aussi des capsules molles placebo d'Atopica. Et les 132 chiens traités par Atopica° (ciclosporine 5 mg/kg/j par voie orale) reçoivent une injection SC placebo de Cytopoint°. Les évaluations du score de prurit et du score lésionnel (Cadesi) sont faites à J0 (1ère injection), J14, J28 (2nde injection), J56 (3ème injection) et J84.

Du fait d'un manque d'efficacité, huit chiens du groupe Cytopoint° (5,6 %) et deux du groupe Atopica° (1,5 %) ont été retirés en cours d'essai. Selon la date de sortie et d'éventuels écarts au protocole, ils sont ou non pris en compte partiellement dans les données d'efficacité et les analyses statistiques. Selon le rapport d'évaluation, « aucun biais n'a été intentionnellement introduit » par l'exclusion de ces chiens.

Un peu meilleur sur le prurit, un peu moins sur le score lésionnel

Sur le score de prurit, le lokivetmab apparaît un peu plus efficace que la ciclosporine. À J28, le score de prurit est réduit de 52 % par rapport à J0 avec Cytopoint° versus 44 % pour Atopica°. À J84, la réduction est de 60 % pour Cytopoint° versus 53 % pour Atopica°.

À l'inverse, sur le score lésionnel Cadesi, la ciclosporine donne de meilleurs résultats que l'Ac monoclonal. À J28, le score Cadesi est réduit de 57 % pour Atopica° versus 54 % pour Cytopoint°. Ce résultat ne permet pas de conclure à la « non-infériorité » statistique de Cytopoint° par rapport à Atopica° sur ce critère. Mais il ne remet pas non plus en cause l'efficacité de Cytopoint°. Le fait de réduire en moyenne de plus de 50 % le score Cadesi apparaît comme un bon résultat d'efficacité, indépendamment de la comparaison avec la ciclosporine. En outre, cinq chiens ont mal répondu au traitement à l'Ac monoclonal et ont été pris en compte dans les résultats. « En excluant ces cinq chiens de l'analyse statistique, la non-infériorité statistique serait démontrée entre Cytopoint° et Atopica° » argumente le rapport de l'Agence européenne du médicament.

Anticorps anti anticorps monoclonal

L'Ac monoclonal peut induire des Ac anti-lokivetmab transitoires ou permanents chez le chien qui en reçoit. Cela est « peu fréquent » et pourrait ou non avoir un impact sur une baisse éventuelle de l'efficacité dans le temps. Dans l'essai clinique européen, sur 142 chiens traités, des Ac anti-lokivetmab ont été détectés sur trois chiens (2,1 %), avec une réduction de l'efficacité pour l'un des trois.

Un essai prolongé neuf mois

À J84, l'aveugle a été levée. Et 81 chiens du groupe Cytopoint° (parmi ceux qui ont le mieux répondu) ont poursuivi le traitement pendant six mois supplémentaires soit, au total, neuf mois de suivi. Cette prolongation de l'essai permet de confirmer les mêmes niveaux d'efficacité sur le long terme sur le prurit et le score Cadesi. Aucun Ac anti-lokivetmab n'a été détecté sur ces 81 chiens.

Aucune interaction n'a été observée dans les essais cliniques avec des traitements concomitants : antiparasitaires, vaccins, antibiotiques, anti-inflammatoires…

Du côté des effets indésirables, le RCP signale dans de rares cas (0,01 % à 0,1 %), des réactions anaphylactiques (œdème de la face, urticaire) nécessitant un traitement.

Le RCP rappelle de traiter aussi les complications de la dermatite atopique, telles que les infections bactériennes ou fongiques, voire la présence de parasites (puces ou gales).

Par manque d'études spécifiques, le lokivetmab n'est pas recommandé sur les reproducteurs, ni sur les chiennes gestantes ou allaitantes.